jeudi 30 septembre 2010
Une histoire d’amour entre un homme et une femme, d’amour des livres et d’amour de langue française racontée par Aimée.
J'ai vu l'exposition qui a eu lieu à Auxerre l'été dernier avec une soixantaine de livres de La Collection KOOPMAN. En voici son histoire...
La Collection KOOPMAN, abritée par la Bibliothèque Nationale des Pays-Bas à La Haye compte environ 10.000 ouvrages modernes de littérature française. Une collection d’une telle ampleur et d’une telle qualité –éditions originales, livres d’artistes, livres dédicacés, belles reliures etc- ne peut que susciter l’intérêt des bibliophiles. Je vous propose de découvrir cette collection unique en Europe, véritable « pont » entre la France et les Pays-Bas et dont l’histoire est très attachante.
A l’origine de la Collection Koopman il y a l’histoire d’amour entre Anny Antoine, jeune belge professeur de français et Louis Koopman, ingénieur hollandais, tous deux fous de littérature, de beaux livres et passionnés par la langue française. Anny est née en 1897 dans la banlieue de Bruxelles. Lorsqu’elle rencontre Louis Koopman en 1925 à La Haye, c’est une femme de 28 ans autonome, libre et intellectuelle qui gagne sa vie en donnant des cours particuliers de français à des étudiants adultes, la plupart des jeunes filles de la bonne société de La Haye (rappelons que l’apprentissage du français était très en vogue dans les années 20).
Avant de s’installer dans la capitale hollandaise, elle a travaillé en Belgique et à Paris dans une maison de mode. Professeur très appréciée de ses élèves qui deviennent souvent des amis, elle apprend le latin et l’italien, se perfectionne en hollandais et prépare un examen de traductrice.
Son temps libre est consacré aux voyages, au théâtre, à la lecture (un de ses auteur favori est Balzac) et à l’écriture (essais, préparation de thèse, journal, petites pièces de théâtre).
Louis Koopman, ingénieur spécialisé en radiologie médicale, est lui aussi passionné de livres et de littérature et collectionne les beaux livres depuis sa jeunesse. Il est né à Amsterdam en 1887 dans une famille où la langue française est parlée quotidiennement, notamment grâce à sa mère professeur de français. Il n’est donc pas surprenant qu’Anny et Louis se rencontrent à…l’Alliance Française de La Haye, un soir de novembre 1925. Commence alors une chaleureuse amitié, nourrie par leurs passions communes : les livres et la littérature française. Louis de dix ans plus âgé qu’Anny prend la jeune fille sous son aile pour l’aider à s’habituer à la vie en Hollande. Leur riche correspondance fait état de leurs échanges sur tous les sujets qui tournent autour de la bibliophilie (reliure, typographie, illustration) et de la littérature française contemporaine.
Tous deux sont déjà des collectionneurs avisés et ils achètent ensemble des ouvrages qui formeront la base de la collection Koopman. Citons-en quelques uns parmi des centaines :
-Les jockeys camouflés, Pierre Reverdy (1918), des dessins de Henri Matisse
-La garçonne, Victor Margueritte, 28 hors texte de Van Dongen 1925
-Le serpent, Paul Valéry, édition avec couverture imitant la peau de serpent, 15 compositions originales en lithographie de J. Marchand et 24 bandeaux et culs de lampe par Sonia Lewitska.
Peu à peu, l’amitié entre nos deux bibliophiles/francophiles cède la place à l’amour et 6 ans après leur première rencontre, Anny et Louis se fiancent, le soir de Noël 1931. Il a alors 44 ans et elle 34. Peu pressés de se marier, ils entament une longue période de fiançailles et continuent à acquérir des livres en éditions originales ou prestigieuses, à écrire aux auteurs pour leur demander des dédicaces, à faire relier leurs livres préférés etc. Anny très sensible aux reliures de qualité n’hésite pas à dépenser de fortes sommes pour faire relier une vingtaine de volumes par l’atelier parisien Semet et Plumelle (son goût assez classique la porte vers des reliures jansénistes), on trouve aussi parmi ses ouvrages des livres sortis de l’atelier de reliure de René Kieffer.
En 1935, Anny Antoine et Louis Koopman possèdent déjà plus de 1.500 livres : leurs auteurs favoris figurent en bonne place dans leur bibliothèque (Colette, André Gide, Blaise Cendrars, André Maurois), ils affectionnent les livres illustrés par les artistes tels que Chas Laborde, Gus Bofa, Jean-Emile Laboureur… Dès lors qu’un livre présente un intérêt bibliophilique, que ce soit par sa typographie, son illustration, sa rareté, il rejoint les étagères d’Anny et de Louis. Et il s’agit toujours, cela est exceptionnel pour des collectionneurs non français, de livres d’auteurs français. Leur goût sûr et leur amour de la langue française leur fait constituer une collection époustouflante par son ampleur, de beaux livres d’auteurs du XXème siècle à laquelle s’ajoutent aussi des photos et des lettres manuscrites d’écrivains français.
Hélas, un accident terrible frappe cruellement Anny Antoine : le 25 juin 1933 elle est heurtée par un tramway et meurt sur le coup en pleine rue de La Haye. Dévasté par le chagrin, Louis Koopman n’aura de cesse de rendre hommage à l’amante trop tôt disparue en poursuivant seul la collection commencée à deux. En 1934 il fait don d’une partie de sa collection à la Bibliothèque Nationale de La Haye et crée la Fondation Anny Antoine et Louis Koopman qui permettra, grâce à un legs permanent, de faire vivre cette collection dans le temps (Louis Koopman avait d’abord pensé créer un système de bourse pour les étudiants hollandais apprenant le français ou bien un prix littéraire pour des œuvres écrites en français ayant pour cadre la Hollande).
Après la mort d’Anny Antoine, Louis Koopman promet aux parents de sa fiancée, dont il était très proche, de la faire vivre dans sa mémoire et à travers la continuation de ce qu’elle aimait. Il poursuit donc ses acquisitions bibliophiliques et participe à quasiment toutes les souscriptions bibliophiliques de l’entre deux-guerres. Jusqu’à sa mort, Louis Koopman reste un acheteur infatigable de livres, principalement des livres d’artistes, et enrichit la collection qui compte en 1960 plus de 5.000 ouvrages ! A souligner aussi qu’en plus de la bibliophilie contemporaine, il s’intéresse à la peinture et collectionne les tableaux de Kasper et Edouard Karsen, de Jules Cavaillès et de Jean-François Raffaelli.
Louis Koopman qui a épousé sa gouvernante en 1968 meurt à la fin de la même année. Il ne verra malheureusement pas la publication de son livre hommage à Anny Antoine « Anny Antoine, sa vie, nos conversations littéraires » qui parait quelques mois après sa mort.
De 1972 à 2000 le responsable de la collection Koopman à la Koninklijke Bibliotheek Han van Berkel continue les achats grâce à un vaste réseau de libraires français qui le fournissent en livres du début du XXème siècle ou en livres contemporains. Les maisons d’édition telles que Kickshaw, Fata Morgana, Robert et Lydie Dutrou, Anakatabase entrent dans la collection. Il acquiert environ 2.500 beaux livres et à la fin des années 80, il organise la première exposition publique sous le titre « In liefde verzameld » que l’on peut traduire par « Une collection guidée par l’amour ».
La Collection Koopman reste aujourd’hui bien vivante et continue de s’enrichir au rythme moyen de 50 acquisitions annuelles. Récemment le chef d’œuvre d’André Derain « Pantagruel » (1943) illustré de 128 gravures sur bois et comportant une dédicace manuscrite à Bianca Skira, épouse de l’éditeur (il s’agit d’un exemplaire unique) est venu rejoindre des milliers d’autres livres superbes. Des expositions sont organisées régulièrement en France (la dernière a eu lieu à Auxerre pendant l’été 2009) et permettent de tisser des relations culturelles entre la Hollande et la France, comme le souhaitait Louis Koopman.
On sait qu’Anny Antoine accordait beaucoup d’importance à la reliure de ses livres (de nombreuses notes de son journal intime abordent ce sujet). Dans cet esprit, le Prix Koopman de Reliure, réservé aux relieurs hollandais, a été créé en 2003. Le lauréat se voit confier un des livres de la Collection Koopman pour le relier selon le vœu testamentaire de Louis Koopman «en demi-cuir avec papier décorés pour les plats et les gardes ». La collection Koopman offre un panorama unique d’éditions précieuses et rares de 1893 à nos jours, elle est une déclinaison sans précédent de l’amour : l’amour entre un homme et une femme, l’amour des livres et l’amour de langue française.
mercredi 29 septembre 2010
Louis-Claude de Saint-Martin : Tableau Naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'Univers...
Je ne sais si l'appartenance à un mouvement maçonnique est "à la mode", aujourd'hui, si les adhésions sont nombreuses et rigoureuses, si une sélection s'y opère toujours mais les deux loges que je connais dans ma région semblent dynamiques et regroupent des gens fort motivés. Cette communauté n'échappe pas à la "crise", malgré tout, et des reliques maçonniques qui s'arrachaient, encore hier (monnaies, jetons, ouvrages anciens et modernes), peinent à être écoulées par les marchands du temple, de nos jours…
Je vous propose aujourd'hui, un texte emblématique de cette corporation écrit, au 18eme siècle par un de ses fondateurs : Louis-Claude de Saint-Martin. N'étant pas un initié, j'ai eu du mal à démêler les fils de son discours même si j'ai essayé d'en lire quelques passages avant de me coucher. Vous comprendrez donc que je me sois fait aider…
Saint-Martin, plus connu sous le nom de Philosophe inconnu, porte bien son nom aujourd'hui mais au moment où éclatait la Révolution française, son nom était si célèbre et si respecté, que l'Assemblée constituante, en 1791, le présentait avec Sieyès, Condorcet, Bernardin de Saint-Pierre et Berquin, comme un des hommes parmi lesquels devait être choisi le précepteur du jeune dauphin. On se disputait sa personne dans les plus élégants salons ; ceux qui ne pouvaient le lire étaient jaloux de l'entendre, et le charme de sa conversation effaçait pour lui toutes les distances disait Adolphe Franck, membre de l'Institut et professeur au Collège de France.
Voyons ce qu'en disait Chateaubriand Dans ses Mémoires d'outre-tombe : Même s'il ne rejetait pas totalement ses théories, l'auteur du Génie du christianisme gardait ses distances, s'en tenant au catéchisme de l'Église. Sa rencontre avec Saint-Martin ne modifiera guère sa position. Comme l'indique Auguste Viatte, le récit que fera Chateaubriand dans ses mémoires « est un chef d'œuvre de persiflage ». C'est grâce à l'intermédiaire d'un ami, le peintre Neveu, que se projet se concrétisa. L'entrevue eu lieu le 27 janvier 1803.
Neveu, afin de lier deux frères, nous donna à dîner dans une chambre haute qu'il habitait dans les communs du Palais-Bourbon. J'arrivai au rendez-vous à six heures : le philosophe du ciel était déjà à son poste. A sept heures, un valet discret posa un potage sur la table, se retira et ferma la porte. Nous nous assîmes et nous commençâmes à manger en silence. M. de Saint-Martin qui, d'ailleurs, avait de très belles façons, ne prononçait que de courtes paroles d'oracle. Neveu répondait par des exclamations, avec des attitudes et des grimaces de peintre ; je ne disais mot.
Au bout d'une demi-heure, le nécromant rentra, enleva la soupe, et mit un autre plat sur la table : les mets se succédèrent ainsi un à un et à de longues distances. M. de Saint-Martin, s'échauffant peu à peu, se mit à parler en façon d'archange ; plus il parlait, plus son langage devenait ténébreux. Neveu m'avait insinué, en me serrant la main, que nous verrions des choses extraordinaires, que nous entendrions des bruits : depuis six mortelles heures, j'écoutais et je ne découvrais rien. A minuit, l'homme des visions se lève tout à coup : je crus que l'esprit des ténèbres ou l'esprit divin descendait, que les sonnettes allaient faire retentir les mystérieux corridors ; mais M. de Saint-Martin déclara qu'il était épuisé, et que nous reprendrions la conversation une autre fois…
Il me prend un remords : j'ai parlé de M. de Saint-Martin avec un peu de moquerie, je m'en repens. Cette moquerie que je repousse continuellement et qui me revient sans cesse, me met en souffrance ; car je hais l'esprit satirique comme étant l'esprit le plus petit, le plus commun et le plus facile de tous ; bien entendu que je ne fais pas ici le procès à la haute comédie. M. de Saint-Martin était, en dernier résultat, un homme d'un grand mérite, d'un caractère noble et indépendant. Quand ses idées étaient explicables, elles étaient élevées et d'une nature supérieure.
Il m'a pris, ce matin, de chercher à trouver un résumé de l'ouvrage pour vous aider à comprendre. Je n'ai pas bien saisi le résumé, non plus, aussi je ne vous en présente que la première phrase : " Dans cet ouvrage, composé à Paris d'après le conseil de quelques amis, l'auteur infère, de la supériorité des facultés de l'homme et de ses actes sur les organes des sens et sur ses productions, que l'existence de la nature, soit générale, soit particulière, est également le produit de puissances créatrices supérieures à ce résultat ". Je n'en dirai pas plus ! Pierre
SAINT-MARTIN (Louis-Claude de). Tableau Naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'Univers. Edimbourg (Lyon), sans nom d'éditeur, 1782, 2 parties en 1 volume. in-8, (4)-276 pp. (2)-244 pp. Reliure postérieure en demi-veau glacé, dos à 5 nerfs, pièce de titre et nom de l'auteur en lettres dorées sur maroquin noir. Année d'édition en queue, en lettres dorées. On connais trois différentes éditions publiées toutes trois sous l'indication trompeuse d'Edimbourg (Lyon), et le millésime 1782. La collation de ces trois éditions est rigoureusement identique ; la première édition comporte l'ancien caractère typographique de l''S" allongé "F" et quelques fautes, corrigées pour cette édition où l'on retrouve des "S" de style moderne. Cet ouvrage divisé en 22 chapitres qui correspondent aux 22 arcanes est certainement le chef-d'oeuvre du Philosophe inconnu dont il contient la doctrine. Exemplaire en très bel état . vendu
Le Tableau naturel est divisé en vingt-deux chapitres ne comportant pas de titre. L'édition de 2001 (Le Tremblay, Diffusion Rosicrucienne) leur a donné un titre fictif : 1. La vérité est dans l'homme 2. Le désordre dans la Création 3. L'homme, signe visible de Dieu 4. L'homme émané de Dieu 5. La Chute, perte de lumière 6. La vie temporelle 7. Les travaux de l'homme, les êtres et leurs pâtiments 8. La loi universelle de réaction, secours et signes 9. La réhabilitation : pensée, volonté, action 10. Les religions et les mythes, besoins naturels chez les peuples 11. L'intention originelle des traditions et des mythes 12. Les religions, signes de la Tradition unique 13. De la Genèse jusqu'au Déluge 14. Du Déluge à Moïse 15. Du Tabernacle à la construction du temple de Jérusalem 16. Des prophètes à l'errance 17. Les sciences et l'instruction 18. 1, 4 et 10, le Livre de l'Homme 19. L'œuvre du Réparateur 20. Les actes du Réparateur 21. La fin des temps 22. Sondez votre être...
lundi 27 septembre 2010
Causerie du lundi de Philippe Gandillet. Au chevet de la littérature du debut du 20eme siècle avec Georges Duhamel...
La dernière chronique de Pierre, évoquant l'œuvre de mon honorable confrère, Pierre Benoit, a provoqué un tollé et notre brave boutiquier me demande de venir à son secours pour trier le bon grain de l'ivraie dans la littérature du début du 20eme siècle, ceci afin de ne plus reproduire de bévue manifeste. Quels sont les romans à lire et quels auteurs de la première moitié du XXeme siècle passeront à la postérité, me demandez-vous ? Je passerai sous silence les chefs d'œuvres que j'ai moi-même écrit pour ne pas faire d'ombre à mes confrères, si vous le voulez bien… Des auteurs très lus, du début du siècle, que reste t-il ? René Bazin, Henri Bordeaux, Pierre Loti, Paul Bourget surtout, semblent en veilleuse. Les motifs invoqués par le public sont divers : Parfois, ils conservent une valeur, Maurice Barres et Charles Maurras gardent encore une clientèle, nous assure t-on, ainsi qu'Anatole France. Chose curieuse, on a réédité, ces dernières années, un Georges Ohnet que Jules Lemaitre pensait avoir enterré à jamais. " Il est des morts qu'il faut qu'on tue ", disait de Casimir Delavigne, en 1858, Fernand Desnoyers qui lui-même…
Je ne songe pas à dresser un palmarès : Les chroniques dithyrambiques de notre libraire tarasconnais pour les ouvrages de Claude Farrère ou de Pierre Benoit sont, en fait, des marchepieds susceptibles de lui faire engranger de fructueux bénéfices financiers, nous l'avions compris - il ne doit pas les acheter bien chers, ces livres ! - et nous autorisent à penser que l'on peut parler de déclin pour mes confrères de l'Institut. Existe-t-il encore beaucoup de lecteurs pour suivre les chroniques des Thibault (Roger Martin du Gard), des Pasquier (Georges Duhamel), des hommes de bonne volonté (Jules Romains) ? J'en doute : Les goûts ont changé. Quels sont-ils d'ailleurs, ces goûts ? Depuis trop longtemps, la littérature semble malgré les artifices de séduction qu'elle déploie, en état de crise, de malaise. D’où viennent ces dispositions qui poussent certains écrivains à hurler leur détresse depuis le début du XXeme siècle ? La vie se heurterait-elle, plus aujourd'hui qu'avant, à un mur d'absurdités ? Pourquoi Camus dans le Mythe de Sisyphe nous assure-t-il que " nous vivons dans un monde qui ressemble à une cale de navire, bourrée d'explosifs " ?
Cet effondrement moral a eu pour conséquence un rationalisme agressif associé à un agnosticisme plus ou moins desséchant. Aux valeurs morales, certes surannées, des auteurs oubliés que nous avons cité, le goût d'aujourd'hui est plutôt à l'athéisme, j'allais dire à l'antithéisme parfois agressif de Sartre, de Breton ou de Céline. Pierre s'y est d'ailleurs essayé en présentant dernièrement le recueil de poésies de Jacques Prévert dont les blasphèmes amusants ont recueilli un meilleur écho :
Notre père qui êtes aux cieux. Restez-y
Et nous resterons sur la terre qui est si jolie…
Et nous resterons sur la terre qui est si jolie…
Et si le bon goût d'aujourd'hui n'était pas, plutôt, l'indifférentisme comme celui de Giono ou de Colette qui disait " Si Dieu existait, je serais la première à en être informée " ? Moins ancrés dans la polémique, leurs œuvres romanesques ont plus de chance, me semble-t-il, de passer l'échéance de l'oubli. De même, nous n'avons pas évoqué dans ce florilège d'écrivains en voie de disparition trois auteurs qui resteront vraisemblablement au Panthéon de la littérature : Gide qui parait, grâce aux éditions de la N.R.F, en passe de franchir le cap du siècle et Pierre ne s'y est pas trompé qui vous a présenté quelques-uns de ses ouvrages à la vente, Malraux parce que c'est un grand narrateur et Montherlant parce que j'ai simplement plaisir à le lire. Y en aurait-il d'autres ? J'ai pris, sur les rayonnages de la librairie, une très belle édition illustrée par Berthold Mahn de "Vie et aventures de Salavin" de Georges Duhamel, sur vélin chiffon numérotée. Tenez ! Je prends un pari... Si quelqu'un achète l'ensemble des 5 volumes à Pierre, je me fais prêtre ! Votre dévoué. Philippe Gandillet
DUHAMEL Georges. Vie et aventures de Salavin. Illustrations de Berthold Mahn. Paris, Union Latine d'éditions, 1955. Ensemble complet en 5 tomes petits in-4, pleine basane maroquinée d'éditeur, signature dorée de l'auteur sur le plat supérieur, frontispices couleurs et illustrations in et hors texte noir & blanc par Berthold Mahn. Dos lisse avec pièce de tomaison et titre en lettres dorées. Tranche supérieure dorée. Beaux exemplaires au dos quelque peu insolés. Exemplaire numéroté sur vélin Chiffon. I : Confession de minuit. - II : Deux hommes. - III : Journal de Salavin. - IV : Le club des Lyonnais. - V : Tel qu'en lui-même. 145 € + port
samedi 25 septembre 2010
"À l'enseigne du Pot cassé". Collection Antiqva...
Continuons notre tour d'horizon des éditeurs de demi-luxe du début du 20eme siècle par une maison bien connue des bibliophiles. Les ouvrages "A l'enseigne du pot cassé" – et non pas "du dos cassé", bien que… - sont souvent sur les rayonnages des amoureux de beaux livres. Ils comblent les relieurs amateurs et professionnels par la qualité de leur papier et les imperfections de leurs dos en font des sujets d'attention pour ces artisans du livre.
Les ouvrages de cette collection sont parus entre1920 et 1950. La mention « Se trouve à Paris, en la rue de Beaune » — rappelle les livres imprimés par Geoffroy Tory (1480-1533) au XVIe siècle : Ce typographe fut graveur « à l'enseigne du Pot cassé », puis imprimeur. Il devint premier imprimeur royal et réformateur de l'orthographe et de la grammaire françaises, participant ainsi à leur standardisation. Enfin et surtout, il demeure une des personnalités majeures de l'histoire de la gravure sur bois. Une des caractéristiques de ces ouvrages sera donc d'être illustré par des bois gravés originaux d'un artiste différent pour chaque titre. (Morin Jean, Lebedeff…)
La collection complète de cette maison regroupe quatre entités : « Scripta Manent » pour des œuvres de la littérature européenne (au format in-12), qui fut achevée en 1931 avec la parution du cinquantième volume, « Antiqua » (orthographié Antiqva), pour des textes de la littérature antique, principalement traduits du grec ou du latin (au format in-12), « Lumen animi » (orthographié Lvmen Animi) pour des textes de la Renaissance et « Bibliotheca Magna ».
Plusieurs titres parmi les plus populaires furent réédités après-guerre, dont certains dans un format plus grand (in-8), mais sur un papier de moindre qualité. Les exemplaires proposés à la vente aujourd'hui sont tous originaux, certains étant numérotés en rouge et donc réservés aux amis des librairies Flammmarion. Ils sont non coupés pour la plupart et dans un état qui satisfera le collectionneur ou le bibliophile. On peut aussi les lire ;-)). Pierre
Je propose ici la collection Antiqva, tête de collection comprenant les 19 premiers volumes pour 22 tomes sur les 30 qu'a compté la collection (+ les pensées de Marc Aurèle, tomeI ). Tous sont numérotés sur beau papier Papyrus de Tsahet et illustrés de bois originaux.
1 : Pensées et entretiens d'Epictète. 1927. Dans la collection Bibliotheca magna. Très bon état. 20 €
2 : Ovide : L'art d'aimer. 1928. Quelques rousseurs éparses. Très bon état dû à la conservation du papier cristal d'origine. Vendu
3 :Hésiode : Les travaux et les jours. 1928. Très bon état, dos légèrement insolé, petites rousseurs éparses. Vendu
4 : Fables de Phèdre. 1928. Quelques rousseurs sur les tranches, dos un peu insolé. Vendu
5 : Longus : Daphnis et Chloé. 1928. Non coupé. rares rousseurs, dos insolé, très bon état général. Vendu
6 : Catulle : Les noces de Thétis et de Pélée. 1928. Non coupé. Quelques rousseurs sur les tranches, plus importantes sur la 4e de couverture. Très bon état. Vendu
7 : Quintus de Smyrne : La fin de l'Iliade. 1928. 2 volumes non coupés en excellent état (dos légèrement insolés). Vendu
8 : Virgile : Bucoliques et Géorgiques. 1929. Quelques rousseurs, dos légèrement insolé. Vendu
9 : Lucien : Dialogues des courtisanes. 1929. Quelques rousseurs, dos légèrement insolé. Petites pliures au dos. Vendu
10 : Boece : Consolation de la philosophie. 1929. Quelques rousseurs, dos légèrement insolé, très bon état général. Vendu
11 : L'Orestie d'Eschyle. 1929. Très bon état, quelques rousseurs au dos. 22 €
12 : Juvénal : Satyres. 1929. Non coupé. Rousseurs au dos et sur la couverture, très bon état intérieur.Vendu
13 : Euripide : Iphigénie. 1929. Non coupé. Quelques rousseurs au dos. Très bon état. Vendu
14 : Apulée : L'âne d'or. 1929. 2 volumes en très bon état, protégés par le papier cristal d'origine. Non coupés. Quelques rousseurs sur les tranches. Vendu
15 : Théocrite : Idylles. 1929. Non coupé, rares rousseurs sur les tranches et le dos. Excellent état. Vendu
16 : Tibulle : Elégies. 1930 Non coupé, rares rousseurs sur les tranches et le dos. Excellent état. Vendu
17 : Sophocle : Oedipe. 1930. Quelques rousseurs au dos et sur les tranches. Non coupé. Très bon état. Vendu
18 : Salluste : Guerre de Jugurtha. 1930. Rares rousseurs sur les tranches. Non coupé. Excellent état. Vendu
19 : Apollonius de Rhodes : Jason et Médée. 1930. 1 tome II sur les 2 . 18 €
20 : Marc Aurèle : Pensées Tome I sans dates vers 1930. Rousseurs généralisées. Vendu
vendredi 24 septembre 2010
Philippe Gandillet répond à vos questions...
Philippe Gandillet, qui sait tout sur tout et inversement, me charge de transmettre une réponse à nos reporters de la précédente causerie du lundi, René de Bike et son acolyte le Dr Raphael, à propos d'une question posée par eux sur l'édition originale de "Naufragé volontaire" d'Alain Bombard.
Chers amis écossais *,
J'ai l'insigne honneur, comme vous, de faire partie des gens qui collectionnent les autographes d'Alain Bombard (Bombardédicassophiles) et, à ce titre, l'avis que vous sollicitez auprès de ma bienveillance Académique fera jurisprudence dans l'avenir, je l'imagine.
Il y a bien eu deux éditions originales de l'ouvrage sus-nommé et c'est par la volonté de l'intéressé, lui-même, que les deux plats ont été modifiés au 1er tirage.
Le plus amusant dans l'histoire est qu'il s'était engagé à refaire toutes ses dédicaces, et il aimait çà le bougre, sur son édition préférée. Vous remarquerez qu'à cet effet, il reproduisait parfaitement son paraphe.
Je complète ce petit courrier par quelques photographies d'un ouvrage dédicacé par Bombard sur les derniers jours de sa vie. Le trait est moins sûr mais je peux vous assurer que le bonhomme avait encore du charme auprès des dames…
Si j'ai pu me rendre utile à la communauté bibliophile... Votre dévoué. Philippe Gandillet
* Je ne peux assurer que vous soyez écossais mais quelque chose dans votre accent m'y a fait pensé
jeudi 23 septembre 2010
La chasse au Moyen-age : Gaston Phébus dans une belle reliure...
S'il y a la haute bibliophilie, ce que tout le monde s'accorde à penser, il doit bien y avoir aussi de la basse bibliophilie, non ?
Quelle est-elle ? Peut-être, les ouvrages reliés que j'ai présentés précédemment, devraient-ils en faire partie ? Pierre Benoit ne fait plus vibrer les lecteurs, et surtout les lectrices, depuis que les grands sentiments sont devenus ringards ; ses ouvrages ont été très diffusés et on peut penser qu'il faudra trois ou quatre siècles et un cataclysme mondial pour que les rayonnages des bibliothèques, s'il y a encore des bibliothèques dans le futur, n'en soient pas encombrés ; la reliure qui protégeait ces ouvrages se présentait sous la forme d'une basane sans éclats et l'estimation cacochyme que j'avais faite de cette collection ferait faire fuir n'importe quel investisseur en quête de profit facile et éhonté…
Puisqu'il en est ainsi, intéressons-nous à la haute bibliophilie ! Mais, n'est-elle pas financièrement inaccessible à mes lecteurs ?
Gaston PHEBUS : Phebus des deduiz de la chasse des bestes sauvaiges et des oyseaux de proye. Paris, Antoine Vérard (vers 1507). Reliure d'amateur du XVIIIeme siècle en maroquin rouge poli, trois filets d'encadrement, dos long décoré à la grotesque avec titre en long. Belle provenance : Ce livre appartient à Estainart (?), Ex-libris manuscrit du XVIeme siècle sur la page de titre, Duc de La Vallière (vente Paris, 1784, n° 2127).
Le traité de vénerie du Comte de Foix, Gaston Phébus (1331-1391), fut rédigé pendant les années 1387 et 1388 et dédié par son auteur au Duc de Bourgogne Philippe Le Hardi. C'est l'une des trois œuvres majeures de la littérature de chasse du 16eme siècle avec les Livres du roy Modus et de la Royne Ratio d'Henri de Ferrières ; texte rédigé entre 1354 et 1377, auquel Gaston Phébus a fait ici et là d'assez nombreux emprunts ; et le poème de fauconnerie du Roman des deduiz composé par Grace de la Buigne pour le même Philippe le Hardi entre 1359 et 1377.
L'un des traits communs à ces trois œuvres est non seulement d'accorder une place très importante à l'illustration, mais aussi d'allier au propos technique et descriptif une réflexion morale et une intention prescriptive caractéristique de la littérature cynégétique de la fin du moyen age. Cette littérature devient le lieux privilégié de l'idéologie courtoise : Décrire les types de chasse, en codifier les pratiques, faire le départ entre chasse noble et chasse ignobles sont autant de manières de définir l'idéal d'une vie aristocratique dans laquelle la chasse n'est pas un métier mais un exercice sur soi, comme peuvent m'être la guerre ou même l'amour…
Au regard de cette appartenance à la littérature courtoise, il n'est guère étonnant que la première édition imprimée du livre de Gaston Phébus ait été imprimée par le libraire parisien Antoine Verard, dont la production était avant tout destinée à un public nobiliaire de la cour de France. Vérard l'a fait suivre du poème de Gace de la Buigne pour completer le livre de vénerie d'un livre de fauconnerie et offrir ainsi un traité complet de la chasse aristocratique. Le tout est précédé d'une dédicace en forme de ballade adressée par le libraire à un "Prince Begnin" dont le nom n'est pas cité, mais dont il est probable qu'il s'agisse du jeune François d'Angoulême, futur François 1er, alors âgé de 16 ans environ.
Dans le respect de la tradition d'illustration des deux œuvres, cette première édition imprimée comprend un nombre important de gravures sur bois : 28 figures accompagnent le traité de Gaston Phébus, où la plupart des figures d'animaux sont reprises de l'édition de l'Hortus sanitatis publiée par Verard vers 1500, et 23 figures illustrent le poème de Gace de Buigne, dont un certain nombre sont reprises quant à elles du roman de la rose au format in-4 que fit paraître Vérard vers 1500 également.
Cet exemplaire n'est pas à vendre. Il provient d'une prestigieuse bibliothèque qui me l'a confié pendant quelques temps... Pierre
mercredi 22 septembre 2010
Pierre Benoit qui fut tout, même Académicien...
Nous allons évoquer aujourd'hui la mémoire d'un des plus grands écrivains oubliés du XXeme siècle : Pierre Benoit (1886-1962)
Destin étrange que celui de cet Académicien dont les deux premiers romans se vendirent à plus d'un million d'exemplaires… Si une des composantes de la bibliophilie est la rareté, nous sommes perdus !
Pierre Benoit était à ses débuts d'écrivain, bibliothécaire au ministère de l'éducation. Il décida, un jour, de répondre à tous ceux qui désiraient un ouvrage " En lecture " ou bien " À la reliure ". A la longue les demandeurs s'étaient découragés et nul ne venait troubler ses travaux personnels. Il se vanta que grâce à lui " pas un volume du ministère n'a été égaré ou n'est revenu souillé ! ". Une belle leçon de conscience professionnelle dont devrait, peut-être, s'inspirer Léo…
En 1919, pour la sortie de L'Atlantide, alors auteur d'un seul roman, l'éditeur Albin-Michel mis chaque jour des panneaux publicitaires géants annonçant " Dans quinze jours, cet écrivain sera célèbre / dans quatorze / dans treize jours… " jusqu'au jour "J" ou Pierre Benoit le devint effectivement au rythme d'un livre par an !
Il avait décidé :
- Que ses romans auraient 320 pages
- Que la scène d'amour interviendrait vers la page 100
- Que chacun de ses romans contiendrait une allusion à Gambetta
- Que le prénom de ses héroïnes commencerait par la lettre "A" (Alberte, Axelle…)
- Qu'il y aurait une phrase de Chateaubriand citée sans guillemets
Comment voulez-vous, cerné par ces contraintes, écrire des chef-d'œuvres impérissables? Il démissionna en 1959 de l'Académie Française par solidarité avec Paul Morand qui n'arrivait pas à y rentrer. Personne ne remarqua son absence… Pierre
Voici la liste de ses romans : Kœnigs mark 1918 / L'Atlantide 1919 / Pour don Carlos 1920 / Le Lac salé 1921 / La Chaussée des géants 1922 / Mademoiselle de La Ferté 1923 / Le Roman des quatre 1923, écrit en collaboration avec Paul Bourget, Henri Duvernois et Gérard d'Houville. / La Châtelaine du Liban 1924 / Le Puits de Jacob 1925 / Alberte 1926 / Le Roi lépreux 1927 / Axelle 1928 / Erromango 1929 / Le Soleil de minuit 1930 /Le Déjeuner de Sousceyrac 1931 / L'Île verte 1932 / Fort-de-France 1933 / Cavalier 6 1933 (suivi de L'oublié, écrit en 1922) / Monsieur de la Ferté 1934 / Boissière 1935 / La Dame de l'Ouest 1936 / Saint Jean d'Acre 1936 (suivi de La Ronde nuit) / L'Homme qui était trop grand 1936 (en collaboration avec Claude Farrère) / Les Compagnons d'Ulysse 1937 / Bethsabée 1938 / Notre-Dame-de-Tortose 1939 / Les Environs d'Aden 1940 / Le Désert de Gobi 1941 / Lunegarde 1942 / Seigneur, j'ai tout prévu... 1943 / L'Oiseau des ruines 1947 / Jamrose 1948 / Aïno 1948 / Le Casino de Barbazan 1949 / Les Plaisirs du voyage 1950 / Les Agriates 1950 / Le Prêtre Jean 1952 / La Toison d'or 1953 / Villeperdue 1954 / Feux d'artifice à Zanzibar 1955 / Fabrice 1956 / Montsalvat 1957 / La Sainte Vehme 1958 / Flamarens 1959 / Le Commandeur 1960 / Les Amours mortes 1961 / Aréthuse (livre posthume et inachevé) 1963…
Je les ai tous (ou à peu près tous) en édition originale non numérotée ou proche de l'originale… Le premier qui rigole ! Ils sont à vendre entre 15 et 20 € le volume, couverture conservée, Reliure demi basane dans un état irréprochable sauf l'édition illustrée par Touchagues de Kœnigsmark aux éditions Monte-Carlo dans son emboîtage, en bel état aussi, qui est à 44 € + frais de port.
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