mardi 25 janvier 2011

Sabatier de Castres. Quand son dictionnaire de littérature compare le langage de Corneille et celui de Molière…

L'affaire Corneille-Molière

Hugues dans son dernier billet sur le blog du bibliophile nous reparle, ici, de la polémique qui court, depuis quelques années déjà, sur la paternité des œuvres de Molière

Pourquoi cette polémique ? Je ne sais, mais certains affirment que Pierre Corneille (1606–1684), le mal aimé de l'histoire et l'amoureux pathétique aurait été le "nègre" de Molière (1622-1673), le bien aimé de l'histoire et le séducteur scandaleux. L'idée est séduisante. Des études mathématiques (il s'agit de probabilité et non de certitude, il faut le rappeler) faites par des chercheurs russes tendraient à prouver qu'au moins 13 pièces de Molière seraient de Corneille ! Pas très catholique, tout ça…


Il se peut qu'ils aient le même style, la même syntaxe mais cela ne signifie pas pour autant que l'un ait écrit les œuvres de l'autre. Comment leurs fréquentes rencontres auraient-elles pu être ignorées dans un microcosme versaillais où tout se savait ? Le mieux est encore de voir ce que des critiques de l'époque ont écrit sur leur style et de voir si, à cette époque, l'idée avait germé dans l'esprit perspicace de certains auteurs, que l'un et l'autre étaient le même…. J'ai donc feuilleté le dictionnaire de littérature de Sabatier de Castres pour trouver quelques indices.


Antoine Sabatier, dit Sabatier de Castres était un écrivain français (1742–1817) renommé à la cour. Séminariste défroqué, il se rendit à Paris, où il fut protégé par Helvétius. Il publia des poésies et des contes licencieux (les Quarts d'heure d'un joyeux solitaire, 1766), un roman (Betsi ou les Bizarreries du destin, 1769), puis se rangea aux côtés des antiphilosophes. Ses ouvrages les plus connus sont le Dictionnaire de littérature que je propose aujourd'hui à la vente en édition originale (1770) et les Trois Siècles de la littérature française (1772) où il y attaque Voltaire et les Encyclopédistes, mais ménage Rousseau…


Les deux auteurs sont fréquemment mentionnés dans les 3 tomes. Voyons de la page 358 à la page 367 comment la critique de leurs langages respectifs peut révéler des fautes communes… La critique du Misanthrope et celle de la tragédie de Pompée sont présentées l'une après l'autre. Je ne donne que quelques exemples sur les nombreux présentés.

Molière

Et quand on a quelqu'un qu'on hait et qui déplait
On ne dit pas : "J'ai quelqu'un que je hais", l'expression est vicieuse. On dit : "J'ai une chose à faire" et non pas "J'ai une chose que je fais".

Mais si son amitié pour moi se fait paraître.
Une amitié parait et ne se fait pas paraître. On fait paraître ses sentiments et les sentiments se font connaître.

On vous voit en tout lieux vous déchaîner sur moi.
On se déchaîne contre quelqu'un et non sur quelqu'un.

Corneille

Sur le titre affreux, dont le droit de l'épée,
Justifiant césar, a condamné Pompée.
On ne peut pas dire "le titre dont on a condamné" ; mais le titre sur lequel, par lequel ou le titre qui a condamné.

Tout beau nous vous devons le tout.
Sont des termes bas et comiques bien que ce ne soit pas des fautes grammaticales…

A mes vœux innocents font autant d'ennemis.
Il fallait dire "de mes vœux". On n'est pas ennemis à quelqu'un mais de quelqu'un.

Sabatier de Castres nous explique que l'exposition de ces fautes n'est pas celle d'un critique malin qui cherche à rabaisser Molière ou Corneille mais nous montre qu'ils sont petits par quelques endroits sans perdre de vue l'extrême distance qui se trouve entre eux et lui… Il n'a pas noté, dans ses exemples, certains côtés similaires à leurs fautes. D'autres le feront pour lui ? Pierre


SABATIER DE CASTRES (Antoine). Dictionnaire de littérature, dans lequel on traite de tout ce qui a rapport à l'éloquence, à la poësie & aux belles-lettres, & dans lequel on enseigne la marche & les règles qu'on doit observer dans tous les ouvrages d'esprit. Par M. l'abbé Sabatier de Castres. A Paris, chez Vincent, 1770. Reliure plein veau, dos à 5 nerfs, pièce de titre et de tomaison en maroquin cerise, lettres dorées, toutes tranches marbrées (je ne sais si c'est bien le terme adéquat !). 3 vol. [1f], XXV-[3]-669 pp, [1f], [2]-732 pp, [2]-568-184 pp, 1 frontispice en pleine page sur le tome I. Nombreux signes d'usures sur la reliure qui a été restaurée de façon amateur. L'intérieur est parfait. Édition originale rare à la vente. 95 € + port

19 commentaires:

Anonyme a dit…

Cette analyse par l'Université de saint Pérersbourg confirme celle établie selon une autre approche par l'universitaire Claude Labbé en 2003 et qui parvient aux mêmes résultats. Ce commentaire de "pas très catholique tout ça" en parlant des chercheurs russes dont vous ne connaissez rien n'est pas très catholique lui non plus.Par ailleurs le superbe ouvrage que vous exposez à nos yeux émerveillés ne prouve rien à lui tout seul.

Le site www.corneille-moliere.org

Pierre a dit…

Il fallait voir dans l'expression "pas très catholique tout ça" une petite facétie qui rappelait que la communauté russe est majoritairement orthodoxe, c'est tout... Propos dilettante comme le reste du billet, vous vous en doutez ;-))

Je ne cherche pas, contrairement à vous, à prouver quelque chose et j'ai simplement relaté une analyse faite sur le langage au 18eme siècle.

Je comprends, malgré tout, que vous soyez très attentifs à tout ce qui s'écrit en ce moment mais je n'ai aucune compétence pour donner un avis éclairé. J'attendais le votre. Merci d'avoir accordé un peu d'audience à ce blogue. Pierre

Anonyme a dit…

Il faut imputer la faute de cette longue querelle à Pierre Louys, qui lance cette affirmation dans la revue Comedia en Novembre 1919. P. Louys avait déjà fait croire que Bilitis était grecque, Suit Henri POulaille en 1957, puis bien d'autre encore, comme si le texte ne se suffisait pas à lui même.
Bravo Pierre pour la qualité de votre dilétantisme.
Je propose qu'on se renseigne si c'est bien théophraste qui fut l'inspirateur des caractéres de la Bruyére...
Bien à vous
Sandrine

pascalmarty a dit…

Anglois de se prendre le chou depuis des lustres pour sçauoir si le Théâtre de Shakespeare n'auroit point été écrit non par luy mais par un inconnu qui se nommoit justement Shakespeare.

Pourquoi n'en ferions-nous pas autant avec Molière ? Et puis que ce soit pour de bonnes (Émile Ajar, Vernon Sullivan…) ou moins bonnes raisons (Paul-Loup Sulitzer), c'est pas toujours ceux qu'on croit qui font.

Anonyme a dit…

Proverbe shadok:Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes.
%-))

Bien à vous
Sandrine

Pierre a dit…

Pierre Dac n'aurait pas désavoué ce proverbe shadock, Sandrine... Personnellement je suis de ceux qui aimeraient que Corneille ait été le nègre de Molière. Je trouve l'idée belle qu'il fut un pince sans rire. Pierre

Anonyme a dit…

Va, je ne te hais point...
C'est vrai que ça en jette.
mais je dois aller faire la cuisine...
Ou Chiméne va se faire cuire un oeuf...

Corneille s'était déjà inspiré d'un autre auteur, je crois espagnol.
bien à vous
Sandrine.

Anonyme a dit…

Je ne sais pas pourquoi votre expression, Pierre, me fait penser à Racine.
C'est certain que le rire et l'humour sont le reflet d'une qualité et d'une tournure d'esprit qui eut surement plu à ces princes de la scène.
;-)
Bien à vous.
Sandrine

Pierre a dit…

Les anglais ont, en effet, le même problème avec Shakespeare et ses admirateurs iconoclastes...

Deux questions me turlupinent.

1) Y a t-il eu des études, comme se le demandait Gonzalo sur le BDB, tendant à prouver le contraire ?

2) Ne peut-on pas penser que Corneille ait écrit en collaboration avec Molière de la même façon que Thomas Corneille, son frère, le faisait et à cet égard, certaines pièces de Corneille n'auraient-elle pas été écrites en collaboration avec Molière ?

Vous n'êtes pas obligé de me trouver une réponse pertinente ;-)) Pierre

Textor a dit…

Je dois dire que l'intérêt de ce débat sur la paternité des oeuvres m'échappe un peu.

Savoir que Louis XIV a écrit le Cid parce que Corneille était trop occupé à écrire le Misanthrope, sur une idée de Molière qui lui même l'aurait bien écrit s'il n'avait pas été occupé à répéter le Bourgeois Gentilhomme pour jouer devant le Roi... n'ajoute rien au plaisir de relire ces chefs d'oeuvre, quelqu'en soit l'auteur.

Anonyme a dit…

Psyché.
Corneille et Molière collaborent à l'écriture. et font se gondoler Louis XIV. 1650 et des bananes... Molière va à Rouen et discute fort avec Corneille son entrée dans Paris.
Nicoméde de Corneille que joue Molière, et le roi n'aime pas... alors que, Le docteur amoureux de et par lui même... il aime tout de suite, le roi... ce qui déclanche de la jalousie... Comme d'habitude, ya encore des jaloux...
il y a aussi Titus et Berenice qui donne le coup de grace à Corneille... pauvre Coneille entre Molière et Racine, on comprend que certains aient voulu lui rendre une gloire perdue.
Je ne sais que penser, si ce n'est que nous n'aurons probablement jamais la reponse, à moins que quelqu'un trouve les manuscrits de Molière.
Voilà, Pierre ce que je me rappelle d'un livre lu, assez génial, de JJ Julaud: le littérature pour les nuls... Moi, perso, ça me va bien, du moment que je peux m'amuser;
bonne nuit.
bien à vous.

et les Shadock pompaient...
Sandrine.

Anonyme a dit…

Bonjour Pierre, pardonnez moi mais je ne sais pas ce que c'est que Le BDB?
Quandt à savoir sil y a eu des théses sur ces sujets, il faudrait interroger les moteurs de recherche qui recensent les théses... Je suis ^sûre qu'il y a bien une personne qui a planché sur le théatre...
En tout cas, merci pour ce billet sur un livre qu'on ne connait pas et qu'il serait bon de lire en ces temps de googlelisation.
Rien que pour le plaisir, lire ;-)
Bonne journée
Bien à vous
Sandrine;

Pierre a dit…

BDB : Blog du bibliophile (en cliquant sur le "ici" du début de massage on tombe dessus).
LAAT : Librairie ancienne et autres trésors
BM : Bibliomane moderne

Le mien seul est un acronyme ;-)) Pierre

Anonyme a dit…

<merci Pierre pour ces clefs , on ne peut plus, utile à mon éducation de fille.
Bien à vous
Sandrine.

Anonyme a dit…

Pierre relisez votre commentaire précédent... lapsus claevieri...;-))
bien à vous
Sandrine

Anonyme a dit…

LAAT ?

http://starwars.wikia.com/wiki/Low_Altitude_Assault_Transport


Montag

Anonyme a dit…

Low Altitude Assault Transport
Du lourd...
Cosmic girl ;-)) chez Corneille.


Sandrine

Pierre a dit…

Lapsus suspect, c'est sûr ! Pierre

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup, c'est un signe de fatigue.
je vous dis donc bonsoir et au plaisir de squatter un peu votre espace dédié à la danse et au théatre.
Bien à vous;
Sandrine.