Ce matin, alors que je m'activais à ôter la poussière déposée sur les rayonnages de la librairie de Pierre, le facteur est entré avec un courrier qui m'était destiné. Quel heureux hasard ! Je vous le livre tel quel. Manifestement, ce brûlot a été écrit par une personne sortant d'une longue nuit de méditation et qui pense avoir trouvé en moi la personne la plus apte à répondre aux incertitudes de la Foi, aux dangereux flottements existant sur ses bases et ses principes et au scepticisme qui peut en découler. Plutôt que de répondre point par point aux doutes de JM (si j'avais écrit " Jean-Michel " tout le monde l'aurait reconnu et je ne le veux point), j'ai préféré vous proposer à la vente un ouvrage qui remplacera avantageusement mes commentaires et c'est toujours ça de moins à faire, n'est-ce pas ?
" Cher Monsieur Gandillet,
Faut-il mettre un livre Saint dans les mains d’un agnostique, ou la parole de Dieu supporte-t-elle l’ironie mondaine ? Dieu est un farceur. Pour ceux qui n’auraient pas réussi à puiser suffisamment d’éléments dans leur quotidien pour s’en persuader il existe ce livre, cette farce. Le
Deuteronome est le cinquième livre du Pentateuque. Étymologiquement, c’est le livre de la deuxième loi, car il y est repris, résumé et précisé ce qui a déjà été exprimé dans les quatre précédents livres. Dieu s’était aperçu que ses premiers préceptes n’étaient pas aussi bien suivis qu’il l’eût désiré, et il a ressenti le besoin d’en rajouter une couche. Personnellement, mais cela n’engage que moi, chaque fois que je veux me payer une bonne tranche de sérénité joviale j’en parcours un chapitre.
D’abord, Il ne l’a pas écrit mais simplement dicté. Voilà un point important, car pour Lui cela aurait été beaucoup plus facile de l’écrire en lettres de feu dans le ciel ou en lettres de roc dans le sable, d’autant que ce jour-là, sa gorge lui faisant un peu mal, il peinait à articuler. Mais il voulait que ces mots fussent écrits par les hommes pour les hommes. On ne sait jamais, en cas de réclamation il pourrait toujours se retrancher derrière un « Mais non, je n’ai pas dit ça !... »
Il peut paraître bizarre que dans cette œuvre destinée à instruire universellement et intemporellement il fut ressenti le besoin d’user continûment d’apophtegmes en rapport avec des coutumes précises, fixées dans le temps et dans l’espace, laissant aux exégètes le soin d’en démêler la portée symbolique et permettant par là même toutes les interprétations. On peut trouver de nos jours tout et n’importe quoi dans ces phrases qui signifiaient alors réellement quelque chose : -« Lorsque vous bâtirez une maison neuve, vous ferez un petit mur tout autour du dôme », ou –« Vous mettrez des franges aux quatre coins du manteau que vous portez », ou encore –« Vous n’userez point d’un habillement qui soit tissu de laine & de lin ». Il y a danger à être si précis, danger d’être trop bien compris à une époque… pour l’être si mal à une autre. Ce genre d’incertitude conduisit lors de la découverte du Nouveau Monde à être persuadé qu’aucun homme ne pouvait y habiter puisque aucun apôtre n’avait pu matériellement s’y rendre.
Le rôle de la femme dans la société est la cerise sur le gâteau. On se délecte des contradictions, et on apprécie le chemin qu’elles ont parcouru depuis lors. La femme à l’époque se contaminait sans remède possible simplement en ayant été au contact des fautes des autres ; Elle était lapidée pour une faute qui pour l’homme se réparait en subissant le fouet et une amende de cent sicles d’argent.
Les commentaires parfois étonnent, mais vite rassurent : « On ne peut douter de la sagesse de cette ordonnance puisqu’elle est de Dieu ». Lapider est donc juste si l’homme estime que la femme a failli, « à condition toutefois que les maris aiment leurs femmes comme Jésus-Christ a aimé l’Eglise ». Elle doit aussi savoir se débattre : « Si après qu’un homme a été fiancé avec une fille vierge, un homme la trouve dans la ville & la corrompt, vous les ferez sortir tous deux à la porte de la ville, & ils seront tous deux lapidés ; la fille, parce qu’étant dans la ville, elle n’a pas crié ; & l’homme, parce qu’il a humilié la femme de son prochain ; & vous ôterez le mal du milieu de vous ». Non mais sans blague !
Ce livre m’a aussi appris qu’on abusait de l’esperluette au dix-septième siècle, jusqu’à écrire « &c. » Edité à Mons, chez Gaspard Miheot, à l’enseigne des trois Vertus en 1685, qui fut une année riche en évènements puisque, mise à part la révocation de l’Edit de Nantes, elle vit l’exclusion d’Antoine Furetière de l’Académie Française au prétexte de concurrence déloyale et la publication du Code Noir ou Ordonnance coloniale dans lequel l’esclave est officiellement considéré « bien meuble ». Quelque peu rousselé et rogné ainsi que marqué de taches d’humidité il n’en reste pas moins excellemment lisible, et j’y tiens en outre par ce qu’il appartient à la série de ce que mon père appelait « les livres du grand-père », sans que je me souvienne de quel grand-père il voulait précisément parler… " Merci. JM.
Avoir Foi en Dieu ou ne pas l'avoir. Avoir foi aux écrits bibliques ou ne pas l'avoir. Peut-être les deux choses ne sont-elles pas antinomiques ? Philippe Gandillet
Maitre de SACY (LE). (Sieur de Royaumont, Prieur de Sombreval) L’histoire du vieux et du nouveau testament, représentée avec des figures et des explications édifiantes, tirées des Saints Pères, pour régler les moeurs dans toutes sortes de conditions. A Paris, chez Etienne Michel David, 1724. In/4, reliure plein veau marbré, dos à 5 nerfs à caissons dorés et pièce de titre noire indiquée " figures de la bible", 11 ff. avertissement, table et approbation, 552 p., Bandeaux, lettrines historiées et culs de lampes, larges planches in-texte sur chaque page. Mors supérieur restauré, petites usures aux coins. Quelques restaurations (anciennes) de page dans le premier tiers de l'ouvrage. L'ensemble est en bon état sans mouillures. Quelques annotations.
Vendu