lundi 31 janvier 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet. L'affaire Racine…

Ce que j'ai à raconter dépasse tellement les bornes de la vraisemblance et s'écarte si prodigieusement de tout ce qui se fait, se voit ou se conçoit, que je vais être contraint, avant d'aller plus loin, de fournir des preuves de ma véracité.

J'ai à dire et à prouver que Jean Racine, l'auteur d'Andromaque, de Britannicus, de Bajazet ou de Mithridate, etc…Le grand Racine a passé une bonne moitié de sa vie habillé en femme !


Et notez bien que les robes qu'il mettait étaient taillées sur des patrons si bizarres pour l'époque ; tailleurs moulants, jupes à mi-cuisse ; et faites de satin aux couleurs si éclatantes que jamais mascarades ne virent plus étranges déguisements.

J'arrive aux pièces justificatives que j'ai découvert ce matin, par hasard, sur les rayonnages de la boutique de notre libraire tarasconnais.


En 1669, Donneau de Visé publie dans Le Mercure galant une série de lettres adressées par Racine à une couturière de Versailles, Chantal Thomas, au sujet de commandes de robes à son usage personnel. Jamais, de mémoire de publiciste, la divulgation d'une telle correspondance ne provoqua plus de scandale chez les membres du comité de censure qui s'emparèrent de l'affaire avant qu'elle ne fût ébruitée. L'article reproduisait en outre les factures de la maison de modes avec des détails spéciaux et l'auteur mettait au défi notre dramaturge et ses amis d'infirmer, en quoi que ce soit, la moindre de ses assertions...

Tous les exemplaires, ou presque furent détruits, le numéro du Mercure galant fut réimprimé dans une version expurgée et plus personne ne s'avisa de cette affaire. C'était compter sans votre chroniqueur du lundi qui a en main l'édition originale !


J'ai sous les yeux des lettres adressées par Racine à sa couturière. J'y remarque ces passages caractéristiques :

Ma robe de satin avec sa traîne en paille,
Avait trop d'ampleur et d'aisance à la taille.
Je l'aurais voulue plus juste de proportions.
Prenez donc bonne note de cette observation.

Et ailleurs

La robe de velours que j'viens de recevoir,
Me plairait assez dans sa garniture en noir.
Sans la forme trop moderne du bord du corsage,
Elle serait parfaite pour un homme de mon age.

Ou ces lignes charmantes

Le ton rouge safran tire trop sur le cuir,
Revenons aux nuances, dussions-nous en sortir ?
Les soufflets de la jupe sont d'un style charmant,
Donnez à ma poitrine ce même côté bouffant…


Le Roi, magnanime, apprenant ce penchant fort contestable chez un auteur classique demanda à Racine plus de discrétion. Il l'invita, pour couper court à toute rumeur, à mener dorénavant une vie frivole et à avoir de nombreuses maîtresses notamment parmi ses actrices. L'affaire aurait pu en rester là. Je ne suis pas Pierre Louÿs mais il faut quelque fois que la vérité éclate au grand jour !


Ce XVIIeme n'en finit pas de nous fournir des révélations scandaleuses et c'est avec la même certitude que je prête foi aux rumeurs sur la paternité des œuvres de Molière. Il faut renoncer à feindre l'ébahissement après la publication de cette correspondance. En vain, quelques uns vont insister sur la nature exceptionnelle de l'âme géniale de ces auteurs, en vain on fera intervenir l'autorité de quelques uns de mes collègues qui accordent un crédit et une protection aux anciens membres de l'Académie, la généralité des lecteurs de ce blogue, aux vertus hautement morales, estimera que ces libéralités-là, ces atteintes aux bonnes mœurs, bonnes dans la fiction, sont souverainement ridicules dans la réalité et nuisent à l'image de la littérature française. Votre dévoué. Philippe Gandillet.

Post Scriptum : Je vous propose à la vente une très belle biographie de Racine car Pierre serait désolé de constater mon faible entrain à assurer sa subsistance. L'ouvrage est parfait et très bien illustré. Les personnes perspicaces auront remarqué que tous les costumes de femmes sont portés par Racine lui-même sur les gravures, et oui…


RACINE Jean. Oeuvres. Précédées des Mémoires sur sa vie par Louis Racine. Nouvelle édition ornée du portrait en pied colorié des principaux personnages de chaque pièce. Dessins de MM. Geffroy, sociétaire de la Comédie française, et H. Allouard. Paris, Laplace, Sanchez, 1873. Petit in-4 ; (2) ff.-636 pp., 20 planches h. t. en couleurs dont le frontispice, texte sur deux colonnes. Demi chagrin havane à coins, dos à nerfs très richement orné. Tranche supérieure dorée, papier coloré peignée page de garde. Edition très complète donnant toutes les oeuvres, y compris celles en prose et la correspondance (sauf celle mentionnée dans l'article, bien sûr). Bel exemplaire avec une très belle reliure. Menus défauts de reliure. 65 € + port

samedi 29 janvier 2011

La géographie de Louis Grégoire vous emmène en voyage…


Rousseau a écrit : « il ne faut pas lire, il faut voir ». C'est bien joli d'écrire ça, mais quand votre métier est sédentaire et que vous ne prenez pas de vacances lointaines, la sentence est démoralisante... Je suis un voyageur immobile. Triste constatation ; je voyage beaucoup dans les livres ! Les géographies, dit le géographe, sont les livres les plus sérieux de tous les livres. Elles ne se démodent jamais. Il est très rare qu’une montagne change de place. Il est très rare qu'un océan se vide de son eau. Nous écrivons des choses éternelles… (Saint Exupéry, Le petit prince).



Quand le monde change, quand les moyens de se déplacer dans ce monde changent et rendent l'inconnu à notre portée, il est besoin de références nouvelles. C'est à cette tâche que s'est attelé le géographe Louis Grégoire au milieu de XIXeme siècle avec sa Géographie générale physique, politique et économique du monde. Quelques années plus tard, elle se glorifiera de son plus illustre représentant avec Élisée Reclus, qui rédigea seul, en Suisse, la Nouvelle Géographie universelle, publiée chez Hachette entre 1876 et 1894.



Louis Grégoire, inconnu sur Google – il faut avoir un Larousse ancien, est un érudit, né à Paris en 1819 et mort à Pau en 1897. Docteur es lettres (1856), il fut professeur d'histoire et de géographie au lycée Fontanes et au collège Chaptal. Il a publié : La Bretagne au XVIeme siècle (1855) ; Chalais ou une conspiration sous Richelieu (1855) ; La ligue en Bretagne (1856) ; Son Dictionnaire encyclopédique d'histoire, de biographie, de mythologie, et de géographie (1870) et plusieurs manuels de géographie dont l'exemplaire que je vous propose à la vente, aujourd'hui.



L'ouvrage que je vous présente ici a pour ambition d'être une représentation du monde en 1876. Cette géographie universelle est un excellent outil pour comprendre le XIXeme siècle. Il représente, bien sûr, une perspective figée du monde puisque celui-ci a changé depuis mais l'analyse et la description que fait l'auteur des différentes contrées du globe permet de mieux comprendre le monde actuel. De plus, l'ouvrage est agrémenté de remarquables illustrations en noir et en couleurs, de cartes et de dessins. A la fin du volume, une table des matières de près de 45 pages fournit un index des lieux, thèmes et cartes. Impossible de se perdre, donc !



Cet imposant livre fait partie des "Géographies universelles", titre donné à plusieurs ensembles d'ouvrages de géographie, dont l'objectif est de dresser une description et une analyse de l'ensemble du monde, avec des données à la fois physiques et humaines. Il a l'avantage d'être proposé en un seul volume. Facile d'utilisation, il peut avoir sa place dans la bibliothèque d'un bibliophile amateur de cartes d'autant plus que la reliure signée par Magnier est très belle, que les ors des plats de percaline ont gardé leur brillant et qu'il est orné de chromolithographies de toute beauté. Et vous, êtes-vous amateur de cartes anciennes et d'ouvrages de géographie ? Pierre
GREGOIRE (Louis). Géographie générale physique, politique et économique. Paris, Garnier Frères, 1876. Edition originale. Format In-4. Reliure demi chagrin rouge, plats en percaline rouge ornés d'un motif à la sphère, filets, dentelles, dos orné à 5 faux-nerfs, larges fleurons aux caissons, tranches dorées, [3ff], 1204 pp. Reliure signée en queue Ch Magnier. Avec 100 Cartes, nombreuses planches chromolithographiques et de nombreuses gravures intercalées dans le texte. Frontispice en couleurs : Indien Mandan. Bon état, menus frottements, cahiers solidaires, intérieur frais, assez peu de rousseurs et de surcroît, claires. Vendu

vendredi 28 janvier 2011

Hubert Martin Cazin et le livre de poche…

In folio, in quarto, in 8, in12, in 18…

J'ai le chic pour me poser des questions superfétatoires... Ma dernière : Pourquoi Cazin a-t-il commercialisé des ouvrages au format in-18 ? J'imagine mal que les gens lisaient en dehors de chez eux, à cette époque et qu'ils avaient besoin de livres de poche…. Pour les voyages, peut-être ? L'argument de la mise à disposition d'ouvrages libertins ou prohibés ne tient pas car l'essentiel de l'offre de Cazin concerne des auteurs ou des écrits classiques. L'argent ? Je ne vois que cette hypothèse. Pour échapper au fisc, il doit mettre à la disposition de sa clientèle des ouvrages discrets. Mais pourquoi une boutique de libraire, alors ?

Il n'empêche que l'on peut considérer que Hubert Martin Cazin(1724 - 1795), avec d'autres évidemment, a été le promoteur au 18eme siècle du "livre de poche" : Un livre au format de la poche ou un livre qui rentre dans les manchons des dames !


Le livre de poche moderne a suscité de nombreux débats et j'imagine qu'il en fut de même à cette époque. Quand Cazin a commercialisé ses livres avec succès, on imagine que ceux-ci devaient intéresser par définition l'ensemble de ses contemporains et répondaient à un besoin. Car le livre est une marchandise qui répond aux mêmes critères que tous les produits. Pour le confectionner il a fallu réunir des matières premières, faire intervenir des corps de métiers différents, imprimeurs, couseurs, relieurs, enfin il a fallu résoudre les problèmes de distribution et de vente comme pour une quelconque savonnette. C'est en cela que Cazin est un novateur. Il a compris qu'il y avait un besoin, chez les lecteurs de la fin du 18eme siècle, d'ouvrages peu onéreux à la vente et facilement transportables sur soi.


Revenons un instant sur sa vie, déjà très bien présentée sur d'autres blogs bibliophiles. Celui-ci succéda à son père qui était libraire et relieur en 1755. D'abord installé à Reims, il rejoignit la capitale vers 1782 et s'associa avec Valade, qui était déjà un spécialiste des petits formats. A la mort de Valade, Cazin lui succéda complètement et continua l'édition de petits formats. Par extension, les livres de petit format de la fin du 18ème siècle sont souvent qualifiés à tort de Cazin, et les cazinophiles contribuèrent largement à la confusion en attribuant à Cazin des ouvrages qui n'étaient pas de lui, nous rappelle Jean-Paul Fontaine qui est un spécialiste de ce libraire d'origine rémoise. Au total, Cazin publia environ 350 volumes répartis en 200 titres.


Je vous en présente quelques exemplaires ici. Certains ne sont peut-être même pas de lui, d'ailleurs… Ils sont facilement identifiables à leurs plats ornés de trois filets. La mention de date et de lieu d'impression est souvent fictive. Si vous désirez collectionner des "Cazins", vous économiserez sur l'achat de la bibliothèque. Voilà une bonne nouvelle ! Je trouve personnellement le format très élégant mais la lecture d'une œuvre dans ce format nécessite une bonne acuité visuelle... Autre avantage ! Contrairement à beaucoup d'éditeurs du milieu du 19eme siècle qui ont commercialisé ce type de format, il n'y a pas, à ma connaissance, de textes religieux ou liturgiques dans les "Cazins". Pierre


MOLIERE. Oeuvres. Nouvelle édition. A Londres, 1784. 7 tomes in-18 (format Cazin), reliure plein veau. Dos lisse à faux nerfs. Caissons ornés de filets dorés. Pièce de titre et tomaison en maroquin noir. Encadrement des plats par 3 filets dorés. Toutes tranches dorées. Tome premier. Portrait de Molière en frontispice.314 pages. Vie de Molière par Voltaire. L'étourdi ou les Contre-Tems. Le dépit amoureux. Le cocu imaginaire. Tome second.322 pages. Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux. L'école des Maris. Les Fâcheux. L'école des Femmes. Tome troisième.307 pages. La critique de l'école des Femmes. L'Impromptu de Versailles. Le Mariage forcé. Le Mariage forcé, Ballet du Roi. Dom Juan ou le festin de Pierre. L'Amour médecin. Tome quatrième.341 pages. Le Misanthrope. Le Médecin malgré lui. Le Sicilien, ou l'Amour Peintre. Le Tartuffe. Tome cinquième.321 pages. Amphitryon. L'Avare. Georges Dandin ou le Mari confondu. Tome sixième.392 pages. Les fourberies de Scapin. Les Femmes savantes. La Comtesse d'Escarbagnas. Le Malade imaginaire. Tome septième.341 pages. Monsieur de Pourceaugnac. Les Amans magnifiques. Le Bourgeois gentilhomme. Défauts de reliure aux coins et aux coiffes. Intérieur en bel état. Edition complète très homogène. Vendu



VOLTAIRE (Francois-Marie Arouet). Théâtre...Augmenté de plusieurs pieces qui ne se trouvent pas dans les Editions précédentes.A Londres, 1782. 7 volumes sur 8, in-18, plein veau, dos lisse orne de doubles filets a la place des nerfs, entre-nerfs ornes d'une fleurette entourée d'une paire de volutes de feuillage, triples filets d'encadrement sur les plats, roulettes sur les chasses, signets de soie verte, tranches dorées. (Reliure de l'époque).Ces charmants volumes font partie de la seconde période des formats Cazin, c'est-a-dire celle qui coïncide avec l'installation d'Hubert-Martin Cazin à Paris et son association avec Jacques François Valade pour certains titres de sa collection parisienne in-18. Notre exemplaire est incomplet du premier volume. La piece ''Irène'' du cinquième volume qui était trop épais, est mise comme il se doit, à la fin huitième volume… Usures aux coins, accrocs aux coiffes et défauts de reliure. Cahiers solidaires. 125 € + port


BERNARD (Pierre Joseph, dit Gentil-Bernard). Oeuvres complètes. A Londres, 1777. In-24 Reliure plein veau (de l'epoque), dos lisse orné de motifs dorés, pièce de titre, triple filet doré sur les plats, tranches dorées, 204 pp, frontispice gravé sur cuivre par N. de Launay d'après Marillier. Le format nous fait penser qu'il ne s'agit pas d'un "Cazin" même si une fausse adresse de Londres est mentionnée. Défauts de reliure. Intérieur parfait. 30 € + port

GRESSET. Oeuvres de M. GRESSET. A Londres 1780. Ensemble complet de ses deux volumes in-18. Reliure de l'époque plein veau, dos lisse orné de motifs, pièces de titre, plats encadres d'un triple filet doré, toutes tranches dorées, roulettes intérieures et filet en coupe. 1 frontispice pour le tome I. Menus défauts de reliure. Bel état. 60 € + port

jeudi 27 janvier 2011

Louis Figuier vous présente Gutenberg…


Alors que je feuilletais négligemment quelques incunables d'un regard distrait, ou plutôt post-incunables puisque imprimés au tout début du 16eme siècle, je me suis dit qu'une présentation de Gutenberg serait opportune sur le blogue. J'ai trouvé une biographie de notre imprimeur dans un ouvrage particulièrement beau, écrit par Louis Figuier et qui nous dresse, ici, un joli florilège de savants du moyen age. Gutenberg est pour l'occasion à la table (des chapitres) de Thomas d'Aquin, Bacon, Arnault de Villeneuve, Christoph Colomb, Fust, Schoeffer et Améric Vespuce. Que du beau monde, comme vous pouvez le constater !


Déjà connu des savants par de nombreux mémoires publiés de 1847 à 1854 dans les Annales des sciences et au Journal de pharmacie, Louis Figuier (1819-1894) s'est surtout rendu populaire par des écrits de science et d'histoire vulgarisées. Sa carrière scientifique s'est, malheureusement pour lui, terminée par son opposition aux thèses de Claude Bernard sur la fonction glycogène du foie. Nous avons perdu un bon chercheur. Nous avons gagné un excellent écrivain…


Les Vies des savants illustres avec l'appréciation sommaire de leurs travaux se composa de 5 volumes entre 1866 et1870. Nous en proposons, aujourd'hui, un exemplaire de la troisième édition qui brille par sa présentation.


Revenons à Gutenberg. Au début du Moyen Âge, les livres étaient fabriqués un à un dans des monastères spécialisés comme on en voit dans le film de Jean-Jacques Annaud, Le nom de la Rose. À partir des années 1200, les monastères abandonnent cette activité à des ateliers laïcs installés près des universités. Des copistes recopient les textes à la plume d'oie sur des feuilles de parchemin ou de papier, à partir d'un original, cependant que des enlumineurs agrémentent les pages de délicates miniatures aux couleurs vives. Les ateliers approvisionnent ainsi à prix d'or les clercs et les bourgeois assez riches pour se payer des manuscrits.


L'imprimerie est dérivée de la gravure sur cuivre ou sur bois, une technique connue depuis longtemps en Europe et en Chine mais seulement utilisée pour reproduire des images. Gutenberg, graveur sur bois, a l'idée aussi simple que géniale d'appliquer le procédé ci-dessus à des caractères mobiles en plomb. Chacun représente une lettre de l'alphabet en relief. L'assemblage ligne à ligne de différents caractères permet de composer une page d'écriture. On peut ensuite imprimer à l'identique autant d'exemplaires que l'on veut de la page, avec un coût marginal plus faible.


Avec son associé Johann Fust, Gutenberg fonde à Mayence un atelier de typographie. Au prix d'un énorme labeur, il achève en 1455 la Bible , dite Bible de Gutenberg. Ce premier livre recueille un succès immédiat. Il est suivi de beaucoup d'autres ouvrages. Je compte les feuilles de mon exemplaire (interlude...) C'est ça ! Douze cent quatre vingt deux pages in folio, de deux colonnes à la page et de quarante deux lignes par colonne si j'ai bien compté !! Les livres de cette époque portent le nom d'"incunables" (du latin incunabulum, qui signifie berceau).


Les conséquences de l'imprimerie sont immenses. D'abord sur la manière de lire et d'écrire : les imprimeurs aèrent les textes en recourant à la séparation des mots et à la ponctuation ; ils fixent aussi l'orthographe. L'instruction et plus encore l'esprit critique se répandent à grande vitesse dans la mesure où de plus en plus de gens peuvent avoir un accès direct aux textes bibliques et antiques, sans être obligés de s'en tenir aux commentaires oraux d'une poignée d'érudits et de clercs.


Voilà ce que nous dit Figuier dans son ouvrage et qu'il développe ensuite avec les progrès de l'imprimerie par Schoeffer. Mais vous apprendrez aussi beaucoup d'autres choses dans ce livre ! Pierre [ quelque chose vous tracasse dans ce billet, je le vois bien ;-)) ]


FIGUIER, Louis. Vies des savants illustres. Depuis L'antiquité Jusqu'au dix-neuvième siècle. Savants du Moyen Âge. Troisième édition accompagnée, de 35 portraits ou gravure. Dessinées d'après des documents authentiques. Paris, Hachette 1883 .3eme édition. Format grand in-8. [2f], VII, 503 pages. Avec 35 gravures sur bois HT. Reliure d'époque demi-chagrin tabac avec plats de percaline estampés de la même couleur. Dos à 5 nerfs. Caissons ornés de filets dorés, titre et auteur en lettres dorées, toutes tranches dorées. Reliure signée Ch Magnier. Contient les biographies d'homme célèbres à travers un tableau des sciences chez les nations arabes depuis la prise d'Alexandrie jusqu'au XIIIeme siècle dans un premier temps puis en Europe au moyen age. Cahiers très homogènes. Très bel état et sans rousseurs. 60 € + port

mardi 25 janvier 2011

Sabatier de Castres. Quand son dictionnaire de littérature compare le langage de Corneille et celui de Molière…

L'affaire Corneille-Molière

Hugues dans son dernier billet sur le blog du bibliophile nous reparle, ici, de la polémique qui court, depuis quelques années déjà, sur la paternité des œuvres de Molière

Pourquoi cette polémique ? Je ne sais, mais certains affirment que Pierre Corneille (1606–1684), le mal aimé de l'histoire et l'amoureux pathétique aurait été le "nègre" de Molière (1622-1673), le bien aimé de l'histoire et le séducteur scandaleux. L'idée est séduisante. Des études mathématiques (il s'agit de probabilité et non de certitude, il faut le rappeler) faites par des chercheurs russes tendraient à prouver qu'au moins 13 pièces de Molière seraient de Corneille ! Pas très catholique, tout ça…


Il se peut qu'ils aient le même style, la même syntaxe mais cela ne signifie pas pour autant que l'un ait écrit les œuvres de l'autre. Comment leurs fréquentes rencontres auraient-elles pu être ignorées dans un microcosme versaillais où tout se savait ? Le mieux est encore de voir ce que des critiques de l'époque ont écrit sur leur style et de voir si, à cette époque, l'idée avait germé dans l'esprit perspicace de certains auteurs, que l'un et l'autre étaient le même…. J'ai donc feuilleté le dictionnaire de littérature de Sabatier de Castres pour trouver quelques indices.


Antoine Sabatier, dit Sabatier de Castres était un écrivain français (1742–1817) renommé à la cour. Séminariste défroqué, il se rendit à Paris, où il fut protégé par Helvétius. Il publia des poésies et des contes licencieux (les Quarts d'heure d'un joyeux solitaire, 1766), un roman (Betsi ou les Bizarreries du destin, 1769), puis se rangea aux côtés des antiphilosophes. Ses ouvrages les plus connus sont le Dictionnaire de littérature que je propose aujourd'hui à la vente en édition originale (1770) et les Trois Siècles de la littérature française (1772) où il y attaque Voltaire et les Encyclopédistes, mais ménage Rousseau…


Les deux auteurs sont fréquemment mentionnés dans les 3 tomes. Voyons de la page 358 à la page 367 comment la critique de leurs langages respectifs peut révéler des fautes communes… La critique du Misanthrope et celle de la tragédie de Pompée sont présentées l'une après l'autre. Je ne donne que quelques exemples sur les nombreux présentés.

Molière

Et quand on a quelqu'un qu'on hait et qui déplait
On ne dit pas : "J'ai quelqu'un que je hais", l'expression est vicieuse. On dit : "J'ai une chose à faire" et non pas "J'ai une chose que je fais".

Mais si son amitié pour moi se fait paraître.
Une amitié parait et ne se fait pas paraître. On fait paraître ses sentiments et les sentiments se font connaître.

On vous voit en tout lieux vous déchaîner sur moi.
On se déchaîne contre quelqu'un et non sur quelqu'un.

Corneille

Sur le titre affreux, dont le droit de l'épée,
Justifiant césar, a condamné Pompée.
On ne peut pas dire "le titre dont on a condamné" ; mais le titre sur lequel, par lequel ou le titre qui a condamné.

Tout beau nous vous devons le tout.
Sont des termes bas et comiques bien que ce ne soit pas des fautes grammaticales…

A mes vœux innocents font autant d'ennemis.
Il fallait dire "de mes vœux". On n'est pas ennemis à quelqu'un mais de quelqu'un.

Sabatier de Castres nous explique que l'exposition de ces fautes n'est pas celle d'un critique malin qui cherche à rabaisser Molière ou Corneille mais nous montre qu'ils sont petits par quelques endroits sans perdre de vue l'extrême distance qui se trouve entre eux et lui… Il n'a pas noté, dans ses exemples, certains côtés similaires à leurs fautes. D'autres le feront pour lui ? Pierre


SABATIER DE CASTRES (Antoine). Dictionnaire de littérature, dans lequel on traite de tout ce qui a rapport à l'éloquence, à la poësie & aux belles-lettres, & dans lequel on enseigne la marche & les règles qu'on doit observer dans tous les ouvrages d'esprit. Par M. l'abbé Sabatier de Castres. A Paris, chez Vincent, 1770. Reliure plein veau, dos à 5 nerfs, pièce de titre et de tomaison en maroquin cerise, lettres dorées, toutes tranches marbrées (je ne sais si c'est bien le terme adéquat !). 3 vol. [1f], XXV-[3]-669 pp, [1f], [2]-732 pp, [2]-568-184 pp, 1 frontispice en pleine page sur le tome I. Nombreux signes d'usures sur la reliure qui a été restaurée de façon amateur. L'intérieur est parfait. Édition originale rare à la vente. 95 € + port

lundi 24 janvier 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : L'abbé Henry Bolo à l'épreuve du mariage…


Vous ai-je dit que j'avais une nièce qui habite Tarascon ? Je déjeune chez elle le lundi midi quand les clients à la librairie sont rares et elle semble trouver de l'agrément à la compagnie d'un vieil Académicien puisqu'elle profite de ma présence pour me demander conseil. Elle a dû glisser, hier soir, ce petit mot sous la porte afin que je le trouve à l'ouverture de la boutique…


Cher oncle,

Comme je vous l'avais dit la semaine dernière, les affaires sont arrangées et la date de mon mariage est fixée au 24 avril. Je vous écris ce petit mot pour vous apprendre la grande nouvelle mais nous aurons, la prochaine fois, tout le temps d'en causer plus longuement.

Hubert est un garçon charmant et il a très grande mine dans son charmant uniforme de chasseur à cheval. Nous éprouvons l'un pour l'autre, une vive sympathie et c'est assurément un gage de bonheur, n'est-il pas vrai ? Cher oncle, comment vous exprimer ma reconnaissance pour tout ce que je vous dois, pour les soins apportés à mon éducation, pour vos bons conseils et pour le choix de mon époux. Merci aussi pour la dot que vous avez eu la gentillesse de m'allouer. J'ai bien essayé de comprendre la différence entre les actions, les obligations et les valeurs à lots mais c'est affreusement compliqué et je n'y ai absolument rien compris. Je vous serais reconnaissant d'expliquer ceci à mon futur mari puisque c'est lui qui tiendra les cordons de la bourse.

Ce cher Hubert a un caractère vraiment parfait, bien meilleur que le mien, en tout cas. C'est certainement le mari qu'il me fallait, même si notre différence d'age semble importante, et je me rends parfaitement compte que les passions éphémères que j'ai eu avec des jeunes gens de mon age auraient fait mon malheur. Pourriez-vous trouver sur les rayonnages de votre ami libraire un ouvrage qui soit pour moi comme un guide pour mon bonheur à venir ? Je sais que votre choix sera le bon. Votre nièce qui vous embrasse affectueusement.


Voici la réponse que je viens de poster. Je ne doute pas un instant que tous les pères et toutes les mères qui vont lire ce billet en feront lecture à leurs filles.

Ma chère petite nièce,

Cette nouvelle me remplit de joie. N'oublie pas cependant que le mariage est comme ces places fortes où ceux qui sont dehors veulent aller dedans mais ceux qui sont dedans souhaitent en sortir…

Hubert a à peine cinquante ans. Je dois t'avertir que, tout bon, tout excellent qu'il parait être, il est encore ignorant des femmes. Entre l'état de virginité qui est surhumain et demande beaucoup de vertu, et l'état de mariage qui est un abîme de soucis et demande beaucoup de dévouement, certains hommes se sont imaginés que la vie est une fête et non une laborieuse fonction. Ils ont formé cette race hybride d'égoïstes qui s'appelle " les vieux garçons ". Hubert est de ceux-là !


Un jour, le cœur palpitant, ce malheureux vient s'offrir sur l'autel du mariage. Il est accueilli comme un sauveur. Il a la naïveté de croire qu'une femme épouse un homme pour lui apporter le repos des sens et l'infortuné, après avoir bafoué stupidement plus d'un mari, a fini par trouver le foyer salutaire. Il apporte avec joie son cœur et son nom et, sinon un passé innocent, du moins un avenir fidèle. Il se promet que son autorité sera suave et son cœur généreux, car il veut être aimé. Il s'attendrit même à rêver d'un intérieur calme et doux et imagine sa main passant avec amour dans les boucles de la fourrure d'un chien endormi près du feu…

Pauvre homme qui ne sait pas !

La femme a été faite principalement pour la maternité. Dès son jeune age, la jeune fille s'exerce avec ses poupées aux devoirs du foyer et sauf le privilège d'une vocation spéciale, elle sent dans son cœur la mystérieuse attente de la maternité. Où est la femme est le foyer. Où est le mariage est l'enfant !


Il faudra donc, ma chère nièce, expliquer tout ceci à notre brave Hubert et tu trouveras, à la boutique de Pierre, l'ouvrage que tu m'as demandé et qui est nécessaire à toute jeune fille pour assurer la paix de son ménage. Le bon Abbé Henry Bolo a, en effet, présenté son expérience sur le mariage, ses attentes et ses tribulations dans un recueil fort bien fait.

Un homme qui devient père, une femme qui devient mère ne sont plus ni le même homme, ni la même femme et l'amour que l'on porte à ses enfants est plus violent que l'amour que l'on porte à l'autre…Les nuits sans sommeil, les jours sans repos seront le ciment de votre couple.

Allez tiens, je vous envie ! Votre dévoué oncle. Philippe Gandillet


BOLO (Abbé Henry). 2 volumes au format in-8 en un même ouvrage. Reliure demi-chagrin havane, dos à 5 nerfs, pièce de titre et nom de l'auteur en lettres dorées sur maroquin, tranches mouchetées. Du mariage au divorce. Paris, René Haton éditeur, 1892, 265pp et table des matières. Les mariages écrits au ciel, René Haton éditeur, 1894, 290pp et table des matières. Très bel exemplaire. 42 € + port

samedi 22 janvier 2011

Le "Décembre-Alonnier". Un dictionnaire précurseur du Larousse du 19eme siècle ?



Vous cherchez des informations sur Gentil-Bernard, poète du XVIIIème siècle, vous n'avez pas près de vous l'Encyclopédie Universalis, le Larousse du XIXème siècle que vous convoitiez en demi-chagrin rouge, vous est passé sous le nez le mois dernier et la toile informatique est aussi blanche sur l'auteur que la robe de communion des petits chanteurs à la croix de bois…


J'ai trouvé LE DICTIONNAIRE biographique et historique qui répondra à toutes vos attentes ! Bien illustré grâce un nombre impressionnant d'élégantes gravures sur bois, d'un encombrement raisonnable et non parasité par la pléthore d'événements catastrophiques et de personnages emblématiques du XXème siècle, il mérite de figurer sur vos rayonnages. De plus, étant peu connu, donc peu recherché, vous pourrez vous offrir ces trois tomes pour le prix d'un bijou fantaisie pour votre femme…


Pas connu, le Décembre-Alonnier ? C'est vrai mais reconnaissez que le nom de l'auteur est difficile à mémoriser. Par expérience un nom de plus de deux syllabes, si vous désirez publier un ouvrage, vous mène quelque soit votre talent, droit vers l'anonymat. Ce n'est pas pour rien que Victor Hugo a fait raccourcir son patronyme. Sans cela, qui connaîtrait Victor Hugovinoroscky ? De plus, l'utilisation d'un papier peu flatteur et une présentation sur trois colonnes date un peu, si vous voulez mon avis… Mais on n'achète pas un dictionnaire pour sa présentation me direz-vous !


En fait, Décembre-Alonnier est le nom collectif de Joseph Décembre (né en 1836) et Edmond Alonnier (né en 1828). Ils ont toujours écrit en collaboration, le plus souvent sous ce nom collectif, mais aussi sous d'autres pseudonymes collectifs.


Décembre est surtout connu pour avoir tenté, dans le cadre de la Franc-maçonnerie dont il était un membre influent, de remettre à la mode le culte du La Théophilantropie née pendant la Révolution française et qui proposait une religion "naturelle", avec les "Amis de Dieu et des hommes". Ces cérémonies, qui mettaient en scène le Culte de la Raison et de l'Être suprême étaient l'idée de son fondateur, Jean-Baptiste Chemin-Dupontes, qui désirait peut-être combler le vide crée par la déchristianisation en devenant le calife à la place du calife !


Publié en fascicules dans les dernières années du second empire, le "Dictionnaire populaire illustré d'histoire, de géographie, de biographie, de technologie, de mythologie, d'antiquités, des Beaux-Arts et de littérature" se présente comme un dictionnaire peu onéreux, accessible aux classes populaires. La reliure éditeur qui regroupe tous les fascicules est simple mais solide. C'est un bon dictionnaire qui ne fera pas honte à votre Larousse. Il y a eu, je crois, d'autres tentatives avortées de "dictionnaire populaire" à cette époque. Nous pourrions en faire une petite liste ? Pierre


DECEMBRE-ALONNIER. Dictionnaire populaire illustré d'histoire, de géographie, de biographie, de technologie, de mythologie, d'antiquités, des Beaux-arts et de littérature. Paris, impasse des Filles-Dieu, 1862-1870, format in-4, 3 volumes en reliure de l'époque, demi-basane, dos insolé lisse orné de lettres dorées. Edition parue en livraisons hebdomadaires et fort de 2400 pages et de près de 1000 gravures sur bois par Trichon de Castelli, Yan d'Argent, Yundt, Lix et Lançon. Menus défauts de reliure. Des rousseurs et quelques taches de mouillure très claires parsemées. Bel exemplaire aux cahiers bien solidaires. Vendu