Et si les Animaux opprimés depuis la nuit des temps se révoltaient et, pour faire entendre leur voix et sortir enfin de l'esclavage, exigeaient une Constitution conforme à leurs besoins ? Ces cahiers de doléances, réunis grâce à la vigilance d'écrivains publics attentifs, exposent les griefs, les revendications et les avanies de chaque famille animale, tandis que Grandville fait vivre devant nous leur société, avec ses cauchemars et ses rêves qui répondent à ses propres visions.
Une nuit de 1840, au Jardin des Plantes à Paris, L'Assemblée
Générale des Animaux a décrété après délibération les trois articles
suivants : Art. Ier. Il est ouvert un crédit illimité pour la
publication d'une histoire populaire, nationale et illustrée de la grande
famille des Animaux. Art. II. Pour éloigner l'ignorance et la mauvaise
foi, ces deux fléaux de la vérité, l'ouvrage sera écrit par les Animaux
eux-mêmes, seuls juges compétents. Art. III. Comme les arts et la
librairie sont encore dans l'enfance parmi eux, la nation s'adressera, par
l'intermédiaire de ses ambassadeurs, pour illustrer cet ouvrage, à un nommé
Grandville, qui aurait mérité d'être un Animal.
Les Scènes de la vie privée et publique des animaux sont
un recueil d'articles, de nouvelles et de contes satiriques paru en livraison
de 1840 à 1842, puis en livre illustré en deux volumes de 1841 à 1842 avec le
sous-titre "Études de mœurs". Édité par Pierre-Jules Hetzel avec la
collaboration d'écrivains célèbres, notamment J.P Stahl (son pseudonyme), l'ouvrage connu un tel succès que de nombreuses rééditions furent
mises à disposition des lecteurs. Je ne m'étendrai pas sur le thème " Vie
publique / Vie privée", gisement inépuisable pour journaliste en manque de
publicité mais vous constaterez que le 19eme siècle n'est en manque, ni
d'informations, ni d'imagination sur la vie privée de ses dirigeants.
À voir nos hommes politiques se mettre en scène avec femme et enfants, on finit, nous aussi, par douter qu'ils aient encore une vie privée, aujourd'hui. Pour preuve, nos présidents de la République mettent maintenant un point d'honneur, sous prétexte de transparence, à se faire filmer pour des reportages en "prime-time" télévisuels. Celui présenté cette semaine n'échappe pas à la règle... Le phénomène n'a rien de nouveau, et la France reste cependant un pays où la vie privée de ses dirigeants est plutôt bien protégée. On ne saurait pourtant nier qu'il s'est produit en France un déplacement dans la manière qu'ont les professionnels de la politique de faire une grande place à leur vie privée jusque dans l'exercice de leurs fonctions. On ne s'étonne plus de voir dans une élection présidentielle des candidats faire campagne, accompagnés de leur épouse, de leur mari ou de la compagne ou du compagnon du moment quitte à ce que l'électeur se pose la question de la légitimité de celui-ci.
Si le chef d'orchestre de l'œuvre proposée aujourd'hui est bien
Pierre-Jules Hetzel, vous verrez en lisant ce recueil d'articles que le virtuose
est, en fait, l'illustrateur Jean Ignace Isidore Gérard plus connu sous le
pseudonyme de Grandville… Pierre
Vie privée et publique des animaux. Vignettes par Grandville,
publiée sous la direction de P. J. Stahl avec la collaboration de Balzac, Louis
Baude, Emile de La Bédollière, Jules Janin, Alfred de Musset, Charles Nodier,
George Sand, Louis Viardot. Paris, J. Hetzel, 1868.
Un volume In-4. Reliure demi chagrin rouge, plat estampé, dos à nerfs orné, gardes
colorées.636 pp. Très nombreuses illustrations in texte. Des rousseurs
irrégulières. 50 € + port