lundi 31 janvier 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet. L'affaire Racine…

Ce que j'ai à raconter dépasse tellement les bornes de la vraisemblance et s'écarte si prodigieusement de tout ce qui se fait, se voit ou se conçoit, que je vais être contraint, avant d'aller plus loin, de fournir des preuves de ma véracité.

J'ai à dire et à prouver que Jean Racine, l'auteur d'Andromaque, de Britannicus, de Bajazet ou de Mithridate, etc…Le grand Racine a passé une bonne moitié de sa vie habillé en femme !


Et notez bien que les robes qu'il mettait étaient taillées sur des patrons si bizarres pour l'époque ; tailleurs moulants, jupes à mi-cuisse ; et faites de satin aux couleurs si éclatantes que jamais mascarades ne virent plus étranges déguisements.

J'arrive aux pièces justificatives que j'ai découvert ce matin, par hasard, sur les rayonnages de la boutique de notre libraire tarasconnais.


En 1669, Donneau de Visé publie dans Le Mercure galant une série de lettres adressées par Racine à une couturière de Versailles, Chantal Thomas, au sujet de commandes de robes à son usage personnel. Jamais, de mémoire de publiciste, la divulgation d'une telle correspondance ne provoqua plus de scandale chez les membres du comité de censure qui s'emparèrent de l'affaire avant qu'elle ne fût ébruitée. L'article reproduisait en outre les factures de la maison de modes avec des détails spéciaux et l'auteur mettait au défi notre dramaturge et ses amis d'infirmer, en quoi que ce soit, la moindre de ses assertions...

Tous les exemplaires, ou presque furent détruits, le numéro du Mercure galant fut réimprimé dans une version expurgée et plus personne ne s'avisa de cette affaire. C'était compter sans votre chroniqueur du lundi qui a en main l'édition originale !


J'ai sous les yeux des lettres adressées par Racine à sa couturière. J'y remarque ces passages caractéristiques :

Ma robe de satin avec sa traîne en paille,
Avait trop d'ampleur et d'aisance à la taille.
Je l'aurais voulue plus juste de proportions.
Prenez donc bonne note de cette observation.

Et ailleurs

La robe de velours que j'viens de recevoir,
Me plairait assez dans sa garniture en noir.
Sans la forme trop moderne du bord du corsage,
Elle serait parfaite pour un homme de mon age.

Ou ces lignes charmantes

Le ton rouge safran tire trop sur le cuir,
Revenons aux nuances, dussions-nous en sortir ?
Les soufflets de la jupe sont d'un style charmant,
Donnez à ma poitrine ce même côté bouffant…


Le Roi, magnanime, apprenant ce penchant fort contestable chez un auteur classique demanda à Racine plus de discrétion. Il l'invita, pour couper court à toute rumeur, à mener dorénavant une vie frivole et à avoir de nombreuses maîtresses notamment parmi ses actrices. L'affaire aurait pu en rester là. Je ne suis pas Pierre Louÿs mais il faut quelque fois que la vérité éclate au grand jour !


Ce XVIIeme n'en finit pas de nous fournir des révélations scandaleuses et c'est avec la même certitude que je prête foi aux rumeurs sur la paternité des œuvres de Molière. Il faut renoncer à feindre l'ébahissement après la publication de cette correspondance. En vain, quelques uns vont insister sur la nature exceptionnelle de l'âme géniale de ces auteurs, en vain on fera intervenir l'autorité de quelques uns de mes collègues qui accordent un crédit et une protection aux anciens membres de l'Académie, la généralité des lecteurs de ce blogue, aux vertus hautement morales, estimera que ces libéralités-là, ces atteintes aux bonnes mœurs, bonnes dans la fiction, sont souverainement ridicules dans la réalité et nuisent à l'image de la littérature française. Votre dévoué. Philippe Gandillet.

Post Scriptum : Je vous propose à la vente une très belle biographie de Racine car Pierre serait désolé de constater mon faible entrain à assurer sa subsistance. L'ouvrage est parfait et très bien illustré. Les personnes perspicaces auront remarqué que tous les costumes de femmes sont portés par Racine lui-même sur les gravures, et oui…


RACINE Jean. Oeuvres. Précédées des Mémoires sur sa vie par Louis Racine. Nouvelle édition ornée du portrait en pied colorié des principaux personnages de chaque pièce. Dessins de MM. Geffroy, sociétaire de la Comédie française, et H. Allouard. Paris, Laplace, Sanchez, 1873. Petit in-4 ; (2) ff.-636 pp., 20 planches h. t. en couleurs dont le frontispice, texte sur deux colonnes. Demi chagrin havane à coins, dos à nerfs très richement orné. Tranche supérieure dorée, papier coloré peignée page de garde. Edition très complète donnant toutes les oeuvres, y compris celles en prose et la correspondance (sauf celle mentionnée dans l'article, bien sûr). Bel exemplaire avec une très belle reliure. Menus défauts de reliure. 65 € + port

10 commentaires:

Anonyme a dit…

M'enfin, si c'était son bon plaisir de se travestir à ce bon Racine...
Il faut dire que c'était pas la rigolade tous les jours, avec ses peines de coeur...
Trés jolis fleurons sur le dos.
Bien à vous
Sandrine

Anonyme a dit…

Encore un coup des russes ?

Montag

Pierre a dit…

@ Montag : Encore un coup de russes mais quel métier, Professeur !

Pierre

Textor a dit…

J'ai lu les lettres de Jean Racine publiées par son fils, il ne parle pas de ses tenues. Ne s'agirait-il pas plutot de costumes de théatre destinées à ses actrices ?
Ceci dit l'époque portait les hommes à se travestir: perruques, dentelles, rubans, froufrous. Louis XIV lui-même ne portait pas la tenue de Jean Gabin dans la Bête humaine ! ...

Pierre a dit…

Et voilà comment débute une rumeur ! N'accordez aucun crédit à la chronique de Ph Gandillet qui se prend parfois pour Pierre Louÿs sans en avoir le talent.

Et il veut nous faire croire que Racine écrivait ses lettres en alexandrins ;-)) Pierre

Jeanmichel a dit…

Toutes ces coquecigrues n'ont qu'un but, détourner notre attention du centième membre du blog apparu il y a un ou deux jours jusqu'à l'inscription du cent-unième, et des questions qu'on y rattacherait : Qui est-il, qui est-elle, que va-t-il lui advenir ?

Anonyme a dit…

Bonjour,
C'est une bonne question c'est qui le cent-unième?
Sandrine

Anonyme a dit…

Celui qui verra passer les coquecigrues avant de les avaler toutes crues.
Sandrine

Pierre a dit…

Jean-Michel, il me semble, en effet, avoir promis une photo dédicacée au 100eme membre ;-))

Contrairement aux liens sociaux à la mode (Facebook, pour ne pas le citer), devenir membre du blogue LAAT n'est pas une mince affaire. Il faut créer un compte google avec une adresse gmail puis s'inscrire comme membre LAAT et ensuite remplir son compte blogger pour voir apparaitre son logo ou une petite image qui vous représente.

Un ado doit pouvoir faire ça en moins de 5 minutes mais pour les lecteurs d'un blog bibliophile, souvent internet-résistants, le mérite est d'autant plus grand. Encore une fois, je remercie tous ceux que ma prose amuse, qui trouvent quelque intérêt dans mes articles de vulgarisation et qui me font parfois confiance dans leurs achats. Pierre

Anonyme a dit…

Bonsoir Pierre, il me semble que vous me devez une photo dans ce cas, parce que je suis la 100 ème membre de votre club. Je peux, si vous le voulez bien encore redire combien, il est plaisant de venir discuter sur cet espace, sans pour autant perdre de vue le travail de redaction,de culture et de recherche que vous faites pour presenter à la vente vos livres.
Comme sur d'autres blogs, ou même, si le ton est plaisant, humoristique, je ne perds jamais de vue le respect, ni le cadre dû à toute personne désireuse de communiquer autour des livres, que je ne desespére pas de pouvoir acheter un jour. Mais une chose à la fois et je sui sdèjà cliente chez d'autres. Le but étant de me faire plaisir sans me conduire à la ruine...
Femme certes, dépensière à bon escient.
Bien à vous
Sandrine.