vendredi 29 avril 2016

La plume sous le masque : Pensée du 19eme jour…




L’espérance de revenir donne du courage pour souffrir…

Voilà ! J’ai rendu hier les clés de mon local professionnel au moment de faire l’état des lieux. Je ne vous cacherai pas que j’ai eu un petit pincement au cœur. Non pas parce que j’ai été obligé de me séparer d’une partie de mes ouvrages ; les meilleurs sont encore dans ma librairie de jardin est dans mon bureau ; mais parce que j’ai réalisé que je ne mettrai plus jamais un prix sur un livre ! Je ne serai plus libraire d’ouvrages anciens mais simple amateur de beaux livres…

C'est un détail, mais j’ai déjà la nostalgie de ce métier. Aujourd’hui, j’ai parcouru avec plaisir le dernier numéro du Magazine du bibliophile. J’y ai retrouvé certains de mes amis croisés au cours de ces sept années dédiées aux livres anciens.

J’ai appris avec plaisir que Philippe Bernini en association avec Alain Meyer avait ouvert une librairie collective à Nice. Avec Philippe, nous avons ce même amour pour le commerce du livre et ce même respect pour les beaux ouvrages : j’appréciais sa rigueur de professionnel lors de la présentation de son stand sur les salons et les marchés. L’espérance de revenir l'accompagne dans ce nouveau défi…

J’ai relevé avec satisfaction que le projet de restauration de la basilique de Marçay était en bonne voie. J’avais rencontré à l’occasion du Salon du Grand Palais, l’année dernière, Jean Denis Touzot qui voulait y créer un musée du livre. J’ai toujours apprécié ces projets un peu fous et c’est pourquoi j’avais pris une carte d’adhérent à cette association. Il m’était venu à l’idée d’en faire de même à l’aube de ma retraite. Celle-ci est venue plus vite que prévue ! L’espérance de revenir me donne, de nouveaux, des idées…

J’ai lu également avec intérêt l’article où Jean-Paul Fontaine présente ses 160 portraits de bibliophiles dans Les gardiens de Bibliopolis. Je ne connais pas Jean-Paul personnellement mais nous sommes, tous deux, animateurs de blogs. Je crois qu’il appréciait l’originalité de mes billets. Quand je faisais de la vulgarisation, il faisait de l’érudition. Quand je faisais des articles succincts, il présentait des articles détaillés. J’ai été, bien sûr, de ceux qui ont commandé son livre en souscription. Ça ne se lit pas comme un roman mais c’est un remarquable ouvrage qui a sa place sur une table de chevet. Jean-Paul, je te rassure, ce n’est pas la lecture de tes biographies qui m’endort le soir mais les traitements que je prends pour assurer mon fragile sommeil ! L’espérance de revenir me pousse à continuer d'écrire…

Un des derniers articles de cet excellent numéro du Magazine du bibliophile nous brosse le portrait de deux jeunes libraires que j’affectionne particulièrement, Éric Zink et Charles Henri de Boissieu. La relève est la ! J’aime leurs commentaires et leur vision de ce beau métier. Avec CHB, je dirais également " que la plus grande joie pour un libraire et de prendre un livre ancien, de le découvrir, puis de le décrire avec soin de façon à donner envie à un client de se l’approprier ". L’espérance de redevenir libraire ?..

Pierre

mercredi 27 avril 2016

La plume sous le masque : Pensée du 17eme jour…




Les épreuves raffermissent les grandes passions et débarrassent des petites…

Les philosophes modernes, comme dans le bouddhisme zen, proposent à leurs lecteurs la stratégie du dépouillement pour atteindre une parfaite sérénité dans leur vie. J’ai découvert ceci, hier soir, dans mon livre de chevet du moment. C’est donc aujourd’hui, sous le masque, que j’ai médité sur cette pertinente recommandation. J’aurais, bien sûr, préféré la développer sous un arbre à palabres avec quelques amis idolâtres comme moi mais les circonstances m’obligent à ce monologue intérieur. Je me suis donc "autodemandé" jusqu’à quel point  j’arriverais à me débarrasser de mes passions…

Bien évidemment, je ne parle pas ici des passions amoureuses qui sont dictées par des prétextes complexes qui laissent les scientifiques perplexes sur l’attirance des sexes (sic). Je peux cependant confirmer, maintenant, que mariés pour le meilleur et pour le pire, c’est parfois dans le pire (dans les épreuves par exemple) que se raffermissent les passions amoureuses des époux dans le couple. Ne vous rendez pas malade pour vous en convaincre : faites-moi confiance !

Ces mêmes philosophes ont pourtant, le plus souvent, soutenu l'irrationalité des passions. Elles seraient comme des forces obscures néfastes à notre équilibre, un développement monstrueux de notre ego, bref, les signes d’une tendance maladive irraisonnée selon certains… C'est ce concept culpabilisant qu'il faudrait reconsidérer aujourd’hui avec bienveillance : le conflit raison et passion est-il réel ? Doit-on se débarrasser de ses passions pour faire plaisir aux philosophes ? Doit-on les assumer pour donner un sens à notre vie ?

J’ai donc établi une check-list des passions plus ou moins raisonnables qui ont rempli ma vie et je me suis demandé quelles étaient celles qui avaient été raffermies par l’adversité. Amis bibliophiles, voici une bonne nouvelle ! ! La passion de la lecture, la passion des beaux livres, la passion des bons ouvrages n’a pas disparu dans les épreuves. Si je n’achète plus de beaux exemplaires en ce moment, ce n’est pas faute d’envie mais parce qu’il me faut (provisoirement, j’espère)  être raisonnable d’un point de vue financier. J’ai néanmoins acheté tant de livres anciens par le passé que le mal n’est pas grand… Qu’on me donne encore un peu de temps pour récupérer ma bonne santé et je vous assure que j’ai quelques collections qui ne demandent qu’à être complétées ! Les libraires qui exposeront au "Grand Palais", l’année prochaine, peuvent déjà m’envoyer des cartons d’invitation !

Nonobstant, de petites passions légères ont quand même survécu à l’épreuve. Samedi après-midi, un ami est venu me chercher pour boire une bière (sans alcool) à la terrasse d’un café de Saint-Rémy de Provence. Une jeune femme est passée devant nous, les bras chargés de copies d’élèves à corriger. Elle portait un charmant tailleur moulant quand je l’ai vue disparaître au coin de la rue. Je dis alors à mon ami : " Quel beau métier, professeur " !.. Et il me confirma alors avec un sourire complice que ma modeste passion pour les contrepèteries approximatives n’avait pas totalement disparue… Pierre

lundi 25 avril 2016

La plume sous le masque : Pensée du 15eme jour…




Je suis "Superfatigué" ! En fait, c’est comme "fatigué" mais avec un masque et une cape…

Je viens de dépasser la moitié du protocole de mes traitements post-opératoires initiaux ; la chimio et la radiothérapie constituant l’essentiel de ces soins ! Bien évidemment, on ne voit pas trop que je suis moralement et physiquement fatigué puisque je suis souriant et que je fais bonne figure mais je vous assure que les gars qui ont inventé ces procédés devraient les essayer sur eux avant de les proposer à leurs patients. C’est "superfatiguant" ! Vous me direz que je n’ai guère le choix et c’est vrai…

J’apprends donc à connaître mes limites. Vous comprenez bien qu’il ne s’agit pas de ces limites, faciles à reconnaître et pour lesquelles il suffit de faire un petit (ou gros) effort afin de les surpasser. Celles-ci, on les connait dans le sport par exemple et je les redécouvre également, aujourd’hui, puisque mon bras gauche est, pour l’instant, inefficace et très approximatif dans ses mouvements…. Je vous parle, ici, des limites dont nous n’avons pas toujours conscience, des limites psychologiques, des limites inconscientes, des limites tout simplement inconnues dont nous ignorons jusqu’à l’existence puisque nous n’avons jamais eu à les tester !

J’aurai, si tout se passe bien, encore six mois pour les déterminer (durée totale du traitement). Comment connaître, en fait, ces fameuses limites psychologiques à notre souffrance ? Car il s’agit bien de "souffrance" dont nous parlons ici ! Il y a, en effet, une grande différence entre la douleur qui s’attache au physique et la souffrance qui englobe justement ces limites psychologiques auxquelles nous somme parfois confrontées.

Nous avons tous, en tant qu’êtres humains, des fragilités et des failles. Nous sommes donc conduits à passer notre vie à essayer de composer avec ces fameuses limites. Certes, tout dépend de l’ampleur de nos blessures ! Faut-il cependant ignorer nos propres failles ? Je ne le pense pas. En réalité, c’est au sein même de nos failles qu’éclot (ça sent le printemps...) notre désir de survivre et que commence à se structurer notre avenir. Alors je suis patient ; ou alors je fais semblant de l’être ! Je ne suis pas "Superman", je dois l’avouer, mais il me plairait bien de passer pour un héros auprès de mes proches ! 

Pierre

jeudi 21 avril 2016

La plume sous le masque : Pensée du 14eme jour…



 
Avec la chimiothérapie et la radiothérapie associée, la seule chose qui puisse encore retenir mes cheveux de tomber, c'est le plancher…

Il paraît que les femmes sont plus sensibles à la perte de leurs cheveux que les hommes. C’est sans compter sur la localisation de cette perte de cheveux qui est, dans mon cas, curie-dépendante et unilatérale ! Sensible, donc je suis. Je ne sais pour l’instant, si c’est le regard des autres où mon propre regard dans la glace qui me gêne le plus. Je porte une casquette quand je le peux, mais envisage sérieusement de me raser la tête. Bien sûr, il y a cette grande cicatrice en fer à cheval qui est visible si l’on me domine d’une tête, mais le subterfuge devrait fonctionner dans la majorité des cas.

Alopécie, calvitie… donnez lui le nom que vous voudrez, mais la chute des cheveux chez l’homme, qu’elle soit brutale ou non, est une période difficile à accepter. À tel point d’ailleurs que certains en font un complexe : le crâne rasé ne va pas forcément à tout le monde, il faut l’admettre ! L’image du mâle ténébreux au regard de braise, à la belle chevelure mystérieusement soyeuse,  aux tempes argentées et au portefeuille de la même couleur en prend un coup quand ces attributs disparaissent…

Deux écueils cependant sont à éviter. Le premier est le port associé d’une moustache finement taillée, d’un petit blouson en cuir ajusté, et celui d’un mouchoir laissé en vue dans la poche arrière droite de votre "jeans" : une ambiguïté pourrait s’établir dans vos rapports avec vos semblables. Le deuxième écueil, d’actualité, serait d’associer ce crâne rasé avec une longue barbe fournie et une ceinture lourdement chargée autour de votre pantalon : une ambiguïté pourrait alors s’établir dans vos rapports avec la police…

Heureusement, la technique "boule de billard" est largement  prisée depuis qu’un président embrassa le crâne chauve d’un gardien de but pendant une certaine coupe du monde de football. Depuis, tous les jeunes ont suivi cette mode, et je me suis entendu plusieurs fois demander instamment à mes enfants de se laisser pousser un peu leurs cheveux, ce que mon grand-père ne voulait surtout pas à l’époque !

Assez bizarrement, je n’ai jamais pensé à m’acheter une "moumoute" en guise de couvre-chef. J’ai trop souvent eu un sourire moqueur en face de ces ersatz mal ajustés pour que je risque aujourd’hui qu’on se moque de moi. Je préfère assumer une calvitie d’origine indéterminée qu’une perruque d’origine trop bien connue… La réelle question à se poser avant cette étape du rasage intégral est : Comment voyez-vous ce processus (transitoire ou définitif) ? Le voyez-vous comme un réel handicap ou un simple problème matériel dont vous n’avez pas grand-chose à faire ? Ma réponse est : Je vous dirais ça demain ! Pierre

mardi 19 avril 2016

La plume sous le masque : Pensée du 13eme jour…




Pour l'âme humaine, si un corps sain est un hôte, un corps malade est une prison…

Cette pensée sous le masque est la conséquence de la lecture du livre de chevet qui accompagne mon premier sommeil, en ce moment : une suite de réflexions de trois amis sur la sagesse. Ces trois interlocuteurs, de toutes confessions confondues, sont d’accord sur le fait que nous ne serions que les locataires de notre corps…

Nous ne pouvons cependant nier que l’âme et le corps réagissent l’un sur l’autre ; la médecine nous en donne de nombreux exemples. L’existence indépendante de l’âme résiste-t-elle alors à l’analyse et au bon sens ? D’ailleurs, ce n’est pas seulement l’être humain, mais toutes les choses sur terre qui possèderait une " Âme ". Les animaux auraient une âme, tout comme les plantes et même les objets inanimés si l’on en croit Lamartine, de son prénom Alphonse…

Si nous considérons l’homme, nous trouvons une faculté supérieure, une intelligence que nous ne rencontrons nulle part ailleurs à un si haut degré de développement dans le reste de la nature vivante. Dans l’homme, nous trouvons un esprit doué de jugement et de raison, qui étudie les merveilles de la nature et les comprend, calcule les effets et les causes et approfondit tous les secrets de l’univers.

De tout temps, on s’est appliqué à sonder la nature de ce principe supérieur, à étudier les liens qui existent entre l’âme et le corps. Je dois reconnaître que je n’avais, moi-même, jamais aussi bien compris la nature cérébrale de ce principe que depuis que des mains habiles en ont extrait une fraction avariée !

L’âme ne serait-elle que la réunion de courants nerveux intimement liés au corps et donc dépourvue de toute existence indépendante ? C’est ce que semblent dire les scientifiques et les chirurgiens. L’âme et le corps formeraient alors un seul et même tout et l’âme serait donc aussi instable que le corps dont elle tirerait son origine. Prenons le cas de l’enfant à la naissance ! Il reçoit des impressions qui le réveillent du sommeil où il a été plongé, à peu près complètement, jusqu’à là (à l’abri de toute influence extérieure). Ses sens ne sont pas encore développés et ses facultés intellectuelles limitées. Le nouveau-né éprouve alors des sensations. Il ne les perçoit pas. Ce sont ces sensations éprouvées par le corps qui développeront ce que l’on appellera plus tard son âme

Les croyants, les catholiques dans mon cas, objecteront qu’un des dogmes de la foi est justement la séparation du corps et de l’âme, au moins provisoirement, puisque la résurrection nous est promise ! C’est le dogme de l’immortalité de l’âme. Et si "l’âme", ce n’était pas tout simplement "la vie" ? Pierre