mercredi 30 décembre 2009

La Bibliothèque de Pinhas S, Bey des M.


Je reçois, suite ma demande insistante, l'article d'un ami Havrais, capitaine de Frégate dans la Royale, que j'avais perdu de vue jusqu'à ce que ma fille ainée qui finit son école de commerce en cette charmante "ville d'eau" nous fasse nous retrouver. Sa bibliothèque a bien changé depuis nos années étudiantes et je crois qu'il a, mieux que moi, compris l'essence de la bibliophilie. Ses ouvrages ne vous laisseront pas indifférents.

" Il m'est tout aussi difficile de parler de ma bibliothèque que de vous parler de moi. Vous le savez, la bibliothèque c'est l'homme.

Le Rousseau, avec lequel tout à commencé
Si ma bibliothèque me ressemble terriblement, c'est vrai, elle est aussi le reflet de ma bibliophilie: protéiforme, exigeante (mais pas toujours) parfois déraisonnable, toujours inassouvie, avec un minuscule zeste de vanité (pour reprendre les mots de Lacretelle sur la bibliophilie), mais aussi curieuse, fruit de mon appétit que chacun sait féroce, humaniste et surtout, dans son immense majorité portée par les textes, ou au moins les contenus... Bref une vraie petite Société des Nations, ne vous en déplaise, cousin. Aussi, je suis incapable de la décrire à vos lecteurs... ou alors partons tous les deux pour la Villa Amalia avec un divan confortable sous le bras, quelques cahiers, de bonnes bouteilles et beaucoup de temps. Je tourne et je retourne votre proposition dans ma tête depuis 1 mois et demi en tentant de trouver la bonne approche. Le plus simple serait de présenter quelques livres, mais là encore, il faut choisir. Compliqué. Quels critères retenir? Je n'ai évidemment pas de livre "préféré", et chaque livre produit sur moi un effet différent : Tendresse, volupté, amusement, fierté, nostalgie, émerveillement, etc. J'ai noué avec tous et chacun une relation personnelle, de celles qui font qu'à chaque instant, un bibliophile sait exactement où se trouve chaque ouvrage de sa bibliothèque et se sent capable d'en parler longuement. En parcourant les rayonnages pour procéder à la cruelle sélection demandée, je vois en tout cas un point commun à ces ouvrages rassemblés là en une quinzaine d'années : Le texte... même si mon latin est rouillé et que je n'ai plus réellement la possibilité de les lire tous. Mais est-il nécessaire de parler latin pour apprécier les gravures d'un Lycosthène? Avec le temps, j'ai ajouté d'autres critères: le fait que l'ouvrage (le texte et les gravures) soit complet et en bon état, puis l'état de la reliure. Si je les ai tous lus? Non, mais que serait une belle cave si toutes les bouteilles avaient déjà été ouvertes et vidées ?
Mais alors pourquoi en choisir un plutôt qu'un autre? Comment? J'ai finalement opté pour une invitation à remonter le chemin de ma bibliophilie, de son point de départ ou presque, jusqu'à aujourd'hui, ou presque. Je lis énormément et c'est une visite au marché du livre ancien du parc Georges Brassens, à Paris, alors que j'étais étudiant dans ce si beau pays, qui m'a conduit à faire mes premiers pas en bibliophilie. Un certain nombre de classiques étaient inscrits au programme, dont Rousseau, et j'ai découvert sur le marché que si une édition contemporaine ne valait que quelques francs; pour trente francs (je vous parle d'un temps...), je pouvais repartir dans mon île avec une édition 18ème en format Cazin. Mon choix fût vite fait et le virus me prît sans que je ne m'en rende compte. Pour paraphraser ou presque un libraire bien connu "je n'ai pas senti ce jour-là que le livre ancien tiendrait une place essentielle dans mon existence". Et pourtant. A partir de cet achat, je me suis rendu chaque semaine de ma vie etudiante sur le même marché en essayant de revenir avec un ouvrage ancien. Les textes guidaient mes achats puisque tous ces livres étaient destinés à être lus. Je n'avais hélas aucune formation bibliophilique et si le texte était complet, la reliure était souvent en mauvais état, pour cause de bourse plate... Au fil du temps, j'ai revendu ou offert ces ouvrages, si bien qu'il ne m'en reste plus qu'un, le premier.

Voyage au Canada, par Weld, 3 volumes in-8 en demi veau à coins de l'époque... Peu de vagues, mais des trappeurs, les indiens, le froid, l'aventure...
 Un expert parisien disait que chez les bibliophiles tout est le plus souvent affaire de culture (quand d'autres parlent de cosa mentale), même si c'est assez réducteur : Les médecins achètent des livres de médecine, les gourmands des livres de gastronomie, les corses des livres sur la Corse (je cite de mémoire), tout comme je me suis moi-même laissé aller à acheter les romans sur Céphalonie en édition originale pour y revivre les pérégrinations de mes valeureux cousins.

Classique...
C'est donc finalement assez vrai en ce qui me concerne, la bibliothèque c'est l'homme, l'homme c'est sa culture, et donc la bibliothèque, etc.... et puisque après mes études j'ai passé quelques années en uniforme bleu et casquette blanche sur de grands bateaux gris, ce sont logiquement vers les ouvrages de voyage que mes goûts se sont tournés. J'ai commencé à rassembler des ouvrages du 18ème relatant des voyages sur les mers, ainsi que des ouvrages de marine, qui me rappelaient certainement le bleu des vagues sur cette côte que j'aime tant, là où je plongeais étant plus jeune, devant quelques touristes étonnés. Cette habitude est restée, parce que j'affectionne particulièrement la lecture de ces textes, dans lesquels l'aventure, la vraie, mais aussi la poésie vous guettent encore au coin de chaque vague, vertiges d'un monde qui n'était pas encore totalement connu ou presque.


Oeuvres de Rabelais, 5 volumes in-12, à Amsterdam chez Bordesius, 1711, plein veau de l'époque, 3 figures et une carte en premier tirage.

Littérature et voyages constituent donc depuis longtemps l'ossature de ma bibliothèque, et la plus grande partie de mes achats actuels, même si j'ai avec le temps également développé un goût pour les ouvrages curieux et insolites. Côté littérature, mes études ayant finalement porté quelques fruits, je peux désormais m'offrir des ouvrages dans un meilleur état comme ce Rabelais ou ce Pascal..


En ce qui concerne les livres curieux, leur intérêt peut résider dans le texte et le sujet qu'il aborde, mais aussi dans la façon dont il se présente, voire la reliure, voire les trois. Par exemple:

Démonologie ou Traitté des Démons et Sorciers, et L'Antidémon de Mascon, par Perreaud, à Genève, chez Pierre Aubert, 1653, maroquin postérieur




Et d'ailleurs, quid de la reliure? C'est un art à part et je regrette parfois que certains bibliophiles la considèrent avec mépris. La reliure idéale à mes yeux est un veau glacé du 18ème en état parfait, mais j'apprécie également les réalisations des relieurs de toutes les époques. Mon choix peut parfois se porter sur une reliure parce qu'elle est particulière, même si son texte est sans intérêt, mais cela reste anecdotique et les reliures ne représentent qu'une petite partie de ma bibliothèque, regroupées dans un petit cabinet de curiosité. Cet expert matois aurait donc finalement raison... les livres de chaque bibliophile sont une bonne indication de son itinéraire personnel (et culturel). A quand la vente cataloguée d'un bibliophile dont la description de chaque lot se terminerait par un court paragraphe "voici les raisons pour lesquelles j'ai acquis cet ouvrage, et pourquoi je l'aime"? J'aimerais cela, et nul doute que ces mots résonneraient en chaque amateur. C'est en tout cas quelque chose que je pourrais dire et écrire en prenant chacun de mes livres en main. Bon, vous n'en savez pas beaucoup sur ma bibliothèque, mais un peu plus sur moi, et moi aussi d'ailleurs, après cet exercice d'introspection bibliophilique. Ce n'est pas si mal !Pinhas S., aussi surnommé Bey des M., ou Lord High Life."

lundi 28 décembre 2009

Causerie du lundi de Philippe Gandillet. Mon mari est bibliomane. Que faire, cher Maître ?


Voici en quels termes, je reçois cet appel désespéré d'un cliente de Pierre qui m'a glissé cette missive dans la boite aux lettres, ce matin. Jamais un vendeur de livres ne donnera de remède contre cet aimable penchant, vous vous en doutez. Autant se tirer une balle dans le pied diraient certains ! Mais, moi, vous savez…

Tout d'abord et avant de donner la réponse géniale qui s'impose, il faudrait cerner de façon précise et concise ce que l'on entend par " bibliomane ". Pour ma part, je pense que le bibliomane peut être défini comme une personne qui achète trop de livres par rapport à son salaire ou à la taille de son logement. Il aime les livres et la littérature. Il peut récupérer les livres des amis qui divorcent, simplement pour leurs éviter le pilon. Il lit les livres, il les a lu ou il les lira s'il a le temps. Ses proches, ses amis et sa famille le prennent pour un original mais il ignore ces reproches… Le bibliomane est un brave homme.


Voyons donc la lettre de Nicole :

" Votre Grandeur,

Mon mari a une maîtresse exigeante ; le livre. De plus, c'est un généalogiste amateur... Tout espoir est-il perdu ? Tout d'abord, laissez moi vous présenter sa bibliothèque.

En fait, on ne devrait pas dire "la bibliothèque de mon mari"mais les bibliothèques car la maison étant ancienne et grande, il y a des étagères de livres dans toutes les pièces. La maison est comme un musée ou une boutique d’antiquaires. Chaque pièce a des livres rangés par thèmes différents.

Commençons par une des chambres : D'un côté se trouvent toute une collection de bandes dessinées et une série de livres de cuisine (normal pour un cuisinier d’avoir des recettes de régions ou de pays différents !), de l’autre, tout un pan de mur est réservé à une collection presque complète de série noire, de San Antonio et de policiers. Il y a aussi comme dans toute bibliothèque, je suppose, des encyclopédies qui sont peu utilisées.

Dans le salon on trouve des petits livres anciens avec des couvertures cartonnées, et des étiquettes écrites à la plume. Dans la chambre voisine, des livres régionaux avec de belles photos de paysages. A l’étage supérieur, la bibliothèque la plus importante se situe dans le bureau. Je n’ai jamais envisagé de compter les livres, seulement de les dépoussiérer. Ah ! Pourquoi garde t'il les livres de son enfance ; bibliothèque verte (collection Michel) ou bibliothèque rose (le club des cinq) ? Les étagères qui atteignent le plafond sont séparées et regroupées par auteurs et éditeurs différents. Il y a aussi les collections « j’ai lu » « livre de poche », « folio » et je ne vous parle pas des ouvrages qui sont encore dans leur carton.


Ensuite, il y a les livres d’histoire, une des passions de mon mari, ainsi que tout ce qui se réfère à la généalogie. Par exemple, il y a sur une étagère 10 grands livres sur l’histoire de la Lorraine ! Ce sont des ouvrages du début du XVIIIe siècle écrits par l’abbé de Senones, Don Calmet. Ces livres sont lus régulièrement ; ils regorgent de renseignements historiques et généalogiques mais quand même…Autre passion de mon mari qui a épousé une bretonne, il possède un tas de livres sur la Bretagne dans le petit salon.

Pour couronner le tableau, je dois vous avouer qu'il n’y a pas de pièce bien définie où mon mari aime lire. Cela peut être dans le bureau, le salon ou la chambre. D’ailleurs, sur la table de nuit il y a au moins une dizaine de livres qui sont dispersés à tel point que je ne sais plus où mettre les pieds !

Voila donc, cher Maître, le domaine littéraire envahissant de mon mari. Pourriez-vous trouver une idée pour qu'une telle chose ne se reproduise plus dans l'avenir, que nos enfants ne connaissent pas ça ? Moi, ma vie est faite et j'aime mon mari. Mais pour les autres ? Nicole "

Chère Nicole,

Je crois avoir trouvé la solution à votre problème et je vais, de ce pas, en parler à Frédéric M dont je tairais le nom et la fonction par modestie puisque c'est un de mes disciples, mais qui en tant que ministre de la culture me doit bien ce petit service. Je crois pouvoir vous assurer qu'un projet de loi va être présenté au parlement sous peu afin de guérir de façon définitive les bibliomanes de cette manie grâce à une mesure phare et forte :

" L'interdiction de lire dans les lieux publics "


Finie la lecture après le café au restaurant, terminées les évasions littéraires pendant les transports en commun ou au travail pour les fonctionnaires… La tendance sera à la bibliophilie pure et dure à horaires restreints. Qu'il soit un amoureux de la lecture ou un collectionneur monomaniaque, voici quelques solutions que votre conjoint pourra utiliser avant de se tourner vers le médicament biblioprive, en attendant. Nombreux sont ceux qui sont attachés à la gestuelle de la lecture. On humidifie légèrement le bout de son doigt, on penche un peu la tête pour faire glisser ses lunettes sur le bout de son nez, on porte sa main vers ce crayon de bois qui va immortaliser la pensée fulgurante que l'on va noter dans les grandes marges du livre… Fini, tout ceci grâce au port de moufles, le tue-l'amour de la lecture ! Pour un budget raisonnable, vous voici armés d'un outil très efficace. Environ 20% des personnes arrivent à cesser d'acheter des livres grâce une autre méthode révolutionnaire qui nous vient des U.S.A : Le patch. Il faut vous mettre, malgré tout, en garde contre des risques d'échecs qui sont souvent dus à des sous-dosages ou à un arrêt trop précoce du traitement. De plus, il faut bien choisir son patch ; un patch au Montaigne ne fonctionnera pas pour Lamartine et inversement. Par contre, un patch au Sully Prud'homme est efficace contre toutes sortes de lectures et donne des résultats proches de la vaccination.

Voici donc, chère Nicole, quelques petits trucs qui pourraient vous permettre de guérir votre conjoint de sa bibliomanie en attendant les résultats de l'intervention que je vais faire en hauts lieux. De mon côté, je ne proposerai rien à la vente, aujourd'hui, de peur de tenter les plus faibles. Votre toujours dévoué. Philippe Gandillet

vendredi 25 décembre 2009

Les Quatre Évangiles


Noël est là qui amène son lot de joies mêlées.

Joie pour les croyants de fêter la naissance de Jésus de Nazareth, joie pour les enfants de recevoir des cadeaux (ou de l'argent pour les plus grands qui se défient du goût de leurs parents), joie pour les parents de réunir autour d'eux une partie de la famille, joie pour les commerçants qui voient avec plaisir le chaland ouvrir la porte des boutiques et joie, pour moi, de finir ma première année de libraire sans regret de ma vie d'avant…

Je n'ai pas encore tout compris de cette profession, loin de là, mais à posteriori une des choses qui m'a été le plus difficile à mettre en place depuis mes débuts fut de déterminer à priori la valeur marchande d'un ouvrage. Plusieurs fois, des amis libraires ont été surpris que je donne un prix excessif à des ouvrages qui ne brillaient, pour eux, que par leurs atours. L'édition des Quatre Évangiles que je propose aujourd'hui est exclue par définition des ouvrages au contenu inepte et la présentation sera donc plus aisée…

Puisque nous sommes le jour de Noël, je vous exposerai les quelques textes qui se rapportent à la nativité dans l'ordre chronologique mentionné par les Quatre Évangiles, étant entendu que l'essentiel des informations que nous détenons provient , par ailleurs, des Évangiles Apocryphes.


C'est d'abord Saint Luc qui nous relate la vision de Zacharie à qui l'Ange Gabriel promet un fils prodige. Il en restera muet de surprise… Puis vient l'annonciation et la bonne nouvelle pour la vieille cousine Élisabeth que Marie ira visiter. Cette "Visitation" est d'ailleurs le symbole de la Foi des 'Visitandines" de notre monastère de Tarascon. Puis, c'est le "Magnificat", élan de joie de Marie comblée d'être la mère de notre Seigneur et dont les plus grands compositeurs dont Jean-Sébastien Bach feront leurs œuvres vocales majeures. (Magnificat en ré majeur BWV 243 de Bach).

C'est Saint Mathieu, ensuite, qui nous parlera du bon Joseph, confronté à un sacré dilemme, vous l'imaginez, et que l'Ange Gabriel finira de convaincre de prendre Marie pour épouse.

Saint Luc, tirera le fil de ce récit en nous racontant la naissance de Jésus-Christ, le gîte à Bethléem loin de la chambre d'hôte escomptée, l'annonce de l'Ange Gabriel aux bergers et l'adoration ; l'admiration qui s'en suivit. Malheureusement pour les amoureux des bêtes, pas d'âne ni de Bœuf chez Luc. Il faudra attendre l'Évangile Apocryphe de "Pseudo-Mathieu", c'est son nom, pour en entendre parler.


La présentation au temple sera rapportée par Saint Luc mais c'est Saint Mathieu qui finira de nous retracer la Sainte Enfance avec l'arrivée et l'adoration des Rois Mages, la jalousie d'Hérode et le massacre des innocents avant la fuite en Égypte.

Certains me diront que pour connaître le récit de la nativité, nul n'est besoin d'avoir les quatre Evangiles dont le texte est moitié en latin et moitié en français, de l'avoir dans une édition du 18eme siècle en plein veau, au format in 8 dont les pièces de titre et la tomaison sont dans un luxueux maroquin aux lettres dorées comme les motifs qui ornent les espaces entre les nerfs, qu'il n'est pas besoin d'avoir des exemplaires en bon état mais dont on perçoit nettement des traces d'usures aux coiffes et aux coins et dont les ex-libris ont été sciemment soustraits à nos yeux perçants. Voilà ce que certains me diront.


Mais comme il existe encore quelques bibliophiles, quelques amateurs de livres rares et précieux, quelques collectionneurs qui aiment autant les livres que la littérature, alors pourquoi pas ne pas leur proposer cet achat judicieux ? Ces ouvrages pourront les combler pour la somme de ... Vendu. Et puis, à ce prix, ils auront toute la fin de l'histoire…

Joyeuses fêtes de Noël. Pierre

mercredi 23 décembre 2009

Visite de la bibliothèque d'un ami : Jean-Michel


J'avais demandé à quelques amis de me parler de leur bibliothèque afin d'en faire un petit article. C'est Jean-Michel qui intervient sur le blogue avec beaucoup d'érudition et de délicatesse qui ouvre le bal. Moi, j'adore la façon dont il présente ses ouvrages !

" La première question que l’on se pose est celle de l’origine de la volonté de se créer une bibliothèque. Vient-elle d’Enid Blyton ou d’Alexandre Dumas père ?

L’unité tinctoriale des séries roses ou vertes joue-t-elle un rôle aussi important que la merveilleuse découverte du pouvoir d’évasion et d’empathie picaresque ressentie à la première lecture du Comte de Monte-Christo ?

Puis on se rend compte d’une volonté qui s’affirme en constatant sa réticence à prêter un ouvrage que l’on possède et les arguments qu’on oppose aux désirs du quémandeur : Je n’ai pas fini de le lire, je l’ai perdu, je l’ai déjà promis à un autre, etc. L’imagination ne manque pas pour protéger un ouvrage que l’on imagine déjà graisseux sur une table de cuisine, oublié au dehors, promis aux redoutables ciseaux du petit frère. Disparu du champ de vision, son absence gêne l’ordonnance de l’ensemble au point que son manque est la seule chose qui reste visible.

On l’a prêté, on l’a perdu pour toujours. Car un emprunteur ne demande pas un livre, mais une partie de celui-ci : il n’emprunte que la lecture. Une fois celle-ci achevée il pourra considérer qu’il n’a plus rien à rendre, le livre ayant perdu sa substance.


Mais, pour revenir, aux origines, une fois que le contenu a suffisamment accroché, c’est le contenant qui se met de la partie pour séduire. Le livre possède les bonnes dimensions et le poids idéal pour faire une collection. Une forme carrée si agréable à ordonner et à ranger, un poids et une rigidité le mettant à l’abri des courants d’air ou de l’humidité ambiante, néfastes aux timbres-poste, un agencement parallélépipédique qui le fait tenir sur toutes ses faces, chacune ayant son propre intérêt. Son poids surtout est de bonne mesure, apte à satisfaire la main qu’il emplit, il ne se fait vraiment sentir que lorsqu’il s’accumule en trop grand nombre à la faveur d’évènements fâcheux dont il ne fait que renforcer le caractère désagréable. Il faut répéter à l’envi qu’une bibliothèque ne se déménage qu’en de nombreux petits cartons pour ne pas risquer les dégâts générés par le gros carton qu’on traîne faute de pouvoir le soulever, ou, pire, la catastrophe de celui qui s’éventre, ce qui conduit à une double souffrance, morale par les atteintes irrémédiables produites aux livres ainsi malmenés, et physique quand les chers objets chutent sur les doigts de pieds.


La simple et nue évidence est là, comme la constatation d’une loi naturelle : on réfléchit bien mieux, on pense plus aisément en ayant dans son dos et autour de soi (devant soi une fenêtre est indispensable) des rayonnages chargés de ces volumes, mis là comme autant de talismans bénéfiques ; Il ne fait jamais froid dans une bibliothèque, et l’on a pour ces épais dominos la même respectueuse attention que celle qu’on aurait envers les dépouilles opimes de tout ce qu’on a su en l’oubliant un peu.


Eh bien, puisqu’il faut choisir cinq livres représentatifs, tentons l’expérience.

Numéro un : Le Comte de Monte-Cristo, d’Alexandre Dumas père, parce que ce fut le premier roman capable de me tenir des après-midi entières dans l’ombre d’un grenier.
Numéro deux : Vive patrie, de Paul Fort, pour ses souvenirs associés, mon père et sa sœur (ma tante) l’ayant connu à Montlhéry, celle-ci racontant à qui veut l’entendre comment Paul Fort, venu se ravitailler au village dans sa carriole tirée par un âne, l’a saluée d’un baise-main alors qu’elle n’avait que quinze ans.
Numéro trois : Plumons l’oiseau d’Hervé Bazin, à cause de son caractère spéculatif. Désirant le lire, je l’avais acheté d’occasion sur « Chapitre.com ». L’exemplaire que j’ai reçu était dédicacé, et même si ce n’est pas à moi que cette dédicace s’adresse, il m’a ouvert les yeux sur d’autres collections parallèles possibles, celles des ouvrages portant la griffe de l’auteur.
Numéro quatre : Le Deutéronome, dont j’ai parlé par ailleurs. C’est, je l’imagine, le livre ayant le plus de valeur vénale en ma possession. Je n’en suis malgré tout pas vraiment sûr.
Numéro cinq : Les sept volumes plus un supplément du Nouveau Larousse illustré, achetés par mon arrière grand-père paternel lors de l’exposition universelle de Paris en 1900. Ils représentent l’index exhaustif de l’univers connu à cette époque, et il faudra décidément que je me procure un lutrin pour continuer à les consulter sans dommage.

Voilà tout à coup que je me rends compte, grâce à ces exemples issus de mon ressenti immédiat, que la relation d’un homme avec sa bibliothèque serait passionnelle ? "

Jean-Michel, je confirme : Passionnelle mais un peu moins désintéressée lorsqu'on en fait son métier… Pierre

lundi 21 décembre 2009

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Essai de vente aux enchère d'un "Hetzel".


Il fallait que cela arrive un jour ! Pierre a décidé de s'attaquer au géant américain de la vente en ligne "Ebay" et de proposer sur son blogue, comme eux, des ouvrages aux enchères.

De nature pusillanime, il se cache dans mon ombre pour vous présenter un livre que je trouve fort intéressant, par ailleurs. On offre souvent aux amateurs de "Hetzel" de belles publications aux couvertures polychromes en oubliant que cet éditeur savait aussi produire, pour ses clients, des ouvrages plus modestes mais néanmoins conformes à la qualité de présentation qui ont fait la réputation de sa maison d'édition.


Ouvrons une parenthèse - Cette semaine, beaucoup de personnes se sont étonnées, à juste titre, de l'attention que je portais au bien être financier de Pierre ou des progrès techniques que j'apportais de façon désintéressée à la librairie. C'est par centaines que j'ai reçu des lettres enflammées de lectrices et de lecteurs qui me demandent d'adopter la même sollicitude à leur égard. Que cela soit bien clair dans l'esprit des postulants au bonheur ! Je n'ai de bienveillance que pour les beaux bruns à lunettes, d'un age certain, pourvus d'un grand nez, d'un point de beauté sur la joue droite et qui n'ont jamais assisté à un match de football de leur vie. Cette condition sine qua non étant remplie, il y a toute chance que vous puissiez compter sur ma diligente attention.

Je serais désolé que des personnes, écartées de ce pathétique casting, perçussent à travers la sélection physique et intellectuelle que je viens d'établir, la moindre attitude misogyne ou antisportive de ma part mais je dois vous avouer que je ne suis ni altruiste, ni généreux de nature. C'est donc le hasard, et uniquement lui, qui m'ayant fait pousser la porte de cette boutique m'a fait rencontrer notre brave libraire dont l'apparence physique et intellectuelle correspondait aux critères mentionnés, et qui m'a fait lui offrir mes services – Fermons la parenthèse.

Voici donc l'annonce en ligne : Il n'y a pas prix de réserve. L'achat immédiat peut se faire par téléphone au mépris de toutes les règles mais il ne faut pas le dire. C'est un début, nous allons un peu tâtonner. Vous mettez un pseudo et un prix. Vous pourrez constater quel pseudo a gagné après les deux jours d'enchère (l'heure de départ sera celle affichée sur la causerie). Le gagnant contactera Pierre pour la livraison mais je dois lui préciser qu'il ira en enfer s'il ne le fait pas…

Votre toujours dévoué. Philippe Gandillet


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DE NOUSSANNE (Henri). Au château de Pierrefonds. Jasmin Robba.
Etat de l'objet : Très bon
Temps restant : (faites "tic.tac" en attendant le widget)
Historique des enchères : Commentaires
Prix de départ : 10 €
Livraison : Tarif lettre ou colissimo
Paiements : Chèque
Retour : Vraiment, ça m'embêterait !
Caractéristique de l'objet – Livres anciens et rares
Reliure : Percaline / Particularité : Motifs Art-Déco
Thème : Aventure / Année de publication : sd
Langue : Français populaire


DE NOUSSANNE (Henri). Au château de Pierrefonds. Jasmin Robba. Hetzel, bibliothèque des succès scolaires ~1920. Grand in-8, 240 p. Illustrations de Georges Roux, reliure percaline bleue ornée de motifs, dos avec titre et nom de l'auteur en lettres dorées. Bel état.

Philippe Gandillet assume l'entière responsabilité de cette annonce mais Pierre dira qu'il n'est pas au courant...

vendredi 18 décembre 2009

Bernardin de Saint Pierre et son filigrane d'authenticité.


Voici un ouvrage que je n'avais pas prévu de vous présenter si tôt mais l'occasion est trop belle de tirer un fil (ou de rebondir si cette expression vous parait désuète) à l'article proposé par Léo Mabmacien sur son blogue "Bibliomab".

Vous avez sûrement apprécié son message sur les filigranes dans les livres anciens. Il classe les filigranes en 6 catégories :

- La marque de sorte qui caractérise le type de papier (main, couronne, fleur de lys, raisin, soleil, pot, cornet).
- La marque d’hommage. Le papetier rend hommage à un grand personnage en portant ses armes ou ses chiffres dans la feuille.
- La marque d’identité des personnes (nom du papetier entier, avec initiale ou emblème) caractérisant le papetier mais aussi le propriétaire du moulin ou un négociant.
- La marque définissant la qualité du papier, mention qui apparaît assez tard.
- La marque de lieu de fabrication qui devient obligatoire après 1739 (en fait le nom de la province)
- La date de fabrication ou de contrôle. Exceptionnelle elle se développe après 1739 mais est à prendre avec des pincettes

Je vous propose une nouvelle catégorie avec "La marque d'authenticité" dont l'ouvrage représenté ici est un exemple parfait.


Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, J.B.H. De Saint Pierre pour les éditeurs, né en 1737 au Havre et mort en 1814 peut être schématiquement décrit comme un disciple de Jean-Jacques Rousseau auquel il aurait emprunté son attrait pour la nature sans aborder sa philosophie politique. Dès la publication de ses "Études sur la nature", trois volumes en 1784, il est néanmoins reconnu comme un grand écrivain.

Il fait paraître "Paul et Virginie" en 1787. Ce roman le rendra célèbre et est la cause du désamour qui le poursuit aujourd'hui. Les esprits les plus facétieux vous diront que J.B.H de S.P fait un peu "tarte". C'est le mot le moins blessant que l'on peut trouver, en effet, pour qualifier son style. C'était l'époque Louis XVI et son retour au classicisme antique. Vous avez déjà essayé, après une journée épuisante passée au cul des vaches, les bas de pantalons crottés, les mains d'une couleur indéfinissable, de vous asseoir sur une petit siège Louis XVI au dossier en médaillon et aux pieds cannelés ? C'est ça le style "tarte". Joli à voir mais pas pratique dans la vie de tous les jours. Un ami me rappelait, de mémoire, quelques réflexions philosophiques de l'auteur " Le potiron, ce cucurbitacé, créé tel qu'il est pour qu'on puisse le découper aisément en tranche lorsqu'on est en famille…".

L'édition que je vous présente est la quatrième édition des "Etudes de la nature" dans laquelle l'auteur a ajouté, d'une part "les vœux d'un solitaire qui ont paru en 1789, de l'autre "La chaumière indienne", précédée d'un nouveau préambule.



L'auteur se plaint à cette occasion des contrefacteurs qui vont aujourd'hui, tête levée, selon son expression. Il précise qu'il sera désormais possible de vérifier ses éditions originales car elles porteront son nom en filigrane, comme lui avait proposé son éditeur, Monsieur Didot le jeune. Voici donc cette 7eme catégorie de filigrane établie par son auteur lui-même, le filigrane d'authenticité.

Le reste de la Vie de J.B.H de Saint Pierre n'est pas exceptionnel. C'était un bon républicain et il a réussi à rester en vie pendant ces temps troublés ce qui n'est déjà pas si mal. Il a soutenu le culte à une nouvelle "religion révolutionnaire" pour remplacer l'ancienne et ses deux enfants s'appelaient Paul et Virginie ! Je ne vous mens pas. Pierre


SAINT-PIERRE (Bernardin de). Etudes de la nature. A Paris, de l'imprimerie de Monsieur, 1791, pour le tome 4 (Paul et Virginie), A Paris, de l'imprimerie de Monsieur, 1790 chez Didot. Pour le tome 5 (vœux et Suite des voeux d'un solitaire, avec la Chaumière indienne) A Paris, de l'imprimerie de Didot jeune, 1792 - Frontispice, titre XXXVI, 648 pp, 1 pl. dépliante / 652 pp, 3 pl. dépliantes / 596 pp / LXXXVIII, 532 pp, privilège / XXXIV pp, 411pp; LVI, 72 pp. Cinq volumes in-12 , maroquin rouge cerise, triple filet doré encadrant les plats, chaînette dorée sur les coupes, dentelle intérieure, dos à faux nerfs ornés de filets pointillés et de fleurons dorés, tranches dorées (Reliure de l'époque). Quatrième édition pour laquelle l'auteur fit fabriquer un papier spécial avec son nom en filigrane sur les feuillets de titre. Le volume IV contient Paul et Virginie. Frontispice dessiné par Moreau le Jeune et gravé par Le Veau. Une carte et 3 planches de botanique, dépliantes. Mouillures claires en début de 4 tomes sur 5 (quelques pages) qui semblent avoir été occasionnées avant la mise en place de la reliure. Bel état. Vendu

mercredi 16 décembre 2009

Les œuvres complètes de Voltaire : Exemplaire de travail.


Voltaire c'est, un peu comme Victor Hugo, un monument.

Il a écrit sur tout et de tout.

Certes, ses pièces de théâtre, et je pense en particulier à "La Pucelle", ont un peu vieilli. Mais quel panache, quelle vivacité d'esprit, quel Esprit ! Beaucoup ont vu dans son rejet des dogmes, le résultat de son initiation maçonnique. Je crois que c'était, avant tout, un caractère rebelle aux idéologies établies et peu apte à se contenter de "l'à peu près".

Si vous voulez tout savoir sur lui, vous pourriez vous procurer ses "Mémoires pour servir à la vie de Monsieur Voltaire écrits par lui-même" mais vous seriez déçus car elles ne traitent que de ses démêlés avec Frédéric II. Tel que vous ne me voyez pas, je feuillette distraitement le "Voltaire" de Gustave Lanson mais il y en a beaucoup d'autres tout aussi brillants. Il y a aussi celui de Monsieur Ernest Wikipédia qui est à bout de clavier mais que je délaisserai aujourd'hui.


Dans Voltaire, tout est bon, il n'y a rien à jeter, vous disais-je, c'est pourquoi je vous propose d'acquérir de préférence ses œuvres complètes plutôt qu'un texte en lui-même, sauf si un intérêt bibliophilique ou bibliographique lui est associé. Mais comme c'est un auteur sur lequel il faut souvent s'arrêter, au lieu de choisir un ensemble en plein maroquin relié par Simier et aux Armes du Duc d'Aumale sur un papier pur chiffon filigrané, je vous propose d'acheter un ensemble abordable par son prix sur lequel vous n'aurez aucun scrupule à apposer quelques annotations au crayon de papier qui donneront de la valeur à l'ouvrage.

Vous pourrez ainsi commenter de façon brillante et personnelle, le tragédien démodé, le philosophe, le vulgarisateur scientifique, le courtisan, le poète, l'historien ou le mystique agnostique emprunt du plus profond respect pour Dieu.


Vos enfants pourront feuilleter ces ouvrages, plus tard, dans la bibliothèque que vous aurez légué en s'étonnant encore qu'un esprit aussi éclairé ait pu exister sous le costume d'abruti dont vous avait si gentiment affublé leur mère (je blague, bien sûr). Il est évident que si vous avez griffonné le même exemplaire recouvert d'une reliure de Simier, vous êtes alors un abruti !

Pierre.

Voltaire Oeuvres complètes. Furne, Paris 1838 - 13 volumes. Grand in-8°.Reliure cartonnage rouille, dos insolé, traces d'usures mais solide. Titre et ornements dorés sur le dos. Pas de décalage de feuillets. Textes sur deux colonnes ornés de gravures hors et dans le texte. Rousseurs éparses. Vendu

lundi 14 décembre 2009

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Google Earth près de chez vous.


Une fois n'est pas coutume, Pierre est passé me voir hier dans ma propriété. Il avait l'air soucieux. Quand le majordome m'en a informé sur mon portable, j'étais au fond du jardin. J'ai donc pressé le pas et, dix minutes plus tard, j'arrivais dans le vestibule où j'accueillai notre brave libraire avec la chaleur que l'on réserve aux amis.

"Soucieux, non " me dit-il "mais la renommée de ma librairie traîne un peu en longueur et j'aimerais que vous me trouviez, vous qui êtes prodigue de vos bontés, un moyen de me faire connaître du monde entier ! "

Il partit sans prendre le temps de goûter à l'excellent thé que nous avait préparé Désiré. Je ne sais pourquoi je me suis attaché à ce libraire dépourvu de la moindre élégance naturelle et qui doit boire du café, s'il se trouve…

Pierre m'a laissé, ce matin, un ouvrage à promouvoir, dans lequel il a glissé un petit mot " Ces livres peuvent aider un bibliophile à s'y retrouver dans la littérature religieuse mais je ne crois pas qu'il y ait de marché pour ce type de bouquin. Essayez quand même ! Pierre"


Ma première tache consiste donc à présenter la boutique de Pierre sur "Google Earth". Facile. Vous pouvez le faire avec moi.

- Au fond, la carré noir délimité mais illimité avec les petits points blancs et scintillants, c'est la galaxie. Vous y êtes.

- Au milieu, la grosse sphère, c'est le monde ou plutôt notre monde.

- Vous distinguez la terre avec sa drôle de couleur grise et la mer qui est toute bleue ? Choisissez la terre.

- Les traits jaunes délimitent les pays.

- Dans l'hémisphère nord, vous choisissez " la France ". On ne peut pas se tromper, on ne voit qu'elle car tous les autres pays sont autour.

- Vous cliquez deux fois sur la carte de France. Vous ne vous occupez ni d'Andorre ni de Monaco. A ce propos, je me demande pourquoi on ne leur déclarerait pas la guerre à ces deux petits pays, histoire de resserrer le sentiment d'identité nationale à bon compte ?

- Vous cliquez deux fois sur le sud-est de la France.


- Vous cliquez deux fois entre Marseille et Avignon.

- De chaque côté du Rhône, vous avez les deux villes de Tarascon et de Beaucaire. Choissez, bien sûr, " Tarascon " !

- Quand vous descendez du pont, vous prenez à droite et vous rentrez dans Tarascon au premier embranchement à gauche. Il y a un petit rond-point, théoriquement bien fleuri, mais nous sommes en hiver comme vous pouvez le voir (ce n'est pas une vue de l'esprit, vous le voyez sur l'image satellite)

- Vous cliquez sur le seul petit carré bleu de la rue principale et vous êtes chez Pierre.

N'est-ce pas magique ? Il me reste à trouver la méthode pour vous faire passer la porte de la librairie. Mais Google Earth n'est pas à un miracle près. Je n'oublie pas de vous présenter les quatre ouvrages sélectionnés par Pierre. L'ensemble est à 40 € port compris. S'il les vend, ceux là, je veux bien me faire curé !

Votre dévoué. Philippe Gandillet


BARDY (Gustave). Littérature latine chrétienne. Bloud et Gay, Paris 1929 - 231pp ; Paru dans la collection "Bibliothèque catholique des sciences religieuses" N°20

MIGNON (Maurice). Littérature italienne chrétienne. Bloud et Gay, Paris 1935 - 190pp ; Paru dans la collection "Bibliothèque catholique des sciences religieuses" N°68

CHABOT (J.B). Littérature syriaque. Bloud et Gay, Paris 1935 - 231pp ; Paru dans la collection "Bibliothèque catholique des sciences religieuses" N°66 Vendu

KARST (J). Littérature géorgienne chrétienne. Bloud et Gay, Paris 1934 - 231pp ; Paru dans la collection "Bibliothèque catholique des sciences religieuses" N°62

dimanche 13 décembre 2009

Livres de prix au 17eme siècle. Nouvelle présentation.

Un volume in-4 en plein veau, aux grandes armes de Louis XIV, avec un semis de fleurs de lys et de "L", les oeuvres de Sidon ,1652.

Je reproduis ici un article publié par Hugues sur le Blog Du Bibliophile au sujet des livres de prix et en particulier au sujet d'un ouvrage du 17eme siècle qu'il possède et qu'il avait parfaitement présenté à l'époque. Le hasard fait que ne désirant pas, par bravade, décrire un ouvrage de même nature dans le billet précédent j'ai réalisé que mon billet ne tenait pas la route. Je vous demande donc de vous reporter aux commentaires de Hugues dont j'ai mis une photographie du livre en présentation, les trois autres provenant de mon exemplaire (ils se ressemblent !). Je ne crois pas que Hugues vende le sien ;-))

"Même si leurs reliures sont parfois frappées des armes d'un collège, d'une ville ou d'un donateur, les Livres de Prix se distinguent des livres aux armes (stricto sensu) par leur fonction.

En effet, si les livres aux armes ne sont en fait que des livres "classiques" frappés d'une marque de propriété, les livres de prix sont destinés à récompenser les meilleurs élèves d'un établissement de type scolaire (et les armes qu'ils portent identifient alors le plus souvent un généreux donateur ou l'institution).Cette pratique qui n'existe quasiment plus aujourd'hui a pris son essor au 17ème siècle pour disparaître progressivement dans le dernier tiers du 20ème siècle, au moment où la notion de classement est devenue moins centrale dans notre système éducatif.

Au départ, elle était surtout l'apanage des grands lycées jésuites, qui récompensaient ainsi leurs élèves grâce à des livres offerts par les plus hauts personnages de la ville, de la province, voire du royaume. La remise des prix n'était pas régulière et dépendait entièrement de la générosité de ces mécènes, dont le but était double : manifester leur attachement à l'établissement, mais aussi, naturellement, affirmer une certaine position sociale.


A cette époque, la cérémonie n'est pas une pratique généralisée, ni même annuelle, dans ces établissements. Elle fluctue en fonction des libéralités des généreux donateurs. C'est seulement à partir des années 1730-1740 qu'elle se généralise et tend à devenir régulière et organisée. C'est Fénelon (1651 - 1715) qui semble évoquer le premier cette tradition dans L'éducation des filles, paru en 1687, il y écrit son souhait de voir les élèves recevoir "un livre bien relié, doré même sur la tranche, avec de belles images et des caractères bien formés ".

Après le 17ème, et une pratique irrégulière, les cérémonies deviennent plus fréquentes et mieux organisées à partir du milieu du 18ème, jusqu'à ce qu'on atteigne le stade des livres de prix en reliure éditeur, vers 1840, qui fait passer cette tradition à un stade plus "industriel", principalement grâce à la percaline. Apparemment, les livres de prix les plus anciens conservés dans les bibliothèques françaises datent de 1609 (Collège de La Flèche) et 1611 (Châlons). C'est parfois le roi en personne qui récompense ainsi les plus jeunes de ses sujets. On trouve par exemple la trace d'une somme annuelle de 400 livres allouée par le monarque au collège de La Flèche pour l'année 1653.

Naturellement, les volumes ainsi offerts sont reliés aux armes des donateurs (souvent accompagnés de semis de fleurs de lys), et ce jusqu'au 19ème où les armes de la ville ou de l'institution viendront les remplacer. En fait, les livres offerts diffèrent réellement selon ces deux grandes époques (1600 - 1840 d'une part, et après 180 d'autre part).


Au cours de la première période, les volumes offerts sont rares (26 livres distribués à Amiens entre 1626 et 1697) et sont généralement des grands formats (in-folio et in-quarto) dont le contenu est principalement constitué par des textes anciens dans leur langue d'origine, voire des livres contemporains écrits par des jésuites. Plus rarement, les lauréats se voient remettre de véritables éditions anciennes, tel que l'heureux comte de La Marck, qui fût récompensé par une géographie de Strabon (Bâle, 1523), au collège des Grassins à Paris, en 1686.... et que dire du petit Le Brethon, qui reçût un incunable en 1698, à Amiens!
Avec la seconde période et le début d'une généralisation/industrialisation de la pratique, le nombre de prix distribués augmente et nécessairement la qualité et le format des ouvrages vont évoluer, notamment parce des établissements plus modestes (et non "sponsorisés" par les notables) vont adopter cette tradition. Ce sont alors l'in-8 et l'in-12 qui se taillent la part du lion, reliés en basane (puis en percaline, voire en cartonnage), et aux armes de la ville ou de l'établissement. Les contenus évoluent aussi, et ce sont surtout des ouvrages de morale, de religion ou de vulgarisation (histoire et science), d'auteurs plus contemporains.

En fait, au 17ème et 18ème, le contenu des livres offerts est choisi sans trop de considération pour le récipiendaire, mais plutôt en fonction des valeurs de l'institution... Par la suite, on verra apparaître des contenus plus dédiés aux enfants ou aux adolescents (le nouveau robinson, des géographies simplifiées, etc.) L'habitude disparaîtra progressivement... "

Merci Hugues pour cette belle présentation. Pierre

vendredi 11 décembre 2009

Peut-on aimer un livre uniquement pour ses atours ?


Un homme d'affaire allemand présentait, il y a quelques mois, des ouvrages anciens à la vente aux enchères dans des reliures flatteuses et dans un écrin savamment étudié. L'enchère proposée pour tous ces livres donnait le tournis mais on avait quand même l'impression d'être devant un trésor ! Des protestations indignées de bibliophiles se sont alors élevées car cette bibliothèque vendue au poids, au nombre ou à la couleur selon votre vision des choses ne présentait pas les ouvrages accompagnés d'une notice bibliographique digne d'eux. Et puis, l'estimation globale de la bibliothèque privait le particulier d'en acquérir un en particulier. De plus, il s'agissait d'un investissement reconnu à but spéculatif et l'on sait que les français dont on connaît l'éthique et la morale désintéressée n'aiment pas parler d'argent !


Cette nouvelle façon de vendre des livres anciens en choqua plus d'un et nous ne sommes pas près de voir ça en France ! Ou plutôt, vous n'étiez pas près de voir ça en France car c'est moi qui vais commencer aujourd'hui…

Je le ferai à petite échelle, si vous le voulez bien, en ne vendant qu'un seul livre par cette méthode. Par défi, je le fais avec un ouvrage que j'aime particulièrement. Mais le principe est le même pour une bibliothèque complète.


Exceptionnel, voici un magnifique livre du 17eme siècle de 17cm sur 24 cm et pesant plus de 1,3 kg. Il est composé de près de 1200pages sur du papier très bien conservé. Il y a deux tomes et il est écrit en français. La reliure aux armes est en plein cuir avec des motifs dorés sur les deux couvertures et sur le dos. Pour avoir plus de détails vous pouvez regarder les photographies.

Outstanding here is a beautiful book of the 17th century 17cm 24 cm and weighing over 1.3 kg. It is composed of nearly 1200pages on paper very well preserved. There are two volumes and is written in French. The binding arms is in full leather with gilt decorations on both covers and spine. For more details you can view photographs

erausragend ist hier ein schönes Buch aus dem 17. Jahrhundert 17cm 24 cm und einem Gewicht von über 1,3 kg. Es ist fast 1200pages auf dem Papier sehr gut erhalten aus. Es gibt zwei Bände und ist auf Französisch verfasst. Die Bindung Waffen ist in vollem Leder mit goldenen Verzierungen auf beiden Abdeckungen und Wirbelsäule. Für weitere Informationen können Sie sich Fotos.


Ce petit billet est facétieux, vous l'avez bien compris. Il n'est pas dans ma nature de faire ainsi et j'aime passer du temps sur un livre pour en tirer une notice un peu détaillée qui respecte les codes en vigueur dans le petit monde du livre ancien. C'est ma façon de donner sa vraie valeur au livre et de justifier ma marge. Cet ouvrage le mérite. Mais, après tout, on peut acheter un livre pour ses atours ! Souvent l'acheteur en sait plus que le libraire et une belle collection de photographies est, en effet, parlante. Je réfléchis à tout ceci en tapant sur mon clavier... Ce n'est pas une blague, l'ouvrage est (était) vraiment à la vente. J'envoie la notice bibliographique au cas où.