samedi 30 avril 2011

Pour réhabiliter Adolphe Willette...


Nous continuons avec les illustrateurs de la fin du XIXe siècle. Je vous propose une édition originale de d'Achille Mélandri enrichie de gravures de Willette. Cet exemplaire fort bien conservé par un bibliophile l'a fait recouvrir d'une reliure à la fois protectrice et agréable à l'œil.

Adolphe Willette en est un digne représentant. Ami de Steinlen, il se rappela à notre mémoire il y a quelques années, puisqu'il eu l'insigne honneur d'avoir été frappé d'indignité nationale par le conseil municipal du 18ème arrondissement de Paris qui avait voté à l’unanimité la décision de débaptiser le square "Adolphe Willette" qui fait face au Sacré-Cœur pour le rebaptiser Square "Louise Miche"l. Nous sommes en pleine crise du politiquement correct, je vous le rappelle. L’inauguration a eu lieu en 2004 en présence du maire de Paris, Bertrand Delanoë.


Fils de militaire, Adolphe Willette est né en 1857 et mort en 1926. Il est un des grands illustrateurs de la fin du 19ème siècle. Réalisant parfois des bandes dessinées, il donna figure à Pierrot et Colombine, dessinant même l’enseigne du Moulin Rouge au cœur de ce Montmartre dont il était une des figures marquantes. Hélas, comme son ami Forain, il prêta sa plume aux traits les plus antisémites de son temps, collaborant notamment à La Libre Parole illustrée dirigée par Drumont. Pire : il se présente comme candidat antisémite aux élections législatives du 22 septembre 1889, dans la 2e circonscription du 9e arrondissement de Paris, en pleine affaire Dreyfus.

Le président vert du conseil de quartier, Sylvain Garel, entama les discours en revendiquant l’idée de débaptiser la place en lui attribuant le nom de la célèbre féministe anarchiste, "en pensant, dit-il, au fait que chaque année les intégristes de Saint-Nicolas du Chardonnet, viennent se réunir ici le soir de Pentecôte. Je suis sûr qu’ils seront contents de se réunir dans le square Louise Michel...". Dans l’assemblée, on pouvait reconnaître le dessinateur Jacques Tardi : Regardant le Sacré-Coeur dominant le square, édifice d’infamie construit pour faire expier les Parisiens, il dit "Maintenant, il faudrait que l’on crée une association pour faire raser ce machin".


Il est vrai qu’il a versé dans des dérapages peu glorieux, marqués par le contexte de l’Affaire Dreyfus. Il semble cependant qu’après son équipée politique au moment de l’Affaire, il se soit repenti de ses errements (contrairement à Caran d’Ache, antisémite jusqu’au bout). Le Musée de Montmartre possède quelques-unes de ses œuvres, dont l’affiche de sa candidature "antisémite". Simplement, on aurait pu illustrer la plaque de Louise Michel par le frontispice de sa première plaquette éditée après son retour de déportation : Celui-ci a été dessiné par un des seuls dessinateurs de l’époque recherchant la compagnie des anciens communards, un certain...Adolphe Willette !


Le roman illustré que nous présentons est de Achille Melandri (1845-1904). Photographe, peintre, poète, il appartint au club très fermé des fumistes hydropathes dont Alphonse Allais était un membre émérite. Voyons ce que disait de lui, Paul Vivien.


Bien qu'à peine commencée, son histoire serait longue ; abrégeons ! Petit-fils de la princesse Coralli et fils du général Mélandri, qui prit une part active au soulèvement des Romagnes en 1854, notre ami, jeté par les cahots de la politique dans toutes sortes de situations plus ou moins bizarres, se fait tour à tour bureaucrate, dessinateur, photographe, et journaliste. Qui n'a lu ans le Tintamarre, dont il est un des plus spirituels collaborateurs, ces nouvelles délicieuses signées M. Irlande ? C'est un esprit fin et délicat, un causeur charmant. Etant un peu polyglotte, il a voyagé et s'est fixé en Angleterre et en Italie, où il a fait partie de la presse avancée de ces deux pays. Puis il revient en France, où il collabore sous divers pseudonymes à la Marseillaise, au Tintamarre, et se livre dans le silence du cabinet, à la poursuite de sa grande toquade : la photographie animée. Son atelier, près de la place Bréda, est devenue le rendez-vous des artistes et des écrivains de l'Ecole militante, de tout ceux enfin qui, selon le mot de Murger, se lancent à l'assaut de l'avenir. Le joyeux ami Pirouette du Tintamarre (Coquelin Cadet, pour la Comédie-Française), André Gill, Jules Jouy, Luigi Loir, Georges Lorin, sont les hôtes les plus assidus de ce charmant atelier que je vous demanderais la permission de décrire un jour. Nous allions oublier Sarah Bernhardt, qui y fait souvent de courtes apparitions et qui professe pour le talent de Mélandri une véritable admiration.

Je crois pouvoir affirmer que je vous propose là un beau petit bouquin pour bibliophile… Pierre


MELANDRI et WILLETTE A. Les sœurs Hedoin. 35 lithographies hors texte par Willette. Paris, Edition Dentu, libraire de la société des gens de lettres,1892. Un volume in 12, reliure demi-maroquin à coin vert empire, dos insolé havane, titre en lettres dorées, page de garde colorée, ex-libris. Couvertures conservées illustrées, 162 pages, 35 lithographies hors texte par Willette (celles des 1er et 2èmes plats comprises). Pas de rousseurs. Bel exemplaire. 75 € + port

jeudi 28 avril 2011

Société des aquarellistes français : Première édition de 1883...

Pavillon de la Société des aquarellistes français - Exposition Paris 1900

La présentation sur un blog ami, ici , d'un ouvrage illustré par Gustave Doré, la recherche par son animateur d'informations de synthèse sur cet illustrateur m'a donné l'idée d'accompagner son article par la présentation d'un exemplaire qui propose une biographie des graveurs et des peintres les plus réputés de cette époque. Cet ouvrage de format in folio est fort bien illustré, sur beau papier et dans une belle reliure. Il sera difficile pour le bibliophile de choisir sur quelles étagères il prendra place. Bibliothèque de travail ? Bibliothèque d'ouvrages rares et précieux ?


Si je ne peux rivaliser avec Bertrand sur le poids de l'ouvrage [nous jouons néanmoins dans la même catégorie des super-lourds], on peut affirmer que nos deux exemplaires font partie de ces ouvrages de luxe qui composaient les bibliothèques bourgeoises de la fin du XIXe siècle, de ces ouvrages que l'on montrait à ses amis avec fierté, de ces ouvrages dont on admirait le travail d'édition et d'imprimerie, de ces ouvrages qui avaient un prix…


Ces exemplaires, quand ils sont en bel état, valent mieux que leurs estimations dans les SVV, aujourd'hui. C'est aux libraires de défendre ces ouvrages, non pas en imposant un prix sans raisonnement étayé mais en provoquant l'envie aux futurs propriétaires de les posséder, en mettant en valeur leurs caractères exceptionnels et la somme introuvable d'informations qu'ils recèlent.


Nous sommes bien d'accord. Le bibliophile averti n'a pas besoin d'un article de présentation ; la notice suffit ; c'est le travail d'un expert. Mais le futur client, l'amateur de livres, le bibliophile débutant ont besoin, ou tout du moins apprécient, que des libraires où des passionnés leur facilitent leurs recherches, les orientent et légitiment leurs achats. Les confrères libraires qui lisent ce blogue apprécieront…

Donc l'ouvrage que je propose à la vente :

En 1804, la Society of painters in water colours était fondée au Royaume-uni. Les aquarellistes belges fondent de même une société en 1866, mais ce n’est qu’en 1879 qu’est fondée la Société d’aquarellistes français. Lors d’une réunion à la campagne à Montmorency, le peintre orientaliste catalan Mariano Fortuny y Marsal, montre à ses amis Jehan-Georges Vibert , Edouard Detaille, Jules Worms, Louis-Eugène Lambert et Louis et Maurice Leloir un grand nombre d’aquarelles qu’il a peintes en Espagne, en Italie et au Maroc.


C’est le commencement en France d’un engouement pour la peinture à l’eau. Les œuvres à l’aquarelle qu’ils réalisent sont trop à l’étroit au Salon dans les salles réservées aux dessins. C’est alors qu’ils décident de créer Société des aquarellistes français. Parmi les fondateurs il y a Maurice Leloir, Eugène Lami, François-Louis Français , etc.. Le but était d’exposer les œuvres des aquarellistes membres de la société. Ils s’installèrent rue Laffitte, puis à la Galerie Petit, rue de Sèze. Le nombre des membres était limité à 40 artistes (ce chiffre ne vous rappelle rien ?).

Il n’y a que peu d’informations sur la toile à propos de cette organisation. Je vous propose la première édition, en deux tomes in folio, consacrée aux œuvres des membres de cette société.


Elle est parfois disponible dans les salles des ventes ou sur les sites d’enchères mais il faut être exigeant et prudent lors de l'achat car ce type d'ouvrage supporte mal les mauvaises conditions de stockage et de transport. De plus, il est quelquefois livré en porte-folio et il faut compter les gravures…













Pour cette édition, Gustave Doré, offre aux lecteurs une gravure originale hors texte de sa mère dont j'ai pris un cliché pour vous. Du travail d'artiste et du talent. Pierre


SOCIÉTÉ D'AQUARELLISTES FRANCAIS. Ouvrage d'art publié avec le concours artistique de tous les sociétaires. Texte par les principaux critiques d'art. P., Launette, Goupil Cie, 1883. 2 volumes in- folio. Reliure demi-maroquin lie de vin à coins, dos à 5 nerfs avec pièce de titre et tomaison en lettres dorées, tranche supérieure dorée. Tome I : [4ff], 192pp, [3ff]. Tome II : [4ff], suite pagination à 384pp, [3ff]. Pages de garde en papier coloré. Nombreuses et magnifiques illustrations en noir et blanc à beau contraste sur papier de Hollande hors et dans le texte, eau fortes… Rares rousseurs. Quelques biographies illustrées : Gustave Doré par Saint-Juirs. - Alphonse De Neuville par Armand Sylvestre. - Louis Leloir par Jules Claretie. - Maurice Leloir par H. De Chennevières. - Baronne Nathaniel De Rothschild par Ludovic Halévy. Bel ex-libris. Ouvrage dans un état exceptionnel. 385 € + port (l'ensemble pèse 11kg !)

mercredi 27 avril 2011

Quelle est l'image du bibliophile aujourd'hui dans la société ? Bonne , j'espère ?


Nadia, notre photographe bordelaise, a encore frappé ! De passage à Tarascon, elle a pris quelques clichés de la librairie. Enfin, pas tout à fait de la librairie mais du libraire… Mon ego aurait pu en prendre un coup si je n'étais pas d'une grande modestie naturelle ;-))

Pour ma défense, je dois préciser que je n'ai pas posé et donc que je ne l'ai pas vu opérer pendant que nous parlions de tout et de rien (malines, les femmes !) Résultat : En présentant une seule de ses photos sur filckrr (imprononçable), elle a rajeuni d'un coup l'image du bibliophile. "Je préfère cette image du bibliophile à celle du vieillard cacochyme de Louise de Hem !!" commentait avec pertinence, Textor qui pourtant n'est plus tout jeune. J'en veux pour preuve la caricature désastreuse que je viens de trouver dans une bande dessinée de la Semaine de Suzette dont je mets aujourd'hui une grande quantité de numéros à la vente (toujours ce côté mercantile, me direz-vous !). Lisez donc :


Boileau, le grand poète satirique du XVIIeme siècle possédait à Auteuil une maison de campagne où il réunissait souvent ses amis Molière et La Fontaine. Il avait comme voisin un marquis, bibliomane fanatique, n'estimant les livres que d'après leur rareté ou leur reliure… Un jour l'auteur du Lutrin dit à Antoine son jardinier d'aller de sa part emprunter un volume à son voisin.

"Tu diras à ton maître, répond le marquis, que je ne laisse aucun livre sortir de ma collection mais que je lui donne entière liberté de venir lire toute la journée dans ma bibliothèque"


Boileau n'insista pas. Mais, à peu de temps de là, le bibliomane eu besoin d'un arrosoir et l'envoya emprunter à son voisin. Le satirique écrivit aussitôt en réponse :

" Je ne laisse sortir aucun arrosoir de mon jardin ; mais si M. le marquis veut bien venir arroser chez moi toute la journée, il me fera plaisir."

Voilà comment se colportait la réputation détestable des bibliophiles ! D'un autre côté, je n'aurais pas prêté de livre, non plus. Mais j'en vends à l'occasion ;-)) Pierre


Merci à Nadia pour les photos !

mardi 26 avril 2011

Guy de Maupassant. La maison Tellier, exemplaire sur chine...

« Je suis entré dans la littérature comme un météore, j'en sortirai comme un coup de foudre » Henry René Albert Guy de Maupassant.

Pour faire suite aux deux premiers billets présentant des œuvres de Guy de Maupassant, je vous propose deux exemplaires de l'auteur qui ont en commun d'être les premières éditions illustrées de ces titres.


L'un est un exemplaire sur chine, réservé aux bibliophiles de papier, La maison Tellier qui regroupe 9 nouvelles, l'autre est un exemplaire sur vélin, Pierre et Jean fort bien illustré pour les grands bibliophiles (adeptes des grands formats).


La Maison Tellier paraît en 1881; gros succès. Même Tolstoï applaudit. Avec l'argent obtenu, Maupassant fait construire une demeure à Etretat. C'est là que naissent ses enfants (de plusieurs mères différentes), Maupassant continuant par ailleurs à fréquenter les "Maisons Telliers". On reste d'ailleurs sans voix sur le fait que se sachant atteint de syphilis, sa vie ait pu être aussi dissolue. Le tréponème avait encore de beaux jours devant lui…


Pierre et Jean est un roman paru en 1888. Il s'agit d'une sordide histoire familiale dans la veine des romans réalistes de l'époque. Un secret, un soupçon de jalousie et le temps qui passe permettront à l'auteur de faire un tableau sans concession de la bourgeoisie provinciale de l'époque.


Il faut vraiment relire ces nouvelles. Les plus âgés de nos lecteurs se remémoreront l'époque où Maupassant était encore étudié à l'école et l'époque où ils l'ont donc haï. Ceux de ma génération regretteront amèrement d'y avoir échappé car s'étendre sur les poèmes de Prévert ou le génie de Boris Vian n'était pas été une sinécure, non plus.


MAUPASSANT Guy. La Maison Tellier. Les Tombales; Sur L'eau; Histoire D'une Fille De ferme. Paris, Paul Ollendorf libraire éditeur, 1899. Broché, couverture illustrée teintée vert clair. Format in 4. 267 pages, 80 compositions de René Lelong, gravées sur bois par G. Lemoine. Exemplaire imprimé pour la Librairie Bernoux et Cumin à Lyon. Grand papier. Un des exemplaires sur chine avec un dessin original (aquarelle sur satin) ayant servi à la publication et pouvant être relié dans le volume + un tirage à part des bois sur chine avec remarques. Quelques légères rousseurs marginales. Vendu


Qu'est qu'une remarque quand elle n'est pas désobligeante ? C'est un petit croquis tracé par le graveur dans les marges d'une planche en cours d'exécution, lequel, après impression des premières épreuves, sera supprimé pour le tirage définitif (Dacier 1944). On parle alors d'épreuve avec remarque. Il s'agit, là encore, d'offrir au bibliophile un exemplaire à tirage restreint qui valorise son acquisition. Dans notre exemplaire, les remarques semblent être des chiffres notés au bas des gravures hors texte. Une incertitude : Le terme de "tirage à part" m'intrigue car l'ouvrage est présenté avec ses gravures sur chine in texte. Si quelqu'un peut m'expliquer…


Idem pour le dessin original qui, sur cet exemplaire, semble être l'aquarelle mentionnée sur les 10 exemplaires sur japon !


Pierre qui s'interroge.


MAUPASSANT. Pierre et Jean. Paris Boussod, Valadon et Cie 1888. Grand in-4 broché 170pp. Orné de 9 têtes de chapitres et 9 culs de lampes d'après les aquarelles d'Ernest Duez et 18 illustrations hors texte d'après les aquarelles d'Albert Lynch. Exemplaire sur papier vélin avec les planches en noir. Première édition illustrée de cette œuvre de Maupassant. 75 € + port

lundi 25 avril 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Les bibliophiles de papier…


Pierre est parti, ce lundi, rencontrer ses amis libraires à l'Isle sur Sorgue. Comme la cité est ville morte, aujourd'hui, avec le chassé-croisé des vacances de Pâques, je profite du calme de la boutique pour trier un peu le courrier auquel notre libraire tarasconnais ne répond jamais. "Question de principe", me dit-il, comme pour légitimer sa négligence… Je retrouve donc un petit mot dans l'ouvrage qu'il me demande de soumettre à votre convoitise. Il a dû le laisser en évidence à mon intention. Je vous le livre tel quel :

Cher Monsieur,

J'ai hérité d'une bibliothèque dont les ouvrages sont tous sur papier de chine. Je n'y connais rien en livre mais je mets personnellement un point d'honneur à ne lire que des ouvrages écrits sur du papier français. Il en va de notre équilibre budgétaire et de l'honneur de la France ! Je présume que ces ouvrages en papier chinois ne valent rien. Pourtant, on disait dans la famille que mon oncle était bibliophile. S'est-il fait rouler sur la qualité de ses bouquins toute sa vie ? Dans l'affirmative le mal n'est pas grand car c'était un horrible bonhomme… Venez chercher les livres jeudi soir car autrement, je les mets tous à la poubelle. G.D***

La signature est illisible mais l'adresse a été découpée. Pierre a dû faire un détour ce jour là !

Que dire ? Les Exemplaires tirés sur papier de Chine sont toujours des ouvrages de très grand luxe et ce beau papier est pratiquement introuvable aujourd'hui. Les bibliophiles aiment, recherchent et conservent avec soin les livres et en particulier les tirages restreints sur vélin ou parchemin, sur grand papier, sur papier de Chine, du Japon, ou papier de Hollande. C'est ce que rappelait mon confrère A. France quand, associé à Lemerre, il évoquait la bibliophilie au XIXe siècle…


Bien qu'on se serve aujourd'hui de papier de coton pour la presque totalité des livres, le papier dit "de Hollande" est un beau papier durable, solide, riche, et convient aux livres de luxe. Ce papier n'est pas originaire de la Hollande comme son nom pourrait le faire croire : Après la révocation de l'Edit de Nantes, les principaux fabricants français allèrent exercer leur industrie en Hollande et nous envoyèrent dès lors leurs produits. Ceux de la marque Whatman, entre tous, sont d'une pureté qui les rend particulièrement propres à recevoir les dessins au lavis des architectes.


Les papiers de coton, comme nous l'avons dit, sont employés aujourd'hui pour tous les livres qui ne sont pas d'un luxe exceptionnel. Ces papiers sont fabriqués non à la forme, mais à la mécanique. Le papier de coton, bien qu'il ne donne pas les mêmes promesses de durée que le papier de fil (erreur !), est capable de se conserver intact par delà les limites ordinaires de la vie humaine, ce qui doit rassurer les bibliophiles, lorsque du moins le coton y est pur, et non mêlé, comme il arrive souvent, à des substances fibreuses végétales et minérales, telles que paille, écorce d'arbre, kaolin, sable, etc.


Le papier de Chine a besoin d'une mention spéciale ; il en faut préciser l'emploi. Toute personne qui n'est pas absolument étrangère aux livres et aux estampes sait distinguer le vrai papier de Chine du chine français qui en diffère sensiblement. Nous parlons ici du vrai chine, léger comme du liège, très-mince et très-spongieux à la fois, et doux et brillant comme un foulard de soie. Malgré toutes ces qualités, le papier de Chine, trop inconsistant, doit sa réputation, non pas à sa propre beauté, mais bien à ses affinités particulières avec l'encre d'impression. Son tissu lisse et mou tout ensemble est plus apte qu'aucun autre à recevoir un beau tirage. Cette propriété, qui fait rechercher le papier de Chine pour le tirage des gravures, est celle-là même qui en justifie l'emploi pour les tirages typographiques. L'impression y vient avec une incomparable netteté. Les livres imprimés en petit texte gagnent particulièrement à être tirés sur chine.


Nous rappelons aux amateurs que ce papier, fabriqué avec des substances végétales, est soumis à un travail incessant de décomposition d'où résultent éventuellement ces petites rousseurs dont aucun papier, d'ailleurs, n'est absolument exempt. C'est l'humidité, ce grand agent de décomposition, qui hâte l'apparition de ces taches. Il importe au bibliophile de les prévenir. Nous ne saurions trop donner le conseil aux bibliophiles de se rapprocher de leur libraire ou de leur relieur pour avoir des avis éclairés sur la chose...


Il y a donc une bibliophilie de papier comme il y a une bibliophilie de provenance ou de reliure. Le caractère restreint de ces publications en fait des exemplaires de collection et de convoitise. Il me reste à trouver des collectionneurs invétérés chez les lecteurs de Pierre. Appelons-les des "incurables"…Votre dévoué. Philippe Gandillet

Ce roman de Guy de Maupassant a été publié en feuilleton à Paris en février et mars 1883. Il a été publié en volume la même année. Il relate les rêves et les désillusions de Jeanne, la fille d'un baron qui met une grande constance à accumuler les épreuves. Plus pathétique, je ne connais que Madame Bovary et Le père Goriot !


MAUPASSANT (Guy de). Une Vie. Paris, Société d'Edition Littéraires et Artistiques, Librairie Ollendorff 1901. Broché, couverture illustrée rempliée, format in 8. Illustrations de A. Leroux. Gravures sur bois de G. Lemoine. Il a été tiré à part 125 exemplaires sur papiers de luxe numérotés à la presse, celui-ci un des 70 sur papier de Chine (n° 82). Première édition illustrée. 1883 - Paris, Victor Havard, 1883, 341 p. (Edition originale) / 1896 - Paris, Ollendorff, 1896, 343 p. Bel Ex-libris "in lumine artes" (à la lumière des arts). Quelques rousseurs. Bel état. Vendu

samedi 23 avril 2011

Guy de Maupassant. L'édition originale de "Clair de lune" dans une jolie reliure signée.


Chroniqueur, nouvelliste et romancier français, Guy de Maupassant (1850-1893) vit sa carrière commencer avec la publication de sa nouvelle "Boule de suif " dans les fameuses Soirées de Médan (1880). C'est le succès immédiat auquel n'est pas étranger Flaubert, un ami (presque son père) qui le pousse à écrire dans la veine réaliste. Il était d'ailleurs lié avec Zola, Huysmans, Mirbeau, Tourgueneff et les Goncourt. Célèbre, il partage son temps entre l'écriture de chroniques et nouvelles pour les périodiques, de romans et les récits de ses voyages et mondanités qui occupent l'autre partie de son temps. Souffrant de la syphilis (comme Daudet et d'autres à cette époque. Vous pouvez m'envoyer la liste si vous la connaissez !) contractée dans sa jeunesse, son état ne cessera d'empirer. Il est interné dix-huit mois dans la clinique du Dr Blanche à Passy avant de mourir…


Le recueil de contes et nouvelles que je vous propose s'intitule "Clair de lune". Par ordre chronologique, vous y trouverez : Clair de lune , Un coup d'Etat, Le loup, L'enfant, Conte de Noël, La reine Hortense, Le pardon, La légende du Mont Saint-Michel, Une veuve, Mademoiselle Cocotte, Les bijoux et Apparition. L'édition définitive de 1888 comportera d'autres nouvelles.


Ce recueil est un peu surprenant en raison de son assemblage de nouvelles sans point commun apparent. Les sujets sont multiples : un homme décide de se ranger mais, le jour de son mariage, se découvre un enfant illégitime ; un ecclésiastique sorti de nuit pour surprendre sa nièce en compagnie d’un jeune homme tombe sous le charme du clair de lune et abandonne ses idées de poursuite ; un homme devient fou après avoir noyé sa chienne ; un autre croise un fantôme ; deux vieilles filles sont exposées aux regards réprobateurs de leurs semblables ; un docteur tente de prendre le pouvoir dans son village après la chute de Napoléon III ; un homme heureux en ménage découvre les infidélités de son épouse après le décès de celle-ci ; un instituteur accusé d’avoir assassiné ses élèves… voilà pour la plupart des récits, contes ou nouvelles qui constituent ce recueil.


Il faut rappeler l’influence de l’actualité sur le travail de Maupassant, qui fait correspondre ses récits aux dates de publication. "Mademoiselle Cocotte", l’histoire de la chienne noyée, correspond au projet de création de la SPA, "Les Bijoux", qui évoque notamment le petit salaire d’un fonctionnaire, fait écho à la campagne en faveur des petits et moyens fonctionnaires, réduits à une quasi-pauvreté. Parfois, la nouvelle n’a pas de rapport avec l’actualité mais celle-ci est évoquée brièvement dans la conversation, souvent en introduction, les faits divers servant de prétexte à l’histoire qui va suivre.


Le recueil est d’ailleurs dans l’ensemble assez pessimiste et présente une majorité d’hommes et de femmes bêtes, avides, grotesques, et surtout malheureux. Les femmes sont abordées sous divers angles ; avec dureté et une certaine amertume humoristique lorsqu’il s’agit des demi-mondaines, des superficielles, des artificielles, des femmes fatales ; avec une certaine compassion lorsque les figures féminines souffrent de la cruauté de leur entourage.


Les histoires sont brèves, les faits clairement exposés, le cadre minime. Tout semble parfaitement maîtrisé et pourtant, le style agréable de Maupassant est vibrant d’émotions, pouvant altérer rapidement notre ressenti en quelques mots empreints de mélancolie, d’enthousiasme moqueur ou de contemplation sensuelle. On s’abandonne avec plaisir devant la variété des tons et des sujets. Certaines nouvelles sont particulièrement marquantes, de par la justesse du ton et le traitement de sujets difficiles : "L’Enfant", l’histoire de ce mari revenant le soir de ses noces avec un enfant illégitime dans les bras ; "La Reine Hortense", celle de cette vieille fille au cœur dur soudain rappelée à ses instincts maternels au moment de mourir ; "Les Bijoux", l’histoire de ce petit fonctionnaire trompé par son épouse.


Alors, si vous aussi avez un peu délaissé cet écrivain, n’hésitez pas à le retrouver à l’occasion avec ce recueil très plaisant. Les bibliophiles apprécieront la reliure signée et le fait de retrouver cette édition originale dans un beau format et bien illustrée. Pierre


MAUPASSANT (Guy de). Clair de lune. Paris, Monnier, 1884 (imprimé en 1883). In-4. Reliure demi-basane havane chinée à coins et plat en papier marbré épais, dos lisse avec pièce de titre en lettres dorées sur cuir citron, motif de lune en queue. Page de garde grise. Reliure signée (chiffre APB). Superbe couverture conservée. Rousseurs marginale et sur la page de couverture conservée. Edition originale illustrée par Boutet de Monvel, Grasset, Jeanniot, Rochegrosse.. etc. Edition originale ; les premiers textes ont été publiés dans Le Gaulois en 1882. L’édition définitive, plus complète a été établie par Maupassant en 1888. Bel ouvrage. Vendu