lundi 19 septembre 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Lendemain de fête avec le Baron Brisse…


Souvent des étudiants, des lecteurs ou des curieux de notre monde m'ont demandé de leur indiquer un livre traitant de questions de zoologie, d'hérédité, de philosophie, de politique ou de toute autre domaine qui ait mon agrément et auquel j'accorde du crédit. Un livre si important, en somme, qu'il pourrait servir de soubassement à leur existence, de havre de paix dans la tourmente des vents contraires, de port d'attache dans les moments de doute et d'abris bienveillant face aux vicissitudes de la vie…

C'est pour répondre à ces desiterata que je vous offre, aujourd'hui, le résultat de mes recherches dans cette causerie lundimadaire. J'entends déjà murmurer quelques esprits critiques : On sent que cet homme est fatigué. La brillante causerie qu'il nous propose habituellement va en pâtir et cette dernière risque de ternir à jamais une réputation faite de succès d'estime. Quoi ? Un seul ouvrage pourrait, à lui seul, remplir les fonctions de tous les autres ? Tant d'écrivains auraient écrit pour rien en ignorant que l'essentiel était déjà dit ?


Encore que la littérature française soit assez pauvre en ouvrages incontournables – je mets à part mes ouvrages car il m'est difficile d'être juge et partie – elle en referme cependant quelques-uns d'excellents mais où l'examen critique du contenu montre qu'une place trop prépondérante de l'ouvrage est tournée vers les remerciements à l'éditeur, à l'accorte secrétaire ou à la famille aimante. J'ai cherché, au contraire, à réduire au minimum les discussions purement verbales, dont la plupart des auteurs abusent, en me concentrant sur des ouvrages qui groupaient des faits positifs, en résumant des expériences importantes et des observations classiques de façon à ce que les conclusions pertinentes qui s'en dégagent illuminent d'une façon naturelle notre pensée.

Ce livre existe. Il est divisé en plusieurs parties qui regroupent des faits concrets et des évidences. Nul doute qu'un tel ouvrage laisse le choix et le libre arbitre au lecteur. Chacun des chapitres est accompagné d'un index qui pour certains paraîtra trop bref : C'est que, accablé de partis pris et dans l'impossibilité d'être complet, l'auteur s'en est plutôt tenu à l'expérimentation.


Il s'agit d'un petit recueil de recettes culinaires, qui l'eut cru ? Remarquablement conservé dans sa percaline grise, de format adapté à votre poche, il sera l'ami qui vous soutiendra dans les moments de solitude. Illustré de schémas nombreux et commentés, il ravira votre œil et sera le fanal qui vous guidera vers le chemin de la clairvoyance. Laissez-moi vous présenter les excellentes préparations que Le Baron Brisse – La monarchie a du bon, je vous le dis - nous suggère à partir du hareng. Nul doute que vous en serez estomaqué !


Hareng frais à la maître-d'hotel. Après les avoir préparé, on les cisèle de chaque côté et on les fait griller. Ils se mangent chaud, avec une sauce à la maître-d'hôtel arrosée de jus de citron, ou froids, à l'huile et au vinaigre.

Harengs frais à la sauce blanche, à la moutarde. Faites cuire comme les précédents, saupoudrez de sel et servez avec une sauce blanche à part. Ajouter de la moutarde à la sauce blanche, vous aurez des harengs frais à la moutarde (lumineux, non ?).

Harengs frais frits. Supprimez la tête, roulez dans la farine, faites frire, saupoudrez de sel et servez avec du persil frit. Les harengs frais se préparent aussi à la tartare (vous les mangez au cul du chalutier), au beurre noir, à la sauce tomate, etc…


Harengs saurs. Après les avoir fait dessaler vingt quatre heures à l'eau froide, coupez la tête et la queue, essuyez, fendez en deux et faites griller quelques minutes. On les sert sur une purée de légumes, ou à l'huile et au vinaigre, avec ou sans salade. Quand ils sont dessalés, on peut encore les faire mariner dans l'huile avec un hachis fin de champignons, ail , ciboule et persil, les paner de mie de pain, les mettre sur le grill et servir avec une sauce à l'huile.

Harengs frais ou salés en hors d'œuvre. Vous les mettez à dessaler dans de l'eau ou du lait pendant 8 à 10 heures. Ensuite après les avoir égouttés, vous les coupez en tronçons et les dressez sur une coquille à hors d'œuvre, avec des tranches d'oignons cuits sous la cendre et de pommes de reinette crues, et servez avec une vinaigrette et du cresson alénois.

Accompagnez les harengs d'un vin un peu rude que vous boirez avec modération. A conseiller lorsqu'on veut dîner léger avant d'aller à l'opéra… Au fait, je n'ai pas croisé Pierre à la boutique ce matin ! On m'a dit qu'il n'était pas dans son assiette.

Votre dévoué. Philippe Gandillet


BRISSE (Baron). Petite Cuisine des Familles. Bibliothèque pour tous. Paris Librairie Marpon et Flammarion, sd (1905). Format in-12. Pleine percaline grise illustrée. Illustrations dans le texte, plans de table, etc…Rousseurs légères mais généralisées. Index avec annotations manuelles de page. Ex libris d'époque. Lettre M sur le premier plat. Vendu

5 commentaires:

Nadia a dit…

Pierre est forcément patraque : deux journées entières à surveiller ses précieuses vitrines, au milieu d'une agitation toute provençale, des badauds par douzaines et sans quasiment pas manger, voilà qui le change de ses habituelles journées ! la quiétude de sa chère boutique a dû lui manquer. C'est sans doute le revers de la médaille. A-t-il bien fait d'organiser cette monstrueuse foire ?


(je me sens très Gandillesque en écrivant ça. Je me trouve un rien chiffon et rabat-joie).

Anonyme a dit…

Vous posez la bonne question, Nadia. A quoi bon ?
Une simple remarque : Être Gandillesque, ce n'est pas être un rien chiffon et rabat-joie, n'est-ce pas ? Ph Gandillet

Pierre a dit…

Et voilà, on s'inquiète ! De nombreuses lectrices (j'exagère un peu) se sont imaginées en constatant le caractère désabusé des propos de Philippe Gandillet que je puisse être, moi aussi, autrement que simplement épuisé...

Je crois que le "A quoi bon" de notre chroniqueur ne reflète que l'inadéquation entre l'énergie dépensée pour mettre en place cette manifestation et le succès d'estime qu'elle a remporté. Si certains libraires n'ont pas autant vendu que je le souhaiterai, d'autres s'en sont très honorablement sortis ce qui est bien en ce moment. Cela ne remet pas en cause la pérennité de ce salon mais il me faut trouver des solutions plus innovantes pour attirer le chaland et assurer un retour sur investissement à tous les professionnels (je rappelle néanmoins que la participation des professionnels est symbolique).

Mince... Je viens de faire tomber mon comprimé de Tranxene ! Pierre

Anonyme a dit…

Il faut que l'homme en Tranxène pour que l'artiste entre en scène.
Je ne connais pas les délices goûteuses du hareng au cul du chalutier, mais je retiens l'idée. :-)
Le Philosophe n'a-t-il d'ailleurs pas affirmé dans un langage cabalistique (c'est-à-dire pour que chacun trouve ce qu'il vient y chercher) "When the seagulls follow the trawler, it's because they think sardines will be thrown into the sea" ?

Jean-Michel

Textor a dit…

Ce hareng frais frit me ramène au temps où le maitre de diction nous faisait répéter à toute allure des : Dis-moi gros gras grand grain d'orge, quand te dé-gros-gras-grand-grain-d'orgeriseras-tu?
Je me dé-gros-gras-grand-grain-d'orgeriserai quand tous les gros gras grands grains d'orge se seront dé-gros-gras-grand-grain-d'orgerisés.

(vous avez tout le week end pour vous entrainer !)
Textor