vendredi 2 mars 2012

Dictionnaire "presque" de l'Académie de Ribaut...

Il y a plusieurs explications à la dicopathie, c’est-à-dire à l’amour démesuré des dictionnaires, une maladie que je revendique avec quelques lecteurs et qui, bien que très contagieuse, incarne me semble-t-il quelques vertus. Ainsi, la fréquentation de longue date des dictionnaires d’hier et d’aujourd’hui entraîne une grande estime pour « celles » (peu nombreuses) et « ceux » (très nombreux) qui ont conçu et rédigé les dictionnaires… Je présenterai aujourd'hui un dictionnaire bien ordinaire qui complétera une collection de dictionnaires de L'Académie dont la première version de 1694 m'a été proposée dernièrement. Je n'avais pas les moyens de l'acheter… Je ne regrette rien (mais je pleurs encore de rage !)

Il nous semble intéressant de rappeler combien le dictionnaire monolingue français est né d’une nécessité : offrir à la langue française une légitimité, faire reconnaître celle-ci comme langue officielle, c’est-à-dire émanant d’autorités compétentes, qu’elles soient politiques ou culturelles. Il fallait en effet que la langue de l’État fasse autorité et que celle-ci soit aussi la langue des gens « lettrés », et donc celle de la culture. En somme que la pensée politique ou culturelle s’incarne dans une seule et même langue, reconnue.


* Ainsi, n’en soyons pas surpris, l’initiative vient de personnalités fortes. Charlemagne avait imposé le latin, Louis XI, roi habile s’il en est, avait souhaité de son côté installer la langue française comme langue du droit. Il n’y parvint pas mais François Ier, en 1539 et par le célèbre Édit de Villers-Cotterêts, réussit à instaurer la langue française en tant que langue de tous les documents officiels. Il s’agissait d’une manifestation forte du pouvoir royal, désormais en mesure d’imposer une langue pour l’État et son administration.


Et c’est à Robert Estienne, imprimeur érudit pour lequel François Ier éprouvait de l’admiration au point qu’il devint son traducteur pour les langues hébraïque et latine, que l’on devra le premier dictionnaire ayant le français en nomenclature et non plus le latin. De ce dictionnaire bilingue, le Dictionnaire françoislatin, devait naître le Thrésor de la langue française rédigé par Jean Nicot, diplomate qui fit connaître le tabac à la Cour, d’où la nicotine… On remarquera au passage que le titre choisi par Jean Nicot ne fait même plus référence au latin, alors même que l’ouvrage demeure un dictionnaire bilingue, ce simple détail préfigure une conception nouvelle : celle du dictionnaire monolingue français.


Quand ce dernier va-t-il s’imposer ? Au Grand Siècle par excellence, siècle de la centralisation et du développement de la notion d’État fort, pour l’heure une monarchie absolue avec Louis XIII et Richelieu, puis Louis XIV et Colbert. C’est à Richelieu qu’on doit la création de l’Académie française en 1635, chargée ni plus ni moins d’édifier un dictionnaire propre à fixer le lexique de la langue française, avec l’idée forcément battue en brèche par la suite qu’elle était arrivée à sa perfection et qu’elle n’évoluerait plus guère.


Au XVIIIe siècle, les encyclopédistes avec Diderot et d’Alembert ouvrent les savoirs aux domaines scientifiques et techniques avec l'Encyclopédie qui n'est pas un dictionnaire à proprement parler. Les dictionnaires commencent de fait à s’installer dans les lycées et dans tous les foyers de la bourgeoisie, se métamorphosant en efficace moyen d’affirmer vigoureusement la langue nationale contre les différents patois. C'est un de ces dictionnaires que je propose aujourd'hui à la vente. Il copie le dictionnaire de L'Académie en mieux… Mais je me demande ce que l'éditeur Ledentu allait faire dans cette bataille ? Pierre

* informations tirées d'une conférence dont je ne retrouve pas le nom de l'auteur, pour l'instant !


RIBAUT (C). Dictionnaire de la langue française rédigé d'après les Dictionnaires de l'Académie de Boiste, de Laveaux, etc… Paris, Chez Ledentu libraire, 1840. 2 volumes fort in-8, reliure pleine basane marbrée, dos lisse avec titre doré. Pas de rousseurs, une trace de mouillure très claire sur la première page du tome II, quelques petites taches d'encre. Très bon état. Vendu

3 commentaires:

calamar a dit…

ah mais, Pierre, vous oubliez le plus important : la date ! heureusement qu'elle est lisible sur vos magnifiques photos.

Pierre a dit…

Voilà qui est mentionné sur la notice. Merci, Calamar. Cette édition correspond à la Cinquième édition du dictionnaire de l'Académie. Pierre

Textor a dit…

Interessante retrospective sur le dictionnaire. L'idée de rassembler les mots et de fixer leur sens devait être en vogue au tout début du XVIème siècle car Ambroise Calepin fit de même pour l'italien.
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