dimanche 24 janvier 2016

Mot d'absence...



Chers amis,

Un problème de santé va m’éloigner de mon clavier pendant quelques temps. Pas de lassitude du métier de libraire d’ouvrages anciens, je vous rassure ! Mais une obligation de repos qui ne sera, je l’espère, pas trop longue... Je lis mes mails, quand même. Je ferai peut-être quelques courts billets dès que j'irai un peu mieux. Je vous remercie de la confiance que m’avez accordée pendant ces années où j’ai appris le métier sur le tas... et sur le tard. Pierre Brillard

Ps : Philippe Gandillet se porte comme un charme et c’est tant mieux !

jeudi 21 janvier 2016

Recueil des plus belles pièces des poëtes françois. Paris, Claude Barbin, 1692... Ouvrage collectif ?




L'anthologie du Recueil des plus belles pièces des poètes français tant anciens que modernes, depuis Villon jusqu'à Monsieur de Benserade, attribuée à Fontenelle, est un ouvrage vraisemblablement collectif mais un spécialiste (Trublet) affirme avoir la preuve que Fontenelle a rédigé la Préface et les biographies des auteurs... Il resterait à identifier ce François Barbin, qui n'est pas le fils du libraire, mais peut-être son frère. [Fontenelle, Œuvres complètes, t. IX, Œuvres diverses, éd. A. Niderst, « Corpus des œuvres de philosophie en langue française », Paris, Fayard, 2001, p. 8.] D'ailleurs, sur le titre de la réimpression d'Amsterdam, 1692, ces notices sont attribuées à Mme d'Aulnoy [ Barbier IV, 106]. Tout ceci est affaire de spécialistes…

Un Ex-libris qui sert le coeur...
L'ouvrage présente un Ex libris manuscrit d'époque sur la page de titre (Sieur de la Fougeureuse) et un Ex libris du 20eme siècle de May von Weinberg en page de garde.Ethel Mary Villers Forbes - May von Weinberg – était l'épouse de Carl von Weinberg (1861-1943), homme d'affaire juif associé avec son frère, Arthur, à Francfort. Après la prise du pouvoir par les nazis en 1933, les frères von Weinberg furent persécutés, comme le libraire Mario Uzielli dont nous détenons quelques livres aujourd'hui, en raison de leurs origines juives. Carl von Weinberg fut forcé d'abandonner ses activités. Après la Nuit de Cristal en 1938, il dû vendre son importante collection d'art pour une fraction de leur valeur à la ville de Francfort.  Après l'expropriation de ses actifs et veuf depuis 1937, Carl von Weinberg partit en exil avec sa sœur en Italie. Le 14 Mars 1943, il s'éteint près de Florence, six jours avant son frère Arthur, mort à la suite d'une opération dans le camp de concentration de Theresienstadt...  Mario Uzielli emmena ces livres que je propose aujourd'hui à la vente, en Suisse lors de son propre exil. Avec quelle tristesse, il devait les feuilleter !


Écrivain et érudit, Fontenelle inventa un genre littéraire nouveau, la «science galante». Voltaire, aveuglé par son mépris, ne vit pas qu'il contenait les prémisses de ses chères Lumières… Né à Rouen en 1657, Bernard Le Bouyer (ou le Bovier) de Fontenelle gagne rapidement la capitale et collabore à la gazette Le Mercure galant, sur la recommandation de son oncle maternel Thomas Corneille, le frère de l'auteur du Cid. Dans ses articles, Fontenelle raille les frayeurs soulevées par la comète de 1680 et mène campagne contre les charlatans de tout poil, dont le règne a connu son apogée dans les années 1670.


Fontenelle fréquente également les salons de Mme de la Sablière et Mme du Maine, « femmes savantes » stigmatisées par Molière et La Bruyère. Ce dernier trouve en Fontenelle un redoutable adversaire dans la querelle des Anciens et des Modernes qui anime le monde littéraire à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle.


Les Anciens, parmi lesquels La Bruyère, La Fontaine, Racine, Boileau, voient dans les œuvres d'Homère et de Virgile des chefs-d'œuvre incontestables et des modèles à suivre. Les Modernes, dont Charles Perrault et Fontenelle, refusent d'admirer les auteurs anciens sans réserve et de les prendre pour modèles : l'art est en perpétuelle évolution… C'est pourquoi, ce voyage dans la poésie médiévale et classique ne pouvait que lui tenir à cœur !

La fiche de Mario Uzielli
L'index des auteurs mentionne près de 50 poètes ayant marqué la littérature jusqu'au grand siècle de Louis XIV. Certains seraient déçus d'apprendre qu'on ni connait plus ni leur nom ni même une seule de leurs œuvres (Villon, Marot, Saint Gelais, Du Bellay, Ronsard, Baïf, Jodelle, Belleau, Regnier, Desportes, Du Bartas, Passerat, Bertaud, Du Perron, Malherbe, Racan, Mainard, Gombaud, Lingende, Malleville, Motin, L'Estoille, Theophile, Boisrobert, Saint Amand, Breboeuf, Maitre Adam ou le Menuisier de Nevers, Tristan Lhermite, Le P. le Moine, Godeau, Desmarets, Chapelain, Lalane, Patrix, La Comtesse de la Suze, Gilbert, Dalibray, Cerisy, Marigny, Le Chevalier de Cagny, Madame de Villedieu, De la Sabliere, Montreüil, De Charleval, Vaudeville, Saint Pavin, Voiture, Scarron, Sarazin, Chapelle, Benserade ). Ce qui rend la vente de ce remarquable ouvrage incertaine... Pierre

Fiche n° 99... ça sent l'achat en salle des ventes !
BARBIN - FONTENELLE . Recueil des plus belles pièces des poëtes françois, tant anciens que modernes, Depuis Villon jusqu'à M. de Benserade. Paris, Claude Barbin, 1692. 5 volumes In-12 Reliure plein veau brun (Signée Ducastin), dos à nerfs, caissons fleuronnés, plat avec un encadrement estampé et double filet, gardes colorées, tranches jaspées. Tome I : [11 f. n. ch], 307 pp Tome II : 386 pp. Tome III : 384 pp. Tome IV : 420pp. Tomme V : 156pp – 80pp – 189pp. Ex libris manuscrit d'époque sur la page de titre (Sieur de la Fougeureuse) et Ex libris du 20eme siècle May von Weinberg en page de garde. Édition originale de cette anthologie, dite Recueil de Barbin. Grande fraicheur intérieure. Petits défauts de reliure. Bel exemplaire en reliure signée. 750 € + port

mercredi 20 janvier 2016

Le Mémorial de Sainte-Hélène, suivi de la biographie des maréchaux, illustré par Bombled.


Napoléon, même aujourd'hui, ne laisse personne indifférent. Dieu ou imposteur, ogre ou sauveur, nouvel Alexandre ou précurseur de Hitler, responsable de l'irréversible déclin français ou sommet de la gloire nationale, il demeure le héros d'une des plus grandes épopées de la France mais aussi celui qui est le plus contesté…


Exilé une première fois sur l'île d'Elbe, au large de la Toscane, à la suite de la défaite de l'armée impériale face à une coalition de puissances européennes, en 1814, Napoléon 1er n'avait pas dit son dernier mot. Pour racheter l'humiliation de cette abdication forcée, il échappe à la surveillance anglaise et regagne le continent, où il prend la tête d'une armée de près de 130 000 hommes. Le 18 juin 1815, la défaite de Waterloo vient mettre fin à sa gloire.


Contraint de se livrer aux Anglais, l'empereur déchu embarque sur un de leurs navires. Il est conduit à Sainte-Hélène, une île de l'Atlantique sud, à 1 850 km de la côte africaine, qui offre peu d'espoir d'évasion. On lui laisse choisir trois officiers pour l'accompagner. Suivent leurs épouses, un valet de chambre, un maître d'hôtel, un chirurgien et quelques autres domestiques. Tout ce petit monde s'installe dans une maison de maître en partie délabrée, Longwood, sur les hauteurs de Sainte-Hélène.


Pendant ses six ans d'exil, l'ex-empereur dicte ses souvenirs et ses réflexions au Comte de Las Cases ainsi qu'à Bertrand, Gourgaud et Montholon. Le 4 mai 1821, Napoléon est étendu sur son lit, se tordant de douleurs (empoisonnement ou cuisine anglaise ?)… La fin est proche, il le sait. C'est pourquoi il a convoqué tous ses amis et proches " Je suis heureux à l'idée que vous allez pouvoir revoir la France, vos proches, et moi mes Braves aux Champs-Elysées ". 


Publié l'année suivant la mort de Napoléon (1821), Le Mémorial de Sainte-Hélène connaîtra un succès immédiat en France et nourrira la légende napoléonienne. En 1840, le président du Conseil, Adolphe Thiers, négocie avec Londres le retour des cendres de Napoléon à Paris. Le transfert donne lieu à une cérémonie grandiose à laquelle assistent un million de français enthousiastes qui n'hésitent pas à crier « Vive l'Empereur ! ». Napoléon 1er repose, depuis lors, aux Invalides : c'est, de nos jours, l'un des monuments les plus visités de France…


Cet ouvrage est devenu le principal vecteur de la légende de Napoléon ainsi que le témoignage le plus complet et le plus abouti sur la déchéance, la fin et la disparition de l'Empereur. L'exemplaire que je propose aujourd'hui à la vente a ceci de remarquable que s'y adosse la biographie des Maréchaux napoléoniens, l'ensemble illustré de charmants dessins en couleur de Bombled, le tout recouvert d'une percaline éditeur ornée, vert empire, bien sûr ! Pierre


LAS CASES (Le Comte de). Le Mémorial de Sainte-Hélène. Suivi de la biographie des maréchaux de Napoléon par Lacroix et  illustré de 240 dessins en couleurs par L. Bombled. Paris, Garnier frères, libraires-éditeurs, 1895. Premier tirage. Deux volumes in-4 (27 x 19 cm). Cartonnage éditeur recouvert d'une percaline éditeur vert-olive, dos lisse orné et plat supérieur illustré d'un aigle avec les armes et l'initiale de l'Empereur, décorations argentées, XXIV (faux-titre, titre, avant-propos, notice biographique sur l'auteur, préface, préambule), 1887 pages. Biographie des Maréchaux (page 1663 à 1871).  Très bel état. Vendu

mardi 19 janvier 2016

Voltaire : Candide et Zadig réunis dans un exemplaire de bibliophile...


On croit connaitre ses limites. Elles sont parfois encore plus modestes qu'on ne le pense… Je ne dis pas ceci par humilité excessive : j'en ai la preuve ! Je croyais savoir faire correctement une notice de livre en m'aidant des outils informatiques à ma disposition, de mon expérience et de quelques livres de ma bibliothèque de travail. C'est très insuffisant dans certains cas ! Et c'est là que l'aide d'un spécialiste vous est nécessaire.


Ce spécialiste fut, pour moi, Dominique Varry, Professeur des Universités en Histoire du livre et des bibliothèques à l’École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, depuis le 1 septembre 2005 - Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, depuis le 1 janvier 1989, à l'université Jean Moulin, affecté à l’École Nationale Supérieure de Bibliothécaires - Chargé de conférences  à l’École Pratique des Hautes Études depuis juillet 2004, etc… et amateur des œuvres de Voltaire pour couronner le tout. Je le remercie ici pour sa bienveillance et sa disponibilité. Ses renseignements furent  inestimables et estimables à la fois… Ils participent aujourd'hui à l'appréciation de l'ouvrage que je propose à la vente. Je serais bien incapable de lui rendre un service en retour, j'en ai bien peur !


Pour expliquer ce préambule, je joins la notice en anglais qui était intercalée en page de garde de l'ouvrage. Il s'agit d'un recueil de deux textes emblématiques de Voltaire : Candide ou l'optimisme en édition originale (1759) et Zadig du même éditeur à la même date. Les textes sont d'une grande qualité typographique, dans un état de conservation proche du neuf (sans avoir été lavés) et un propriétaire a offert à ce recueil une reliure janséniste en plein maroquin cerise signée, de toute beauté au 19eme siècle : un bibliophile est passé par là ! 


Le relieur est Thibaron comme on peut le voir au  centre de la dentelle encadrant la doublure. Thibaron fut relieur à Paris. - Ancien ouvrier de Trautz, il s'associa avec le doreur Joly à partir de 1874 - Reliures signées "Thibaron-Joly" à partir de cette date - : Notre exemplaire a donc dû être relié dans la première partie du 19eme siècle…


L'ex-libris présent au contreplat nous apporte un élément intéressant sur la provenance de cet exemplaire. Georges Montefiore-Levi, (1832 -1906) fut un ingénieur, industriel, philanthrope et sénateur belge. On lui doit notamment une amélioration du processus de production de l'alliage bronze phosphoreux, et il est le fondateur de l'une des plus anciennes écoles d'ingénieurs belge, l'Institut Montefiore à Liège. Il était amateur de beaux livres et nous verrons, dans un autre ouvrage bientôt présenté, que c'était parfois son épouse qui lui offrait ses livres…


Différents propriétaires ont annoté cet exemplaire du résultat de leurs recherches à différentes époques et des prix payés en salle de ventes pour des exemplaires équivalents. Il s'agit de l'exemplaire original si l'on en croit une mention de 1874. Il s'agit de l'édition de Lambert pour une autre, bien étayée, qui confirme cependant que c'est une contrefaçon... L'édition originale de Zadig est de 1748 : la nôtre est la même que Mennon mais augmentée de 3 chapitres. Bengesco ne cite pas cette édition de 178 pages, ce qui rend notre exemplaire encore plus exceptionnel.


Candide fut imprimé presque simultanément à Genève (en janvier) et à Paris (février) d'après deux manuscrits différents. Il semble que les exemplaires de l'impression parisienne soient les premiers à être parvenus à la censure, et l'on a longtemps cru pour cette raison que l'édition de Lambert était l'édition originale. Le célèbre roman philosophique de Voltaire fut immédiatement condamné à la destruction. Mais la même année, au moins huit tirages de Candide furent livrés à l'impression à Genève et à Paris... 


Voici ma fiche définitive : D'autres en feraient de plus simples. Le but d'une notice est d'expliquer l'estimation demandée pour un ouvrage, nous sommes d'accord ! Mais le prix accepté par un acquéreur ne dépend t-il pas d'autres facteurs bien plus variés et à la fois bien moins précis que ceux établis pour une notice ? C'est d'ailleurs la base même des enchères… Pierre


VOLTAIRE (François Marie Arouet de): Candide, ou l'optimisme, traduit de l'allemand par M. Ralph + à la suite Zadig édition de 1759 Un volume in 12. Reliure janséniste plein maroquin cerise du 19eme siècle signée Thibaron, large dentelle encadrant la doublure, toutes tranches dorées, filet sur les coupes et les coiffes. Ex-libris prestigieux. Candide : [2ff bl], 237pp, [1f table].  Zadig : 177pp, [2ff bl]. Pour le Candide : exemplaire répertorié par Bengesco  (Voltaire : Bibliographie de ses œuvres) sous le n° 1438, par Morize (Candide, édition critique, 1913) sous le n° 5 : 59f, par Wade (Voltaire and Candide... 1959) sous le n° 5. Il correspond aux exemplaires RES P Y2 2694 et Rothschild 5 (8, 57) de la Bibliothèque nationale de France. Cette édition est dérivée de l'édition Lambert qu'elle copie ligne à ligne jusqu'à la page 230. Elle présente quelques imperfections : page 21, ligne 12 : Lendemin, la page 45 est paginée 25, la page 123 est paginée 223.  Deux autres éditions, avec le même nombre de pages, mais corrigées, ou ayant certains fleurons différents en sont dérivées. : Bengesco 1439 et 1440. Il s'agit d'une des quinze éditions "pirates" de 1759. Elle est vraisemblablement parisienne... mais non identifiée à ce jour. En tout cas, elle n'est ni de Cramer, ni de Lambert, ni de Prault... L'édition originale de Zadig est de 1748 : la nôtre est la même que Mennon mais augmentée de 3 chapitres. Bengesco ne cite pas cette édition de 178 pages. Exemplaire en parfait état intérieur et extérieur. Exemplaire exceptionnel, de par sa reliure, sa provenance et son histoire… 3200 € + port