mercredi 13 juin 2012
La vie à table à la fin du XIXe siècle par Chatillon-Plessis
Et comme nous recevons, c'est donc l'occasion pour moi de feuilleter un ouvrage sur la vie à table à la fin du XIXe siècle, histoire de voir si les habitudes ont changé… On doit, vous le savez, à la révolution française d'avoir engendré de fortes mutations politiques, économiques culturelles et alimentaires à son époque ; les progrès agricoles et la mécanisation prennent leur essor, l'industrie se développe et la classe bourgeoise émerge. Dès lors, la cuisine et les arts de la table deviennent un signe d'appartenance social essentiel. Il est donc possible de distinguer au XIXe siècle trois types de cuisines : La cuisine bourgeoise, la cuisine des domestiques et la cuisine paysanne. Intéressons-nous à la première catégorie puisque j'en suis !
Sous l'effet de la Révolution Française et de l'exil d'une partie de la noblesse, les cuisiniers talentueux exercent de moins en moins dans les "grandes maisons" et investissent alors des restaurants, aussi luxueux que renommés. Le succès de ces restaurants n'est d'ailleurs pas sans lien avec l'avènement d'une littérature gastronomique diffusant les principes de la haute cuisine et contribuant ainsi à son rayonnement dans le monde.
La mode est lancée et n'échappe pas à la hiérarchisation sociale. De 100 restaurants à la Révolution, ils passent à 600 sous l'Empire et à 3000 sous la Restauration. Chacun prend plaisir à les fréquenter en fonction de ses moyens.
Parallèlement, la "vie à table" s'installe à la maison. Le repas bourgeois est synonyme d'abondance, de multiplicité et de diversité des mets, fondements de la tradition culinaire française. La salle à manger devient une nouvelle pièce riche d'ornements spécifiques. Une grande attention est donnée aux services avec une spécialisation des types de vaisselles (services à desserts, à thé, à café), de la verrerie fine, du cristal. Le linge de maison doit être d'un blanc impeccable, y compris pour les broderies.
Une littérature gastronomique voit le jour avec Brillat-Savarin et Monselet, par exemple. L'écrit gourmand diffuse ses réflexions et ses créations littéraires à l'attention des maîtresses de maison mais aussi des amateurs de gastronomie. Les nouveaux fourneaux en fonte prennent possession des cuisines. Gratins, soufflés, pâtisseries sont désormais exécutés. Jules Gouffé dans son Livre de cuisine en 1867, décrit trois espèces de feux pour diverses natures de cuissons : le « feu de marmite » doux et continu pour le Pot-au-feu, le « feu de grillade » qui doit toujours être égal, le « feu de rôti » feu soutenu.
La conservation des aliments va connaître une véritable révolution avec le procédé de conservation de Nicolas Appert qui consiste à stériliser par la chaleur des denrées périssables dans des contenants hermétiques (boîtes métalliques, bocaux...). La fin de la décennie verra les boites de bœuf bouilli, de tomates, de petits pois, d'asperges, d'ananas, de truffes. Presque comme aujourd'hui... Pendant que j'écris, ma femme doit préparer le repas de ce soir. Par moment, il m'arrive d'avoir des scrupules mais elle sait que je suis meilleur avec une plume dans la main qu'avec une fourchette. Promis, c'est moi qui prépare l'apéro ! Pierre
CHATILLON-PLESSIS. La Vie a Table a la fin du XIXe Siècle. Ouvrages illustré de 170 gravures hors texte ou dans le texte sur la vie d'autrefois et la vie d'aujourd'hui. Paris, Firmin Didot, 1894. Broché, in-8 à couverture rempliée illustrée. Théorie pratique et historique de gastronomie moderne. 170 gravures hors texte ou dans le texte sur la vie d'autrefois et la vie d'aujourd'hui - Physiologie, Discussions, Mœurs et modes, Pratique, Service de la table et des réceptions, Le boire, La cuisine, Grandes recettes culinaires du siècle, La pâtisserie, Les restaurants, Nouveaux classiques de la table, Mélanges et fantaisies. Aucunes rousseurs, beau papier vélin teinté, des petits défauts sur les plats et le dos. 412 pages. Bon état général. Vendu
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4 commentaires:
Parfaitement ! Chacun chez soi dans son domaine ! Ducasse à l'apéro et Dukas à La Péri ! :-)
Jean-Michel
« Un de ces plus mémorables repas fut offert à un homme qui, par ailleurs, était venu plusieurs fois dans l'immeuble : Hermann Fugger, l'homme d'affaires allemand ami des Altamont et de Hutting, et dont Madame Moreau devait distribuer en France certains matériels de camping : ce soir-là, connaissant la passion rentrée de Fugger pour la cuisine, elle fit préparer un repas rose – aspic de jambon au Vertus, koulibiak de saumon sauce aurore, canard sauvage aux pêches de vigne, champagne rosé, etc. – et elle convia à sa table, outre un de ses plus proches collaborateurs qui dirigeait la branche "hypermarchés" de son affaire, un chroniqueur gastronomique, un minotier reconverti dans les plats préparés et un propriétaire-récoltant de vins de Moselle, ces deux derniers convives étant flanqués d'épouses tout aussi férues de bien manger que leurs conjoints. Négligeant pour une fois le porc de Flourens et autres curiosités d'avant-dîner, les invités firent exclusivement rouler la conversation sur les plaisirs de la table, les vieilles recettes, les chefs disparus, le beurre blanc de la mère Clémence et autres propos de gueule. »
(La vie mode d'emploi, chap. LXXI, Moreau, 4)
Miam !…
Quelle érudition, Jean-Michel ! Encore une fois, il m'a fallu aller chercher sur la toile l'explication à ce trait d'esprit. Le poème dansé de Paul Dukas permet un très beau jeu de mot
En aparté : Vous allez bientôt rencontrer un de nos amis communs. Je vous rappelle que les seules mélodies connues par lui sont celles du vrombissement de sa Harley-Davidson et de celle qui la monte ;-)) Pierre
Quel plaisir que de parler gastronomie, Pascal ! Un sujet consensuel qui nous change des sujets éculés sur la politique ou la religion qui sont des coupes-faim indigestes. Pierre
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