dimanche 22 mai 2016

Causerie de Philippe Gandillet : avant la nuit des musées, il y avait le jour des musées…




Les feux de la rampe… quand il y en a une !

J'ai une vague ressemblance physique avec Gérard Philipe. Je ne m'en suis jamais mal porté, surtout lorsqu'il m'a fallu interpréter quelques rôles secondaires dans des pièces de théâtre que j'avais écrites. Il faut dire que faire l'acteur est un exercice qui m'est douloureux et j'ai, plus d'une fois, joué de mon physique avantageux pour masquer les imperfections de mes talents de comédien. Il faut avoir vécu les minutes qui précèdent l'ouverture du rideau, seul sur scène, assis devant la table d'une taverne improvisée à seule fin d'interpréter ce petit monologue qui prépare l'intrigue et précède l'arrivée du jeune premier pour savoir ce qu'est la solitude… Il faut avoir exécuté une entrée magistrale par le fond de scène d'où la voix doit être portée tout en étant naturelle pour connaître le trac ! Mais pourquoi vous parlais-je de çà ?

Ah, oui ! Parce que Pierre a profité de la disponibilité professionnelle de son épouse pour visiter, hier, Avignon et tout particulièrement deux haut-lieux du patrimoine historique, culturel et architectural de la ville où Gérard Philipe s'est forgé une légende. J'ai nommé : Le Palais des Papes et le pont Saint Benezet où l'on y chante des chansons…

Je conseille aux visiteurs de passage dans la cité de se laisser guider par un audiophone ou par les nombreuses fiches plastifiées et numérotées qui jalonnent ces monuments. Neuf papes s'y sont succédé au XIVe siècle. Ils étaient les symboles de la puissance de la chrétienté et du pouvoir spirituel qu'exerçait la papauté à cette époque. Malgré les incendies, les guerres et les révolutions, on ne peut être qu'émerveillés par l'état de conservation de ces bâtiments. Nul doute que la volonté de nos responsables politiques modernes associée à la renommée du festival d'Avignon ne soit à l'origine de cette mise en valeur. On ne monte pas encore les marches de ce festival, on n'est pas encore nominé pour un prix, ici, et c'est tant mieux ! Je rappelle d'ailleurs, à cet égard, que le mot "nominé" est un terme récent. Il a été inventé par Romy Schneider parce qu'elle ne trouvait pas d'équivalent français pour le mot anglais "nomined".

On peut donc dire "nominer" si on veut… mais on ne monte les marches que si on peut ! Je vous précise ceci car Pierre m'a fait justement remarquer la difficulté, dans de pareils monuments et si l'on est faible sur sa jambe gauche comme maladroit avec son bras gauche, de le faire avec aisance... On ne les descend guère mieux, en fait, ces marches ! C'est dans ces moments là qu'il me dit pouvoir juger de sa vraie autonomie. La meilleure canne, me précise-t-il, c'est de savoir que l'on a quelqu'un à côté de soi qui peut vous prêter son bras quand la rampe est absente...

Cette remarque me fit penser à la fin d'un poème aujourd'hui oublié :

Et confus, il cacha la tête dans ses larmes  
Comme nous arrivions en haut de l’escalier…

Votre dévoué. Philippe Gandillet.

jeudi 19 mai 2016

Causerie de Philippe Gandillet : appelons un chat, un chat…


Les amis des faux-amis sont mes amis…

Chers fidèles lecteurs, pour des raisons que certains connaissent mais que je ne veux développer ici, Pierre m’a demandé de reprendre mes Causeries, le temps qu’il retrouve des forces avant un séjour de convalescence qui va l’amener en Bretagne.

J’aurais pu, comme cela est mon habitude, disserter brillamment sur un livre posé sur les rayonnages de sa bibliothèque avec le secret dessein de vous le vendre. Certainement, comme cela était aussi votre habitude, vous auriez voulu l’acquérir pour rendre hommage à mon talent de présentateur… Vous devez savoir que, dorénavant et tant que Pierre est incapable de réaliser un colis présentable, il se refuse à tout commerce intéressé. D’ailleurs, s’il le faisait, ce ne serait plus qu’à titre de particulier à particulier. Vous allez donc bénéficier, et beaucoup vont s’en réjouir une fois de plus, d’un petit billet lénifiant sur deux faux-amis de la langue française qu'on m’a demandé de présenter succinctement dans le prochain dictionnaire de notre Académie.

Feignant et fainéant : Le premier " on "en question, c’est Jeannot (Jean D’Ormesson) qui me l’a suggéré. Son neveu accompagnait son fils au zoo. En voyant un mammifère arboricole d'Amérique tropicale du sous-ordre des Folivora pendu à un arbre, ce dernier lui dit : " Oh ! Regarde, un feignant ! " : " On ne dit pas un feignant, mon chéri, on dit un paresseux… " lui répondit son père... Et c'est là que j'interviens aujourd'hui à la demande de mon honorable confrère ! On ne devrait pas dire un " feignant " mais un fainéant ! Un fainéant est celui ou celle qui ne veut rien faire. " Un grand fainéant, un incorrigible fainéant… "; adjectivement parlant " un enfant fainéant, une classe ouvrière fainéante… ". C’est avec le temps ; tradition faisant loi ; que le participe présent du verbe feindre (feignant) pris au sens de " se dérober, rester inactif " s’est altéré en " fait néant ", puis " faignant " pour devenir aujourd'hui le synonyme de fainéant… Au café du commerce, un consommateur tempérant vous dirait que je viens subséquemment de lui en boucher un coin ! Suite…

Chaos et cahot : Le deuxième contresens que mes chers collègues de l'Académie m'ont demandé de développer dans notre prochain dictionnaire est le fréquent amalgame que certains font entre "chaos" et "cahot". Utilisé de façon régulière dans le jargon journalistique, le chaos nous fait entrevoir une apocalypse quand il ne faudrait y voir qu'une succession d'épreuves surmontables au cours d'un événement. Cette homonymie est une chausse-trappe classique de la langue française. Le cahot, pour sa part, quand il n'est pas un saut que fait une voiture en roulant sur un chemin pierreux, n'est qu'une difficulté qui va contrarier le cours des choses ! Il n'a rien à voir avec le chaos que les spécialistes de la cosmologie définissent comme un état de néant désordonné précédant la création divine… C'est donc passer du sourire aux larmes que d'aller du cahot au chaos… Au café du commerce, l'ivrogne affalé au bout du comptoir vous dirait que je viens nonobstant de lui trouer le cul ! Ces lieux de perdition ne sont décidément pas fréquentables pour les gens bien élevés…

Il y a d'autres faux-amis dans la langue française, vous le savez. Si un autre exemple édifiant vous revenait en mémoire, n'hésitez pas à le mentionner dans vos commentaires. J'en tiendrai compte dans notre nouveau dictionnaire en citant votre nom.

Votre dévoué. Philippe Gandillet

mardi 17 mai 2016

La plume sous le masque : Pensée du 30eme et dernier jour…




Je n’ose faire de projets, surtout en ce qui concerne l'avenir…

Avec précaution, les deux techniciennes responsables de l’appareil de radiothérapie ont posé, une dernière fois, le masque sur mon visage et l’ont enlevé quelques minutes plus tard, laissant sur ma peau un quadrillage en nid d’abeilles révélateur de la pression nécessaire à la contention du crâne. Une multitude de pensées se sont entrechoquées, dans ma tête, pendant cette séance. On pourrait même parler de mouvement brownien tant le résultat de cette réflexion me semble complètement nul ! J’étais à la fois délivré d’une contrainte et paniqué à l’idée que la guérison ne dépendait plus, dorénavant, que de moi et d’une chimiothérapie aux résultats aléatoires.

Je bénéficie donc, à partir de ce jour, de quatre semaines de repos thérapeutique qui seront aussi quatre semaines de repos et d’apaisement si j’arrive à maîtriser intelligemment ce temps libre qui m’est offert. J’ai essayé, pendant ces 30 séances de radiothérapie, d’arracher un sourire à ceux qui liront éventuellement ces billets, plus tard. J’avais besoin d’être rassuré et, charité bien ordonnée commençant par soi-même, j’ai commencé par me rassurer moi-même en puisant l’énergie nécessaire pour faire face à la maladie dans la réflexion de mes maîtres. Bien évidemment, l’expérience des uns ne sert pas nécessairement aux autres et la mienne est bien modeste…

A la fin de cette séance, une des deux jeunes femmes avec qui je croisai un regard me dit : " Bon rétablissement ! " C’est exactement la phrase que je voulais entendre ; pas plus ! Je lui redonnai alors mon badge de membre privilégié en poussant la porte de la salle de traitement vers la sortie. Ce chemin vers la guérison devrait m’amener, en théorie, vers l’amélioration de mon état physique , me permettre de retrouver tout ou partie de mon autonomie en sachant que les six mois de chimiothérapie qui vont suivre vont éventuellement reporter cette échéance.

Avant d’aller retrouver, pour une quinzaine de jours, la Bretagne où j’ai encore un peu de mes racines, je vais utiliser le réseau de notre gare routière tarasconnaise pour aller visiter quelques musées aux alentours. J’irai aussi flâner dans les rues en pensant à l’avenir. Tout finit toujours par un projet, n'est-ce pas ?

Pierre

dimanche 15 mai 2016

Des précisions éditoriales sur l'édition de 1806 du "Paul et Virginie" de Bernardin de Saint-Pierre.


Les éditions de Paul et Virginie ne se comptent plus, c’est le best-seller de l’époque. Parmi ces éditions, la plus fameuse est l’édition Curmer de 1838. Il s’agit d’une édition destinée à un large public. Son tirage a atteint les 10 000 exemplaires… Mais avant celle-ci, une édition luxueuse avait été éditée par Didot, en 1806. Cette édition est l’inverse de l’édition Curmer, à beaucoup de points de vue : peu d’illustrations, grand format, tirage plus limité, prix plus élevé. Certaines gravures de cette édition sont célèbres, principalement la fameuse gravure du Naufrage de Virginie, par Prudhon. Mais cette célébrité a l’inconvénient de masquer les autres gravures, qui ne sont pourtant pas sans intérêt. Ces gravures étant en nombre réduit, il est facile de les publier intégralement. Dans cette édition, le roman a été précédé d’un préambule, par Bernardin de Saint-Pierre, préambule très bavard (68 pages !) mais qui a le mérite de revenir sur la création des gravures, et sur certains détails matériels de l’édition, qui ne sont pas sans intérêt.

« Voici l’édition in-4° de Paul et Virginie que j’ai proposée par souscription. Elle a été imprimée chez P. Didot l’aîné, sur papier vélin d’Essonnes. Je l’ai enrichie de six planches dessinées et gravées par les plus grands maîtres, et j’y ai mis en tête mon portrait, que mes amis me demandaient depuis longtemps (sic).Les figures de cette édition sont au nombre de sept. J’en ai donné les programmes. La première, qui est au frontispice, est mon portrait. Les six autres sont tirées de Paul et Virginie, et représentent les principales époques de leur vie, depuis leur naissance jusqu’à leur mort. Mon portrait est tiré d’après moi, à mon âge actuel de soixante-sept ans. Je l’ai fait dessiner et graver sur les demandes réitérées de mes amis. On y lit mon nom au bas en caractères romains, avec les simples initiales de mes deux premiers prénoms : J-H Bernardin de Saint-Pierre. [...]. Ce portrait, avec ses accessoires, a été dessiné au crayon noir par M. Lafitte, qui a remporté à l’Académie de peinture de Paris le grand prix de Rome, au commencement de notre révolution. On a de lui plusieurs ouvrages très estimés, entre autres un gladiateur expirant. Personne ne dessine avec plus de promptitude et d’exactitude. M. Ribault, élève de M. Ingouf, a gravé ce dessin, tout au burin, avec une fidélité qui rivalise celle du crayon de l’original. Il ne manque à ce jeune homme qu’une célébrité dont ses talents me paraissent bien dignes.

Le premier sujet de la pastorale a pour titre, Enfance de Paul et Virginie. On lit au-dessous ces paroles du texte, Déjà leurs mères parlaient de leur mariage sur leurs berceaux. Madame de la Tour et Marguerite les tiennent sur leurs genoux, où ils se caressent mutuellement […]. Ce paysage, ainsi que ses personnages remplis de suavité, est de M. Lafitte, qui a dessiné mon portrait. Il a été d’abord gravé à l’eau-forte par M. Dussault, qui excelle en ce genre de préparation, et gravé ensuite au burin relevé de pointillé par M. Bourgeois de la Richardière, jeune artiste qui, après avoir quitté ses premières études pour obéir à la voix de la patrie qui l’appelait aux armées, les a reprises avec une nouvelle vigueur […]. J’ai dit que trois artistes, en comptant le dessinateur, avaient concouru à exécuter le sujet de cette première planche ; il y en a dans la suite où quatre et même plus ont mis la main. C’est un usage assez généralement adopté aujourd’hui par les graveurs les plus distingués. Ils prétendent qu’un sujet en est mieux traité lorsque ses diverses parties sont exécutées par divers artistes dont chacun excelle dans son genre. Ainsi l’entrepreneur en donne d’abord le sujet, et en fait faire le dessin ; il le livre ensuite à un graveur, qui en fait exécuter tour à tour l’eau-forte, le paysage, les figures, et met le tout en harmonie. Après quoi un graveur en lettres y met l’inscription […].

La seconde planche a pour sujet Paul traversant un torrent, en portant Virginie sur ses épaules. Il a pour titre, Passage du torrent, et pour inscription ces paroles du texte, N’aie pas peur, je me sens bien fort avec toi […]. On trouvera peut-être que ces deux charmantes figures sont un peu fortes, comparées avec quelques-unes de celles qui les suivent ; mais on doit considérer qu’elles sont plus rapprochées de l’oeil du spectateur. Qui ne voudrait voir la beauté de leurs proportions encore plus développées ? […].  Je dois le beau dessin de M. Girodet à son amitié. Il m’en a fait présent […]. Le paysage de mon dessin a été gravé à l’eau-forte par M. Dussault, dont j’ai déjà parlé ; et le groupe des deux figures l’a été au pointillé et au burin par M. Roger, qui excelle dans ce genre. Il a bien voulu suspendre ses nombreux travaux pour s’occuper de celui-ci, si digne du burin d’un grand maître.

La troisième planche représente l’arrivée de M. de la Bourdonnais. Elle porte au titre, Arrivée de M. de la Bourdonnais ; et pour inscription, Voilà ce qui est destiné aux préparatifs du voyage de mademoiselle votre fille, de la part de sa tante. Cet illustre fondateur de la colonie française de l’Île de France arrive dans la cabane de madame de la Tour, où les deux familles sont rassemblées à l’heure du déjeuner […]. J’observerai ici que la figure de M. de la Bourdonnais a le mérite particulier d’être ressemblante. Elle a été dessinée et retouchée d’après la gravure qui est à la tête des Mémoires de sa vie. Le dessin original de cette gravure a été fait par M. Gérard : on reconnaît dans cette composition la touche et le caractère de l’école de Rome où il est né. Mais ce qui m’intéresse encore davantage, je la dois à son amitié, ainsi que je dois la précédente à celle de son ami M. Girodet ; il a désiré concourir avec lui en talents et en témoignages de son estime à la beauté de mon édition. Ce dessin a été gravé à l’eau-forte, au burin, et au pointillé par M. Mécou, élève et ami de M. Roger, qui, n’ayant pu s’en charger lui-même, à cause de deux autres dessins qu’il gravait pour moi, n’a trouvé personne plus digne de sa confiance et de la mienne que M. Mécou, dont les talents sont déjà célèbres par plusieurs charmants sujets du Musée Impérial, très connus du public, entre autres par la jeune femme qui pare sa négresse.

La quatrième planche représente la séparation de Paul et de Virginie ; on y lit pour titre, Adieux de Paul et de Virginie ; et pour épigraphe, ces paroles du texte, Je pars avec elle, rien ne pourra m’en détacher […]. Cette scène déchirante a été dessinée par M. Moreau le jeune, si connu par ses belles et nombreuses compositions qui enrichissent la gravure depuis longtemps : il composa en 1788 les quatre sujets de ma petite édition in-18. On peut voir en leur comparant celui-ci que l’âge joint à un travail assidu perfectionne le goût des artistes. Celui que M. Moreau m’a fourni est d’une chaleur et d’une harmonie qui surpassent peut-être tout ce qu’il a fait de plus beau dans ce genre. Mais l’estime que je porte à ses talents m’engage à le prévenir que l’usage qu’il fait de la sépia dans ses dessins est peu favorable à leur durée […]. Les artistes ont trouvé le moyen d’en faire usage dans les lavis ; ils en tirent des tons plus chauds et plus vaporeux que ceux de l’encre de la Chine. Mais soit qu’en Italie, d’où on nous l’apporte tout préparé, on y mêle quelque autre couleur pour le rendre plus roux ; soit qu’il soit naturellement fugace, il est certain que ces belles nuances ne sont pas de durée. J’en ai fait l’expérience dans les quatre dessins originaux de ma petite édition faite il y a dix-sept ans, dont il ne reste presque plus que le trait. Cette fugacité a été encore plus sensible dans mon dernier dessin. Cette nuit, où il n’y avait de blanc que le disque de la lune, est devenue, en moins d’un an, un pâle crépuscule […]. La gravure ne m’a pas donné moins d’embarras que le dessin original ; l’artiste qui avait entrepris de le graver a employé un procédé nouveau qui ne lui a pas réussi ; il m’a rendu, au bout d’un an, ma planche à peine commencée au tiers ; j’en ai été pour mes avances ; il a fallu chercher un autre artiste pour l’achever ; mais nul n’a voulu la continuer. Heureusement M. Roger m’a découvert un jeune graveur, M. Prot, plein de zèle et de talent, qui l’a recommencée, et l’a mise seul à l’eau-forte, au burin et au pointillé en six mois, dans l’état où on la voit aujourd’hui.

La cinquième planche représente le naufrage de Virginie ; le titre en est au bas avec ces paroles du texte, Elle parut un ange qui prend son vol vers les cieux […]. Comment M. Prud’hon a-t-il pu renfermer de si grands objets dans un si petit espace ? où a-t-il trouvé les modèles de ces mobiles et fugitifs effets que l’art ne peut poser, et dont la nature seule ne nous présente que de rapides images ; une vague en furie dans un ouragan, et une âme angélique dans une scène de désespoir ? À la fois dessinateur, graveur et peintre, on lui doit des enfants et des femmes remarquables par leur naïveté et leur grâce […]. M. Roger, son élève et son ami, qui en a senti tout le mérite, a désiré le graver en entier ; il a voulu accroître sa réputation du dessin d’un maître qui l’avait si heureusement commencée, et lui rendre ainsi ce qu’il en avait reçu. Il a donc retardé de nouveau le cours de ses travaux ordinaires pour s’occuper entièrement du naufrage de Virginie. Sa planche a rendu toutes les beautés de l’original, autant qu’il est possible au burin de rendre toutes les nuances du pinceau. Je me trouve heureux d’avoir fait concourir à la célébrité de mon édition deux amis également modestes et également habiles dans leur genre ; mais il me semble que je suis plus redevable à M. Prud’hon, quoique je n’aie eu de lui qu’un seul dessin, parce que je lui dois d’avoir eu une seconde gravure de M. Roger.

La sixième et dernière planche a pour titre, Les Tombeaux, et pour inscription, On a mis auprès de Virginie, au pied des mêmes roseaux, son ami Paul, et autour d’eux leurs tendres mères et leurs fidèles serviteurs […]. On voit, un peu en avant de celle du milieu, le squelette d’un chien : c’est celui de Fidèle, qui est venu mourir de douleur, près de la tombe de Paul et de Virginie […]. Je dois le dessin de cette composition mélancolique et touchante à M. Isabey. Son amitié a voulu m’en faire un présent dont je m’honore […]. L’eau-forte en a été faite par M. Pillement le jeune qui excelle, au jugement de tous les graveurs, à faire celle des paysages. Elle a été terminée au burin par M. Beauvinet, dont j’ai déjà parlé avec éloge. Il suffit de dire que l’auteur du dessin a été très satisfait de l’exécution de ces deux artistes. M. Dien, imprimeur en taille-douce, qui m’a été indiqué par M. Roger, comme très recommandable par sa probité et son talent, a tiré toutes les feuilles de mes sept planches, en y comprenant le portrait. M. Dien, son frère, en a gravé la lettre. Comme plusieurs de mes souscripteurs ont souscrit pour des exemplaires coloriés, les auteurs des dessins ont eu la complaisance de colorier chacun une épreuve de la gravure qui en était résultée pour servir de modèle. D’après eux M. Langlois, imprimeur dans ce genre, et si avantageusement connu par ses belles fleurs, en a mis les planches en couleur, et les a retouchées au pinceau. M. Didot l’aîné, si célèbre par la beauté de ses éditions, en a imprimé le texte ; il en a revu les épreuves avec moi, et m’a aidé plus d’une fois de ses utiles observations. Enfin M. Bradel en a cartonné et étiqueté les exemplaires. On voit que je n’ai rien négligé pour enrichir et perfectionner cette édition […]. »


Je dois à Bernardin de Saint-Pierre et à Christian Lamard cette notice détaillée de l’édition de Paul et Virginie datée de 1806 chez Didot L’ainé. Je remercie le premier pour tous les précieux renseignements fournis sur les différents artistes qui ont collaboré à sa publication, et je remercie, encore une fois, le deuxième qui m’a prêté généreusement un article de son blog personnel pour bonifier le mien. Poignée de main chaleureuse aux deux ! Pierre

vendredi 13 mai 2016

La plume sous le masque : Pensée du 29eme jour…




Les personnes qui gardent le moral sont maintenant priées de le rendre à ceux qui ne l’ont pas…

Voici l’air que j’ai fredonné, ce matin, sous le masque :
 
Et la fête est finie 
Sans bruit sans fureur, je m'en vais
Retrouver ma famille, mon coin de vie, mes secrets,
Sans jamais oublier
Qu'un jour on s'est parlé
Comme pour retenir l'éternité… L'éternité.
 

Les mélodies de Nicolas Peyrac ont bercé ma jeunesse ; je ne pensais pas qu’elles m’accompagneraient si longtemps et dans des endroits aussi improbables ! Mardi prochain, j’écrirai mon dernier billet "sous le masque". 30 séances, c’est déjà pas mal, non ?  J’essaierai de donner ensuite au blog une nouvelle orientation, plus axée sur les livres, sans oublier la chimiothérapie qui m’accompagnera, quant à elle, jusqu’à la fin de l’année en sachant qu’elle sera vraisemblablement moins agressive que pendant ces six dernières semaines, quand même... 

Et la fête est finie
Et l'amitié de vous, c'était bien
Vous m'avez écouté, vous m'avez souri, j'aimais bien
Vos yeux dans le noir
M'suivaient sans l'savoir
J'aurais bien voulu qu'on s'parle encore… Encore
 

Je vais pouvoir bénéficier, maintenant, de quatre semaines de repos thérapeutique. Bien sûr, ce sera l’occasion de récupérer un peu de mes forces perdues et d’attaquer la longue ligne droite qui mène à la guérison (plausible) avec l’énergie d’un coureur de fond. Je vais aussi essayer de multiplier les occasions de me faire plaisir et de remercier les personnes dont le soutien a été si important dans cette épreuve : je pense à vous, chers lecteurs, qui avez subi ma prose avec la mansuétude coupable qu’on prête aux amis !

Pierre