lundi 26 septembre 2011
Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Le bonheur... ou pas.
Au cours de mes nombreuses réincarnations (vous ai-je dit que j'en avais des souvenir précis ?), il m'est arrivé de me retrouver dans tous les corps possibles. Je passe sous silence l'épisode de l'étalon souffleur à la fin du XIXe siècle qui ne m'a laissé au cœur que des sanglots désespérés et un mal persistant à l'aine pendant plusieurs générations…
Je garde, par contre, un très bon souvenir de Monsieur Philippe – je faisais alors relier mes ouvrages en maroquin aux chiffres MP entrelacés – et quand le hasard me plaça, ce matin en entrant dans la librairie de Pierre, devant un des exemplaires de mon ancienne bibliothèque, je dois avouer que des larmes me sont montées aux yeux … L'ouvrage que je possédais étant un excellent recueil de conseils pour atteindre le bonheur, j'en ai encore le souvenir. Je vous cite la préface de mémoire :
Le bonheur est étroitement adossé à l'infortune. Continuellement occupé de son bien être et de tout ce qui peut y conduire, l'homme court sans cesse, à tous les instants de sa brève vie, vers celui-ci. Notre époque, qui n'est pas avare en moyens pour y parvenir, exacerbe ses désirs en lui permettant d'acquérir, d'un clic, un objet convoité et quand celui-ci lui échappe au moment où il croit le saisir, il en conçoit une légitime amertume…
Il est pourtant un état tranquille, une paix bienfaisante qu'il peut se procurer pour arriver sans trouble et sans inquiétude au terme de son heureuse destinée : Qu'il mette un frein à ses passions, et à ce moment seulement son bonheur commencera ! Il est, malgré les déceptions, malgré les vicissitudes attachées au commerce de ses semblables, une espèce de plénitude dont on peut aisément se procurer la jouissance ; il est, malgré les assauts continuels que nous livrent nos passions, un état paisible, un avant-goût du véritable et solide bonheur sur lequel on peut légitimement compter ! Il ne s'agit que de connaître le chemin qui y conduit.
Ecoutez donc, philosophes atrabilaires, qui regardez la vie comme un pesant fardeau ; écoutez, esprits insatisfaits qui cherchez le bonheur où il n'est point ; écoutez esprits superbes qui ne pensez qu'à votre réussite ; écoutez malheureux accablés sous le poids de vos idéaux ; écoutez tous et apprenez à être heureux !
Jetez un regard autour de vous et considérez vos semblables ; parcourez des yeux le tableau de la vie humaine ; suivez l'homme depuis son entrée dans le monde jusqu'au moment où il disparaît de la scène et vous serez convaincus de cette importante vérité : Le bonheur d'une vie est fait de détachement et de contemplation !
Si la naissance ne nous a encore rien appris du besoin, c'est, parvenu à un âge plus avancé que l'homme voit ses envies se faire nombreuses. Elles croissent avec lui. Son existence devient alors une consommation quotidienne qui lui impose de travailler. Il lui faudra attendre un age avancé, fait de reconnaissance envers ses semblables, pour qu'il leurs rende enfin tous les services dont il est capable.
C'est dans ces actes accordés avec humanité, dans le zèle qu'il montrera envers les autres, qu'existe le véritable bonheur! Félicité sans nuages, sans remords ni amertume et bien différente des petits bonheurs fugaces auxquels la plupart des gens aspirent. Apprenez donc à être heureux, autant qu'il vous est donné de l'être, malgré les petites contrariétés et malgré les passions qui vous assiègent !
L'éducation, la crainte des reproches, les remords d'une conscience délicate sont, j'en suis certain, de fortes digues à opposer à ces passions. Elles empêchent les âmes bien nées de se livrer à leur impétuosité. Mais tout ceci est-il suffisant pour nous porter à la pratique de ces vertus ? Il en est quelques unes qui paraissent surpasser les forces de la nature humaine, me direz-vous. C'est possible… Puisse cette brève causerie vous montrer la direction qu'il vous faudra prendre pour accéder à cette tranquillité, à ce détachement si désirable qui sera la récompense de vos sacrifices et vous amènera inéluctablement au bonheur.
Pour lire la suite de cette préface (à moins qu'elle ne soit de MP) et découvrir la méthode infaillible pour atteindre le bonheur, il vous suffira de cliquer sur le bouton "Achat immédiat". C'est encore Pierre, notre libraire qui va être heureux. De mon côté, le bonheur et moi sommes en froid depuis des lustres. Peut-être à cause de cette vilaine douleur à l'aine…Votre dévoué. Philippe Gandillet
SIGAUD de LA FOND (Joseph-Aignan). L' Ecole du Bonheur. A Paris, Rue et Hôtel Serpente, 1782. Format in-12. Reliure plein maroquin cerise, Chiffres MP entrelacés au centre des deux plats sur une pièce de maroquin vert, celle-ci bordée par une couronne de petits fers champêtres dorés surmontés d'un couple de colombes. Triple filets sur les plats, dos lisse orné de fleurons, petits fers et filets dorés, pièce de titre noire et lettres dorées, toutes tranches dorées, filets sur les coupes. Jolie dentelle encadrant un papier coloré bleu sur les contre plats. [2ff], XIII, [2ff], 394pp, [2ff]. Reliure légèrement frottée, les coins un peu émoussés. Sigaud se fait ici éducateur et rédige un ouvrage de philosophie morale qu' il oppose à ce qu'il nomme le monstrueux égoïsme du temps. Sigaud de La Fond (1730-1810) fut démonstrateur de physique au Lycée Louis-Le-Grand, élève de Nollet, il lui succède au Collège de Navarre en 1760. Il spécialisa ses recherches dans le domaine de l'électricité et de la physique expérimentale (cf. notamment sa Description et usage d'un cabinet de physique expérimentale). Revenu dans sa ville natale en 1782, il y transfère son cabinet de physique. Il donne en 1782 la première édition de l' Ecole du bonheur que nous proposons aujourd'hui. Une noirceur au premier plat. Bon exemplaire. Vendu
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10 commentaires:
Ouvrage attribué à tort à Jean-René Sigaud de.... Pierre
Bernard possède une très belle collection d'ouvrages de l'auteur mais sur un sujet totalement inintéressant ;-)) Pierre
Philippe Gandillet est l'éloquence même ! aussi, pour ne pas compromettre bêtement mon bonheur actuel, comme des imprudents bibliophiles avides l'ont fait dernièrement sur une (trop) magnifique reliure mosaïquée, et pour ne pas risquer de connaître un désappointement semblable au leur, à la nouvelle si probable que cet ouvrage est également déjà réservé, je vais m'empresser de ne pas acheter cet ouvrage, le mettant ainsi en pratique par avance, ce qui rend cet achat encore moins nécessaire.
(belle phrase n'est-ce pas ? non ? tant pis.)
Cher calamar,
Je vous ai montré le chemin du bonheur mais en aucune façon, je ne vous ai enjoint de le suivre dans l'heure ;-))
Le bonheur des uns faisant le malheur des autres nous demanderons, néanmoins, à Pierre de faire contre mauvaise fortune, bon cœur... Ph Gandillet
"Pour dominer la nature apprends d'abord à lui obéir." (le nom de la rose)
J'aurais dis ""Pour dominer la nature apprends d'abord à lui céder."
B.
Une bonne occasion pour Hugues de se rattraper... (sourire)
Léo
C'est dit, pour ma prochaine réincarnation je choisirai le corps 10. :-)
Jean-Michel
Cela ne se passe pas comme ça, Jean-Michel ! On propose un éventail de corps séparés par un tiret ; la barre du 6 ; et le hasard fait le reste...
Exemple : Chef d'état-libellule-steward-etc...
Éviter l'association Étalon-souffleur car c'est une entité à part entière et je ne le savais pas ! Enfin, à part entière, c'est un bien grand mot... Ph Gandillet
Qu'est ce que je lis ? La physique serait un "sujet totalement inintéressant", alors que pour moi c'est "L'Ecole du Bonheur" !!!!!
En tout cas la lecture matinale de votre blog est un bonheur. Merci pour votre humour.
Bernard
Merci Bernard,
Agréable de penser qu'à travers leurs écrits les physiciens de l'époque pouvaient être, à la fois, visionnaires sur la science et l'éducation... Pierre
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