Par-delà la prouesse technique ou artistique permise par la photographie au milieu du 19eme siècle, le portrait correspondait, à l'époque, à la volonté de transcrire le caractère d'une personne, sa façon d'être… Il y avait donc dans ces galeries de portraits qui étaient proposées par les maisons d'édition comme une volonté des éditeurs de permettre aux lecteurs – ce n'est pas le bon terme – de faire un lien entre l'œuvre d'une personnalité et sa représentation physique…
Aujourd'hui, on pourrait dire des collectionneurs de ce
genre d'albums qu'ils sont des gens bien curieux. Peut-être trouvent-ils dans
ces clichés un moyen de faire reculer la mort de leurs idoles ? En tout cas, la mode est aux portraits, on ne
peut le nier. Comment expliquer, sans cela, l'estimation prohibitive qu'on a
faite d'une épreuve de Rimbaud adulte ? Je possède pour ma part un ensemble
complet de photographies des contributeurs du Journal des annales au 19eme
siècle, parmi lesquels les plus grands écrivains de l'époque. Je me suis parfois
posé la question de mon intérêt renouvelé pour ces portraits… Mon analyste m'a
rassuré en me disant que c'était certainement la moins grave de mes névroses !
Dès les premières
décennies de son histoire, nous dit Jean-Marie Schaeffer, la photographie explorait déjà pour ainsi
dire la totalité des sous-genres du portrait que nous pratiquons encore
actuellement : des portraits officiels commandés par les puissants de ce
monde, au nu – qu’il soit académique, intime, érotique ou pornographique -, en
passant par les images de célébrités artistiques ou intellectuelles, le
portrait social, le portrait documentaire, le portrait
"scientifique", le portrait familial, l’autoportrait, le portrait de groupe, le
portrait historisant, le portrait fictif…
En témoigne par
exemple la vogue du portrait-carte présenté sous forme d'albums – le Figaro
Album en est un - qui commence vers 1860 et dont le succès ne se démentira
qu’au début du XXe siècle. Plus tard, le portrait se verra doté d’une fonction
d’outil de contrôle social, avec l’anthropométrie signalétique de Bertillon
d’abord, puis avec la photo d’identité.
Cependant,
lorsque le portrait-carte commencera à décliner au début du XXe siècle, ceci ne
correspondra nullement à une perte d’attrait du genre. Simplement, du fait des
développements techniques et économiques, c’est la photographie d’amateur
pratiquée en famille qui prendra peu à peu le relais du portraitiste
professionnel et ceci dans des proportions inquiétantes…
Peut-être tout ceci
témoigne t-il du fait que, comparés à nos ancêtres, nous entretenons, aujourd'hui,
une relation plus détendue avec la mise en image de notre identité ? En tout cas, l’amour pour notre "triviale
image", bien que déploré par Baudelaire, semble désormais enraciné si
profondément en nous que notre prédilection pour le portrait photographique
n’est sans doute pas près de s’éteindre ! La mode du "Selfie" étant la
dernière couche apportée à ce mille-feuilles d'égo surdimensionné… Pierre
FIGARO ALBUM. Sans date (1870) ni lieu.
Album in 8 oblong à l'italienne, de 25 feuillets rigides non chiffrés sur
lesquels sont montés 100 photographies de formats carte de visite des personnalités
importantes du second Empire. Reliure de l'éditeur de plein chagrin vieux rouge
gaufré sur les plats d'un large décor romantique. Contient les portraits de :
Thiers, Mac Mahon, Gaboriau, Cham, Gounod, Dejazet, Favart, Lemaître, etc… Manque
un seul portrait. Fermoir de laiton doré
absent. 45 € + port
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