lundi 31 mars 2014

Albert Robida. Voyage au temps de la vieille France…


" Écarquille tes yeux à la beauté des choses ", telle était la devise d'Albert Robida. Son talent protéiforme, son œuvre immense témoignent d'un esprit curieux et passionné à l'exemple de l'ouvrage que je présente à la vente, aujourd'hui. Génie du dessin fantastique et de l'illustration, auteur, caricaturiste et peintre, Albert Robida laisse une œuvre exceptionnelle : près de 200 livres illustrés.


J'ai déjà eu le plaisir de proposer un exemplaire de l'auteur, il y a quelques temps  (Le vingtième siècle ). Il est encore sur mes rayonnages. Albert  Robida est né à Compiègne en 1848. Il est encore clerc de notaire dans une étude de la ville, quelques jours avant que quatre de ses dessins paraissent le 24 novembre 1866 dans Le Journal amusant - périodique alors fort célèbre - et viennent révéler son talent de dessinateur. Ceux-ci confirment une vocation innée et annoncent l'exceptionnelle carrière de leur auteur.


Dès lors, il multiplie les dessins dans les nombreux journaux qui paraissent à la fin du Second Empire décrivant, sur le ton de la caricature, les mille détails de la vie parisienne. L'illustrateur triomphe peu après dans La Vie parisienne où il crée un type de femme caractéristique : d'une féminité épanouie, la parisienne selon Robida, affiche une indépendance mutine et une allure pour le moins pittoresque. Elle fera la gloire de La Caricature, journal satirique que Robida publie presque seul de 1880 à 1892 (là encore, je l'ai présenté ici ). 


Ses dessins sont partout : Almanach Vermot, Journal des voyages, Le Monde moderne, La Nature, Le Petit Français illustré, La Vie élégante... L'artiste fait également paraître plusieurs ouvrages, échos de ses voyages en Europe, évocations aimables des sites fameux d'Italie, de Suisse, d'Allemagne, d'Espagne et bien sûr de France comme cet exemplaire de la Provence que je propose à la vente. Introduit partout, il dessine sans cesse : illustrations, vignettes, ornements, ex-libris, menus, affiches, cartes de visites, cartes postales ; rien ne le rebute, rien ne le lasse...  


« Parmi ceux dont le talent ne peut être comparé à aucun autre, Robida est assurément un des premiers par l’Imagination, l’Esprit de facture, l’Érudition de la plume et du crayon et aussi par la variété des procédés. C’est un des plus extraordinaires tempéraments qui se soient produits dans notre pays au cours de ce siècle, un des mieux inspirés surtout pour la mise en livre hâtive et ingénieuse d’une idée toujours vivante et personnelle, suivi d’une exécution rapide et toujours excessivement fantaisiste...» Ce n'est pas moi qui l'écrit mais Octave Uzanne dans une publication de février 1901.


Je vous propose à la vente, aujourd'hui, 4 ouvrages qui ont fait la fortune de La Librairie Illustrée fondée en 1865 par Georges Decaux et  reprise en 1900 par Jules Tallandier qui lui donne son nom. L'éditeur  a eu l'excellente idée de faire réimprimer ces ouvrages dans les années 1980. Les exemplaires de tirage de tête [numérotés et nominatifs] que je vous propose sont absolument conformes à l'édition originale et sont présentés dans une magnifique reliure en cuir ornée de motifs polychromes. Cette édition, ainsi présentée, aura donc sa place dans la bibliothèque d'un honnête homme ou d'un amateur de Robida…Pierre


ROBIDA (Albert). La Vieille France. Provence. Paris, Tallandier, 1986. Un volume grand in-4. Reliure plein cuir, plats et os estampés illustrés, motifs polychromes, gardes colorées, toutes tranches dorées. [8ff], 332 pp. Illustrations hors textes et in textes de Robida. Exemplaire nominatif n° XXXIII. Etat  parfait. Vendu

ROBIDA (Albert). Paris de siècles en siècles. Paris, Tallandier, 1983. Un volume grand in-4. Reliure plein cuir, plats et os estampés illustrés, motifs polychromes, gardes colorées, toutes tranches dorées. [8ff], 412 pp. Illustrations hors textes et in textes de Robida. Exemplaire nominatif n° XXIX. Etat  parfait. Vendu


ROBIDA (Albert). La vieille France. Touraine. Paris, Tallandier, 1987. Un volume grand in-4. Reliure plein cuir, plats et os estampés illustrés, motifs polychromes, gardes colorées, toutes tranches dorées. [8ff], 336 pp. Illustrations hors textes et in textes de Robida. Exemplaire nominatif n° VIII. Etat  parfait. 120 € + port

ROBIDA (Albert). La vieille France. Normandie. Paris, Tallandier, 1985. Un volume grand in-4. Reliure plein cuir, plats et os estampés illustrés, motifs polychromes, gardes colorées, toutes tranches dorées. [8ff], 331 pp. Illustrations hors textes et in textes de Robida. Exemplaire nominatif n° XXIX. État  parfait. Vendu

samedi 29 mars 2014

La justice en 1559 : Forme et ordre de plaidoyrie en toutes les cours Royales…


Deux éléments (parmi d'autres)  peuvent caractériser les ouvrages de la deuxième moitié du 16eme siècle et peuvent les différentier des incunables et post-incunables qui les précèdent : Souvent, ce sont des caractères romains qui sont employés pour l'impression et l'ouvrage présente une page de titre, parfois illustrée. L'exemplaire que je présente est, de plus, imprimé en langue française – plus exactement en vieux français ; Le manque de fluidité dans notre lecture nous donnant parfois l'impression de lire du Serbo-croate !


Cet ouvrage est bien évidemment destiné aux amateurs de livres juridiques anciens. Nous sommes en 1559.  Après la mort de Henri II, suivie de près par celle de François II, la France entre dans une période d'instabilité politique marquée par les efforts de Catherine de Médicis  pour concilier catholiques et protestants - ainsi que par son échec dans cette réconciliation.


Le livre que je présente traite de la Forme et de l'ordre de la  plaidoirie dans la procédure judiciaire. Je ne détaillerai pas personnellement son contenu par manque évident de compétence dans ce domaine : j'ai donc fait appel à la gentillesse d'un lecteur (Textor),  amateur éclairé, pour m'envoyer quelques lignes claires sur ce sujet. Les voici :


J’ai cherché à quoi pouvait bien correspondre ce MPL. Aucun des exemplaires décrits dans les bibliographies ne porte cette mention. Ni la première chez les Angelier ni les suivantes, postérieures à 1559. Cette édition doit être assez rare, donc. Pour résumer,  je n’ai trouvé aucune vente permettant d'en fixer un prix. 


La procédure du XVIème siècle peut paraitre étrange mais, à part les questions ordinaire et extraordinaire qui ont disparu (!), peu de chose a changé dans cette profession encore très codifiée. Savez-vous que l’épitoge herminée est une survivance de la besace que portait l’avocat au palais pour que son client lui glisse quelques victuailles sans qu’il ait besoin de la quémander ? Le Palais reste un espace théâtral mais j’aurais bien voulu voir évoluer les avocats et les procureurs du 16eme siècle…


Les formes de la plaidoirie et le style [c’est-à-dire la procédure] servaient à encadrer débats et tenter d’en raccourcir la durée. De tous temps, les avocats ont manifesté une tendance à plaider longuement. Les Athéniens imposaient à l'orateur de ne plaider que pendant le temps nécessaire à une amphore remplie de liquide, la clepsydre,  de se vider. À Rome, les plaidoiries devaient être terminées avant midi et la sentence rendue avant le coucher du soleil. À défaut, une nouvelle audience devait être fixée et le procès repris depuis le début. En Europe, diverses ordonnances imposèrent aux avocats de faire preuve de concision, et ce jusqu'au XVIème siècle !


C'est dans la forme d'expédier les criminels que nous avons noté une évolution notable de la jurisprudence. Si l'on ne peut mettre en doute la volonté de la Chambre de faire un procès équitable et d'astreindre les parties à une expertise contradictoire au cours de la récolte des charges, la méthode employée pourrait paraitre surannée, aujourd'hui. Ainsi feuillet 184 (je traduis) : " Dans le cas où le juge serait insuffisamment renseigné pour assoir son jugement définitif, celui-ci doit demander une délibération pour voir s'il y a des preuves et des indices suffisants pour faire répondre le prisonnier par la torture (sic)… Si le juge demande la torture, il doit être présent à celle-ci et le mentionner dans le procès-verbal des preuves et indices ". On n'en attendait pas moins ! Je ne crois pas que le mot torture existe encore dans un des intitulés de la procédure judiciaire.


Ce livre de procédure rédigé par le très prolixe Jean Bouchet n'est pas rare à proprement parlé mais il est vrai qu'on cite plus souvent, pour les exemplaires sortis des presse de Barbe Regnault, l'édition de 1561 que celle de 1559. Barbe était la fille de François Regnault. Elle avait hérité de la maison de l’Éléphant et bien qu'elle l'ait donnée à bail, elle avait gardé l'enseigne (ou bien le fonds). Comme cela se faisait au 16ème siècle, les filles n'avaient pas le droit d'exercer le métier d'imprimeur, même quand elles héritaient d'une presse, mais elles avaient le droit (et même le devoir !) de se marier avec un autre imprimeur. La seule occasion d'exercer cette belle profession était de devenir veuve. C'est ainsi que nous avons eu la veuve Guillard ou la veuve Bonhomme, des femmes d'exception qui avaient survécu à un ou plusieurs maris.


J'ai cherché, sur cet exemplaire, quelque trace écrite ancienne qui pourrait authentifier l'appartenance de cet ouvrage à Michel de Montaigne.  Seule la date de publication concorde avec la carrière de l'écrivain. C'est léger comme preuve… Dommage !  Pierre


MPL (Bouchet Jean ?). Forme et ordre de plaidoyrie en toutes les cours Royales & subalternes de ce royaume regies par coustumes, stiles & ordonnances Royaux. MPL. Avec la forme d'expedier les criminels [Texte imprimé]. Avec la forme d'expedier les criminels. A Paris pour Barbe Regnault, rue S Jaques, à l'éléphant, 1559. Un volume in-12 (12/8). Reliure hollandaise, parchemin fermé par nœuds de cuir. [1fbl], 184 feuillets numérotés, [1fbl]. Page de titre encadrée d'allégories sur bois. Défauts mineurs. Vendu

vendredi 28 mars 2014

Quelques livres de… et sur Léon Bloy.


"Ayons le courage de marcher en présence du Seigneur avec la croix. Si nous marchons sans la croix, nous sommes mondains, pas des disciples du Seigneur " demande aux cardinaux, François, le nouveau successeur de Pierre, célébrant le 14 mars 2013, l’intronisation de son pontificat, dans la chapelle Sixtine.


Lorsque dans sa première homélie, le pape François cite Léon Bloy, le lendemain de son élection, beaucoup sont surpris. Comment notre nouveau pape, venu d’un autre monde, a-t-il fait connaissance avec cet écrivain français, presque oublié, même chez nous ?

Petite biographie qu'on trouve partout : Pamphlétaire et romancier, Léon Bloy naît à Notre Dame de Sanilhac, près de Périgueux le 11 juillet 1846, d’un père franc-maçon voltairien et d’une mère ardente catholique. L’enfant se montre très vite, disposé à la tristesse et à la mélancolie. Ses études au lycée de Périgueux sont médiocres. Retiré de l’établissement en classe de quatrième, il exaspère son père qui le vouait à une carrière de fonctionnaire.

Mais le jeune homme ne s’intéresse qu’à la peinture et à l’écriture. Venu à Paris en 1867, il fait la rencontre, décisive, de l’écrivain chrétien Jules Barbey d’Aurevilly qui va devenir son maître et ami. L’occasion pour lui d’une profonde remise en question intellectuelle. C’est d’ailleurs sous son influence qu’il se convertit au catholicisme à 23 ans. Son génie d’écrivain ne se manifestera qu’à la quarantaine avec son roman autobiographique,  Le Désespéré.

Sa vie bascule à nouveau en 1877, quand il perd ses parents. Il va alors, effectuer une retraite à la Grande Trappe de Soligny et rencontre Anne-Marie Roulé, prostituée qu’il recueille et convertit. Rapidement la passion que vivent Bloy et la jeune femme se meut en une aventure mystique, dans une pauvreté absolue. C’est dans ce contexte que Bloy rencontre l’abbé de Moidrey qui l’accompagne au sanctuaire de La Salette. En 1882, Anne Marie doit être internée à l’hôpital psychiatrique, Bloy en est atteint au plus profond de lui-même. Quelques années plus tard il va rencontrer la fille du poète danois Molbech. À son tour, la jeune femme se convertit au catholicisme et Bloy l’épouse en 1890. 

À Montmartre, il fait la connaissance du peintre Georges Rouault, se lie avec le couple Jacques et Raïssa Maritain qu’il conduit à la foi. Après la mort au champ d’honneur de Charles Péguy, il occupera sa maison libérée. C’est véritablement avec la parution du Salut par les Juifs que le style de Bloy se révèle dans toute sa splendeur. Il s’éteint à Bourg-la-Reine, entouré des siens, à l’âge de 71 ans. Je me demande s'il est plus connu au Paradis que chez les libraires ? Pierre


1- BLOY (Léon). Léon Bloy devant les cochons suivi de.... Paris, Mercure de France, 1935. 25 € + port
2- BLOY (Léon). Histoires désobligeantes. Paris, Cres, 1914. Mention de sixième édition. 34 € + port
3 - BLOY (Léon). Le Sang du pauvre. Paris, Stock, 1922. 10 € + port
4 - BLOY (Léon). Le Mendiant ingrat. Paris, Mercure de France, 1946. Seul tome premier. 10 € + port
5 - BLOY (Léon). Je m'accuse... Paris, bibliothèque des lettres françaises, 1914. Portrait en frontispices, vignettes et culs de lampes. 40 € + port
7 - BLOY (Léon). Mon Journal. 2 volumes. 1896 – 1899 et 1899 – 1900. Paris, Mercure de France, 1942. 18 € + port
10 - BLOY (Léon). La femme pauvre. Paris, avec l'autorisation du Mercure de France, 1952. 20 € + port
13- BLOY (Léon). Le Sang du pauvre. Paris, Juvent, 1909. 35 € + port
14 -BLOY (Léon). Lettres à Véronique. Desclée de Brouwer. 15 € + port
15 - BLOY (Léon). Lettres à Philippe Raoux. Desclée de Brouwer. 15 € + port
19 -BLOY (Léon). Fin de lettres aux Montchal. Le désespéré (première partie). François Bernouard, Paris, 1947. Sur papier Alpha. Tampon de bibliothèque découpé. 12 € + port
21 - ROUZET (Georges). Léon Bloy et ses amis belges. Liège, collection notre carrefour soledi. 8 € + port
22 - BEGUIN (Albert). Bloy, mystique de la douleur. Paris, Le Seuil, 1948. 8 € + port
23 - BLOY (Léon). L'Âme de Napoléon. Paris, Mercure de France, 1930. 10 € + port
27 -  BOLLERY (Joseph). Le désespéré de Léon Bloy. Paris, SFELT, 1937. 12 € + port
30-  BLOY (Léon). Le mendiant ingrat suivi de Mon journal. Paris, François Bernouard, 1894-1895. 12 € + port
31-  BLOY (Léon). Le mendiant ingrat, 1900-1902. Quatre ans de captivité. Paris, Paris, François Bernouard.  12 € + port
32 - BLOY (Léon). Le mendiant ingrat 1903-1904. Quatre ans de captivité suivi de l'invendable. Paris, Paris, François Bernouard.  12 € + port
Le lot : Vendu

jeudi 27 mars 2014

Le Passe-Temps des mousquetaires ou Le Temps perdu par M. D. B***. A Bert-Op-Zoom, 1755


Les libraires d'ouvrages anciens en rêvent tous… Rentrer un exemplaire que les autres confrères n'ont pas… A la fois pour flatter leur égo et leur compétence d'acheteur ; car ce métier se réalise à l'achat et non à la vente, ils le savent !


Dans le Dutel, bibliographie des ouvrages érotiques publiés clandestinement en français entre 1650 et 1880, il est indiqué : In-12  de 1 f., 11, 116 pages - Edition publiée par Duchesne à Paris en 1755. Recueil contenant 60 contes en vers et épigrammes. Cette édition de 1755 se trouve être  rare, car un honorable confrère, plus compétent que moi en ouvrages de thème " curiosa " n'a pas trouvé d'exemplaires sur Artprice ou Auction pour en faire une estimation étayée…


Le Passe-Temps des mousquetaires ou Le Temps perdu par M. D. B***. A Bert-Op-Zoom, 1755 a cependant bénéficié d'une réédition à petit tirage. Selon mes confrères qui ont eu cet exemplaire entre les mains " Un certain nombre des épigrammes et petites pièces qui y sont renfermées sont dirigées contre les moines et frisent l'hérésie, beaucoup sont fort libres ". Pourtant, à lire l'exemplaire que je possède, je trouve que le blasphème est très feutré dans ces contes libertins. J'ai même beaucoup souri à une petite pièce qui brocarde gentiment  le " bibliophile – savant – lecteur " et en dessine un tableau peu flatteur. Nous savons tous que la vérité est ailleurs… Pierre


Avez-vous remarqué le changement de Claridon ?
Auparavant, il était gracieux
De belle humeur, bon ami, sociable
Complaisant, doux et généreux.
Mais à présent avec personne, il ne veut vivre
Il est dans ses livres et ne parait jamais content.
Je le plains très sincèrement
Il est savant, je le confesse
Ses ouvrages lui font honneur
Mais, comme je dis, faut-il vivre avec ses amis ?
Il court un bruit, outre cela
Qu'il s'entend mal avec sa femme
Car enfin depuis le moment qu'il a commencé sa retraite
Il n'a pas fait un seul enfant…
Ah ! Maman, s'écria Lisette
Le pauvre homme, donc, qu'un savant !


Desbief (Louis). Le Passe-Temps des mousquetaires ou Le Temps perdu par M. D. B***. A Bert-Op-Zoom, 1755. Un volume in 12 (16 x 11 cm). Reliure demi-veau vert empire, dos lisse avec filets et pièce de titre aux lettres dorés, gardes colorées. Edition originale. [1fbl], [1f page de titre], ij, 115pp, [1fbl]. Vignettes et culs de lampes. Contes libertins en vers par Louis Desbief (1733-1760) avocat. Dos insolé. Très bon état. 800 € + port

mercredi 26 mars 2014

Le Faut-Mourir de Jaques Jaques : rions de la mort avant d'en pleurer...


Ami lecteur, l'habile médecin voyant que son malade a de l'aversion pour la pilule qu'il lui a ordonnée, à cause de son amertume, a coutume de l'envelopper d'une pellicule ou de la couvrir de quelque douce poudre, et par ce moyen, cachant cette amertume, la fait avaler avec moins de difficultés au malade qui en reçoit les effets tels qu'il désire pour sa santé.


L'auteur de l'ouvrage que je propose aujourd'hui à la vente, Jaques Jaques (honte à ses parents de l'avoir surnommé ainsi...), en fait de même avec la pensée de la mort dont il nous assure qu'elle nous est grandement salutaire même si nous éprouvons une grande amertume à le faire admettre par notre esprit… C'est pourquoi ce livre est présenté de façon divertissante. C'est, en quelque sorte, la pellicule d'humour et de dérision qui nous fera avaler la fatalité de notre sort… 


Comme le dit la préface de Jaques Jaques, apothicaire devenu chanoine, natif et résident d'Embrun, "Je te débite ces vérités tout en riant ; ce sera à toi d'y penser tout à bon. Au reste, n'attend pas de délicatesse dans mes vers. Tu n'y trouveras que la simple rime, la naïveté de vers burlesques ".


Cet ouvrage doit être pris dans la tradition des Danses macabres et des Arts de mourir et des tête-à-tête entre la mort et le vivant. Invariablement, la mort annonce qu'il faut mourir ; le vivant, surpris d'une telle annonce imprévue, réclame, au nom de la vie qu'il mène et a menée un délai, que refuse invariablement la mort inexorable… qu'il soit pape, roi, forçat, riche, aveugle, pauvre paysan, riche usurier, chirurgien ou gueux estropié !


L'ouvrage est ainsi écrit pour rappeler à tout un chacun que la mort vient sans prévenir, qu'il faut savoir s'y préparer pour assurer son salut en l'au-delà (même la religieuse, qui pourtant en avait fait son étude, n'est pas prête, le moment venu…) !


Désolé, avec ce livre, de plomber l'ambiance euphorique de ce blog traditionnellement dilettante mais comme notre équipe a judicieusement décidé de ne pas se représenter au deuxième tour des élections municipales, ce week-end, l'intérêt de la vie sur terre a perdu momentanément tout ou partie de son attrait*…  Pierre  ;-))


* Par contre, si vous achetez cet ouvrage, je remettrai à plus tard mon accession au ciel éternel…


JAQUES  JAQUES (Mre) : Le Faut-Mourir et les Excuses inutiles qu'on apporte à cette nécessité augmenté de l'Avocat nouvellement marié & des Pensées sur l'Eternité le tout en vers burlesques. A Lyon, chez Pierre Thened, 1707. Un volume in-12. Reliure pleine basane, dos orné à cinq nerfs, motifs dorés entre les nerfs.  [6 ff ], 489 pp. et 1 page de permission. Frontispice sur deux pages. La première édition fut publiée à Lyon en 1655. Malgré ses nombreuses éditions, l'ouvrage est devenu rare. Reliure usagée, petites restaurations, intérieur frais. Complet. Vendu

mardi 25 mars 2014

Notice sur la ville d'Aigues Mortes par Di Pietro.


Aigues-Mortes qui signifie  " ville aux eaux mortes " recèle bien d'autres trésors que ses marécages... Louis IX désireux d'un port royal en Méditerranée y fit construire un canal au XIIIe siècle afin d'établir une ouverture sur l'orient pour ses croisades. Une ville médiévale allait naitre…


La cité établie à l'ouest du "Petit Rhône" était à l'origine un petit hameau de pêcheurs et de ramasseurs de sels qui s'étendait des marais jusqu'à la mer méditerranée. Ses remparts restent, de nos jours, impressionnants. 1640 mètres composés de six tours admirables, dont la célèbre Tour Constance et dix portes préservant un patrimoine religieux incroyable.


Elle fut le lieu d'une célèbre rencontre : Celle de François 1er et de Charles-Quint en 1538.


Cette rencontre des deux puissants monarques, qualifiée de l’un des évènements les plus mémorables de l’époque par l’historien d’Aigues-Mortes M. Di Pietro, a fait l’objet d’une relation très détaillée qui figure au registre des délibérations de la Communauté de l’année 1539.


C'est d'ailleurs une Notice sur la ville d'Aigues Mortes de cet historien que je vous propose aujourd'hui à la vente. Les deux lithographies illustrent une vue générale de la ville et de la Tour de Constance. C'est dans cette tour, sous le règne de Louis XIV, que des femmes calvinistes furent emprisonnées, des années durant...


Moi qui aime les avant-propos un peu amusants, je vous livre, en primeur, un extrait de celui de l'auteur que La Palice n'aurait pas renié : " Je voulais, dans un avant-propos, développer les motifs […]. Ceux qui éprouveront le désir de le lire […]. Quant aux autres (ceux qui ne liront pas ma Notice), ils n'auraient pas lu davantage mon avant-propos…" (sic). Tout le reste est excellent, je vous l'assure. Pierre


DI PIETRO, F. Em. Notice sur la ville d'Aigues Mortes. Paris, Delaunay, 1821. Un volume In-8. Reliure signée A. Valat, cartonnage demi-percale vert, dos lisse orné, pièce de titre tabac avec lettres dorées, gardes colorées. [4ff], 142pp, [1p. Errata]. 1 carte dépliante gravée et 2 lithographies hors-texte. Brunissures sur la carte, intérieur très frais. Bel exemplaire. Vendu

lundi 24 mars 2014

Quand Léon Curmer faisait de beaux livres…

Bossuet tenant l'ouvrage de Curmer dans ses mains...
Le Discours sur l’histoire universelle est un cours d’histoire générale composé pour l’instruction du Grand Dauphin, fils de Louis XIV. Il parcourt le temps depuis la création jusqu’à l’époque de Charlemagne. Après un résumé chronologique des principaux événements dans une première partie intitulée « Les époques », Bossuet retrace, dans « La suite de la religion » les étapes de l’expansion chrétienne, depuis Moïse jusqu’au triomphe de l’Église. Dans la troisième partie, « les Empires », Bossuet étudie les empires de l’Antiquité, analyse les causes de leur grandeur et de leur décadence, leur unification par le Romains, qui facilite la diffusion de l’Évangile.


Expliquant tous les événements par le dessein divin de faire triompher le christianisme, l’ouvrage est, malgré la richesse de l’information présentée - davantage que celui d’un historien - celui d’un théologien attaché à l’éducation d’un prince, comme l’indique l'avant-propos : " Quand l’histoire serait inutile aux autres hommes, il faudrait la faire lire aux princes. Il n’y a pas de meilleur moyen de leur découvrir ce que peuvent les passions et les intérêts, les temps et les conjonctures, les bons et les mauvais conseils. " Cet adage mériterait qu'on s'en inspire encore aujourd'hui…


On a souvent reproché à Bossuet d'avoir relaté l'histoire, mais sans en avoir tiré de leçons sociales ou philosophiques. Ce qui est amusant, c'est qu'on a souvent reproché à ses illustres confrères, le contraire !


Il y a, en effet, plusieurs façons de retracer l'histoire. Le siècle des lumières en a modifié considérablement la présentation en enlevant aux historiographes l'obligation de faire des panégyriques complaisants à l'attention du régime royal en place ou de faire intervenir la puissance divine dans son déroulement. L'histoire est devenue sociale, économique et politique.


Elle n'a malheureusement pas gagné totalement son indépendance avec la disparition institutionnelle du rôle de Dieu dans ses fondements. Il y a eu alors l'histoire racontée par la République comme il y a eu, plus tard, l'histoire racontée par la Restauration et ainsi de suite…


Les deux volumes que je vous présente aujourd'hui à la vente sont intéressants à plusieurs titres : Ils sont l'œuvre de Léon Curmer, né et mort à Paris (1801 - 1870), libraire et éditeur dont le nom reste attaché à la qualité de ses ouvrages - Ils sont présentés dans une reliure romantique luxueuse en très bel état - Ils sont illustrés par les meilleurs dessinateurs et graveurs de l'époque - et enfin, pour couronner le tout, je les propose à un prix très attractif. Peut-être, la meilleure nouvelle de la journée… Pierre


BOSSUET (Jacques-Bénigne). Discours sur l'histoire universelle. Paris, Curmer, sd (vers 1839). 2 volumes in-4. .  Ouvrage précédé d'une notice littéraire, par M. Tissot. Avec 12 superbes gravures hors texte et de nombreuses gravures dans le texte. Chaque page de texte est encadrée d'enluminures. Reliure romantique plein-chagrin violine, plat encadrés de filets estampés noirs et dorés, décor rocaille, contre-plat avec encadrement de quatre filets dorés, dos lisse orné avec encadrement des caissons, double filets sur les coupes et les coiffes, toutes tranches dorées, gardes moirées blanches. Brunissures des gravures, peu de rousseurs. Bon état. 135 € + port

samedi 22 mars 2014

Fernand Fleuret : Histoire de la bienheureuse Raton, Fille de joie.


Si l'on en croit mon excellent confrère de la librairie Lollié* à Paris, Fernand Fleuret (1883-1945) grandit en Normandie, chez son grand-père. Il fait ses études dans divers collèges. Élève peu discipliné, il est envoyé chez les Jésuites. Installé à Paris où il gagne sa vie comme journaliste, il début sa carrière d'écrivain en produisant une poésie travaillée et fantaisiste qui séduit les cercles littéraires et artistiques de l'époque. Il se lit d'amitié avec Guillaume Apollinaire, Louis Perceau, Gus Bofa ou encore Raoul Dufy qui lui illustra quelques livres personnels (j'ai les preuves !). Avec eux, il fut aussi coauteur de L'Enfer de la Bibliothèque nationale.


Érudit, Fleuret se fait aussi connaître par des pastiches des auteurs du XVIe et XVII e siècle, notamment en reprenant des poèmes érotiques de la Renaissance trouvés à la Bibliothèque Nationale. Fatigué par ses abus mondains, il s'installe dans le Sud de la France. Il épouse alors l'écrivaine féministe Gabrielle Réval, de 15 ans son aînée.


Fleuret, désireux de reprendre sa vie de bohème, retourne finalement vivre sur la capitale. Il n'en garde pas moins un profond attachement pour Gabrielle Réval qui le soutiendra jusqu'à la fin. C'est pourquoi l'ouvrage que je présente aujourd'hui à la vente est agrémenté d'un très bel envoi manuscrit à son épouse.


En 1935, Fleuret reçoit le prix Renaissance pour Échec au Roi, roman historique qui raconte les 10 dernières années du règne d'Henri IV. Si son œuvre commence à être reconnue, l'écrivain traverse de nombreuses phases de dépression, puis d'hallucinations. Il sombre peu à peu dans la démence et est interné à Saint-Anne. Il disparait en 1945.


Pascal Pia dira de lui : "Aucun commerce n'a été plus agréable ni plus fructueux que la fréquentation de Fleuret et de ses livres. J'aurais dû le dire plus tôt et montrer comment par une rencontre extraordinaire, l'érudition, l'humour et la poésie faisaient de Fleuret un personnage comme il ne s'en trouve que de loin en loin, et comme, peut-être, il n'y en avait pas eu depuis Nerval."


Aujourd'hui, je vous propose un très bel ouvrage publié par la maison Mornay dont nous avons déjà parlé sur le blog, ici (vous pouvez cliquer). Illustrateur renommé, Chas-Laborde nous livre ici de charmantes gravures érotiques dans le goût du XVIIIe siècle. 


Grand amateur d'éditions soignées, Fernand Fleuret fut un excellent bibliophile ainsi qu'en témoigne cette Histoire de la Bienheureuse Raton. La librairie possède d'autres ouvrages de cet auteur en tirage de tête. Si quelques amateurs sont intéressés, je me ferais un grand plaisir d'en fournir la liste à la fin de ce billet. Pierre


* J'ai retrouvé sa vitrine sur la toile mais son site semble en sommeil depuis 2012...


FLEURET Fernand. Histoire de la bienheureuse Raton, Fille de joie. Illustrations de Chas-Laborde. Paris, Editions Mornay, 1931. Un volume in-4. Ouvrage broché, couverture rempliée illustrée, étui et emboitage illustrés.  364 pp. Édition illustrée de 17 planches gravées en couleurs hors texte, lettrines, culs-de-lampe et bandeaux en couleurs dans le texte par Chas-Laborde. Tirage limité à 317 exemplaires à la vente et 38 exemplaires HC. Le notre, l'un des 38 exemplaires HC sur vélin de Rives (n° XXXI). Envoi manuscrit de l'auteur à son épouse, l'écrivaine féministe Gabrielle Reval. 350 € + port