mardi 5 avril 2011
Marius AUDIN. Histoire de l'imprimerie par l'image
Nul doute que Marius Audin aurait été invité à un "dîner de cons"… Il en est ainsi de ces passionnés qui vivent en dehors du monde, dont on se moque mais qui se révèlent être, a posteriori, des gens exceptionnels.
Né d'une famille de paysans modestes à Beaujeu, Marius Audin (1872-1951) se lança dans l'étude de l'histoire naturelle de son pays natal dès ses plus jeunes années. Collectionneur-né, il a déjà à l'âge de vingt ans, un herbier comptant un millier d'espèces. Mais s'il adore rassembler des choses ce n'est pas simplement dans le but d'en faire une collection ; c'est aussi pour y mettre de l'ordre. C'est une activité dont il ne se lassera jamais jusqu'à la fin de sa vie. (On a estimé qu'il a rédigé plusieurs millions de fiches au cours d'un demi-siècle de recherches historiques sur des sujets aussi divers que l'histoire locale, la papeterie et le patois beaujolais.)
Quelques années plus tard, en 1892, on le trouve installé à Lyon où il est commis-greffier près du Tribunal de Commerce. Il restera greffier jusqu'en 1905, treize ans pendant lesquels il mènera une sorte de double vie partageant son temps entre son travail et ses recherches botaniques. Ce n'est que vers 1906, à l'âge de 34 ans, que les intérêts et la carrière de Marius Audin commencent à prendre une autre tournure. Ses recherches botaniques se poursuivent mais, depuis un certain temps, il s'est lancé dans son Essai de bibliographie beaujolaise. C'est aussi en 1906 que, grâce à l'intervention de l'imprimeur Alexandre Rey, Marius Audin va enfin pouvoir quitter son poste de greffier. Rey, patron de l'une des plus grosses imprimeries de la ville, lui confie la direction d'un journal d'annonces judiciaires, la Gazette judiciaire. Désormais, il sera en contact direct avec le monde de l'imprimerie.
A partir de 1909, ses travaux botaniques sont de plus en plus remplacés par des études historiques. Son Essai de bibliographie beaujolaise sera suivi d'une série d'articles sur le même thème publiés entre 1906 et 1908 dans le Bulletin de la Société des sciences et arts du Beaujolais. En même temps ses publications commencent à refléter son intérêt croissant pour des sujets plus artistiques : Bibliographie iconographique du Lyonnais, études sur les sculpteurs Lamoureux et le graveur Claude Séraucourt.
Mais, en 1910, un nouveau changement se produit dans la vie professionnelle de Marius Audin. Ayant fait ses preuves chez Rey, il quitte la direction de la Gazette judiciaire pour prendre en main son concurrent, les Petites affiches, édité et imprimé par l'imprimerie P. Decléris. Dès lors, le monde de l'imprimerie ne le lâchera plus jusqu'à la fin de sa vie. La grande guerre marque une pause dans les écrits de Marius Audin, mais pas dans ses recherches, de plus en plus engagées dans la voie de l'histoire des arts appliqués en général et des arts graphiques en particulier. Le monumental Dictionnaire des artistes et ouvriers d'art du Lyonnais, préparé en collaboration avec un autre érudit lyonnais Eugène Vial, paraît en deux tomes en 1919.
Audin s'engage aussi dans une collaboration avec l'éditeur lyonnais Cumin et Masson. Il s'occupe d'abord de la Collection des Amis du vieux Lyon, puis, il commence une série d'ouvrages sur le livre et le papier dont les premiers seront La Vie des livres, leur histoire en images, racontées par eux-mêmes, publié à vingt-cinq exemplaires en 1917, et Nos vieux moulins du Rhône, publié un an plus tard. Bien plus important est la parution en 1921 chez Cumin et Masson du Livre, sa technique, son architecture et en 1929 de l'Histoire de l'imprimerie par l'image en 4 tomes qui sont rapidement devenus des références pour les bibliophiles. C'est ce dernier ouvrage que je vous propose à la vente aujourd'hui.
On sait combien rares sont les études techniques rédigées en connaissance de cause par des hommes de l'art et qui sont capables d'y intéresser des lecteurs. Tel est le cas de ces ouvrages, œuvres d'un technicien réputé, qui ne s'est pas contenté d'écrire son ouvrage, il l'a imprimé lui-même, avec une rare perfection.
La première partie est une étude sur l'histoire et les techniques de l'imprimerie et contient un album de 249 figures. L'étude comporte une série de notices sur les essais pré-typographiques, sur l'invention de la typographie proprement dite et sur les principaux imprimeurs de l'âge héroïque. Suit l'étude analytique des caractères avec 266 figures, la présentation de ces caractères sous forme de livres avec 243 gravures et pour terminer l'utilisation de ces caractères dans l'élaboration de petits travaux de presse qui ne contient que 13 pages de texte pour tout le tome. Ces ouvrages ne visent à former, ni une histoire chronologique de la typographie, ni un traité de typographie rétrospective ; elles se contentent de présenter chaque technique ou matériel et permettent au lecteur de se faire son opinion à lui, s'il le désire.
Inutile de dire combien sont précieuses pour le profane les indications de Marius Audin sur l'outillage et les procédés des vieux imprimeurs. L'histoire se poursuit à travers les siècles modernes : double histoire, des grands imprimeurs et des procédés. L'atelier, la casse et les caractères ; la presse ; le papier ; l'encre — puis, lorsque le machinisme industriel envahit l'imprimerie, les machines à composer (linotype et monotype) et la presse mécanique font l'objet de notices toujours conçues dans le même esprit. L'album, excellent, est en liaison étroite avec le texte. On y trouve des spécimens des plus remarquables impressions connues, des origines de la typographie jusqu'au xxe siècle ; des reproductions de marques et de titres célèbres ; des dessins de machines ou d'outils, depuis les plus anciennes presses jusqu'aux rotatives contemporaines ; des portraits de grands imprimeurs et de grands techniciens du livre, depuis les grands ancêtres jusqu'à leurs successeurs du xixe siècle. Tout cela est un régal pour les yeux. Avec la collaboration de M. Febvre… Pierre
AUDIN (Marius). Histoire de l'imprimerie par l'image. Henri Jonquières, Paris 1929. 4 volumes in 4. Brochés. Tome I : L'histoire et la technique.126 pages, 250 illustrations. Tome II (non coupé) : La lettre d'imprimerie. 105 pages, 266 illustrations. Tome III (non coupé) : Esthétique du livre. 111 pages, 242 illustrations. Tome IV : Bibelots et bilboquets. 13 pages et de nombreuses illustrations. Histoire des premiers imprimeurs, évolution des techniques d'impressions, diffusion de cet art. Illustré de très nombreuses reproductions de gravures anciennes et modernes. Très bel état. Vendu
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17 commentaires:
Ouah ! Quatre volumes in-quarto sur l'histoire de l'imprimerie, voilà qui va bien. Qui plus est imprimés à Lyon, ville importante s'il en fut dans ladite histoire et où se trouve sans doute le plus important musée de l'imprimerie en France (je le dis de façon pas trop affirmative, que les éventuels autres m'excusent). C'est pas encore un Fertel ou un Fournier, mais c'est déjà bien tentant. D'autant qu'une des dernières fois où un Fournier a mis le nez dehors, et encore je crois me souvenir qu'il ne s'agissait que d'un tome II, c'était à un prix largement (mais alors là, largement) supérieur.
Les lecteurs observateurs auront noté qu'à l'arrière-plan de la gravure du typographe on peut distinguer un visorion. Mais je jure que je n'y suis pour rien.
Je me doutais que auriez noté ce détail de la gravure ;-)) Pierre
J'ai fais l'acquisition de cette série l'année dernière, en moins bel état que celle-ci (les dos et les couvertures sont brunis et un peu usés)... dommage sinon j'aurais craqué pour celui-ci bien plus frais.
Relié en demi-maroquin j'aurais fais l'effort de revendre le mien... mais là...
Je ne les ai pas sous la main (ils sont comme beaucoup de documentation ... en carton ... ce qui est bien dommage... je sais.. mais trop c'est trop...) donc je ne me souviens plus s'il existe un tirage de tête sur papier de luxe ? Merci pour l'information.
B.
Je regarderai demain sur mes exemplaires. Comment pouvez-vous faire pour mettre tous vos ouvrages dans des cartons ? Sont-ils classés, archivés ?
Je dois reconnaitre que j'ai un besoin physique de toucher mes livres, quels qu'ils soient, ce qui fait que, dès que j'ai pu, j'ai investi dans des rayonnages que j'ai placé partout où il restait de la place dans la maison. Avant d'avoir la boutique, j'avais rempli mon garage d'étagères... Quel Bin's !
En contrepartie, je devais supporter quelques réflexions de mon épouse avec stoïcisme... Pierre
deux granges garnies d'étagères... une boutique remplie... il ne me restait plus que la solution de grandes caisses en plastique (par vraiment des cartons donc) pour stocker le moins utile... ou disons plus justement, ce qui ne m'est pas indispensable... mais je plie déjà sous le poids des caisses... la place disponible étant à mon avis les problème récurrent du métier.... (sourire).
B.
Hum... je vais glisser une suggestion : ce qui est en caisse, Bertrand, vous ne vous en servez visiblement pas, un peu comme nous et nos armoires pleines de vêtements qui nous font dire, parfois, le matin "j'ai rien à me mettre !"... moi, ce que je n'ai pas porté d'une saison, je considère que je ne le mettrai plus, et je le donne.
Pourquoi ne donneriez vous pas le contenu de vos caisses....... à Pierre, au hasard ??
(aïe aïe aïe)...
Nadia, je vous embrasse ;-))
Votre suggestion est excellente ! Justement, je n'ai plus rien à lire... Pierre
oui Nadia.... pourquoi pas... sauf moi que moi j'adore quand une femme écrit : "j'ai rien à me mettre !" ... en tout bien tout honneur bien sur mais tout de même... le printemps... les sens...
Je vais repiquer du nez dans mes cartons... ça vaut mieux.
Pardon et auto-flagellation Pierre pour cet aparté curiosatique... je n'ai pu résister.
B.
Bertrand, imaginez juste qu'au lieu d'être en tenue d'Eve devant mon armoire en me posant des questions métaphysiques, je sois encore revêtue de ma robe de chambre en pilou rose, avec, aux pieds, des charentaises version Raymonde Bidochon ? ça vous fait pareil, ou d'un coup, c'est l'hiver ?
Dans le genre pataphysique, les charentaises à spirale, c'est top, quand même Nadia.
On veut des photos, oui, on veut des photos.
Bien le bonjour chez vous.
Sandrine:)
Soyons printanier, Nadia ! Chaque matin, je me lève en sifflotant, je mors à belles dents dans une pomme fruitée, je suis déjà rasé de près, je noue mes lacets sans difficultés en baissant mon torse musclé, je tourne la tête pour déboiter à vélo sans mouvement de douleur, je saute de mon cycle en faisant quelques pas de danses et je laisse flotter mes cheveux au vent car je le vaux bien...
Pareil pour vous, non ? Pierre
Le pilou rose, comment dire... ça...
B.
Chaque matin, Pierre, je me lève en gémissant, je mors à belles dents de céramique dans une pomme verreuse, je ne suis pas encore rasée (mais je comptais le faire), je noue les lacets de ma gaine en grinçant un peu, je sors la tête par ma fenêtre de voiture pour déboiter, je descends de la même voiture les deux pieds en avant d'un air gracieux (mince, j'ai gardé mes charentaises ! back home !) et je tiens fermement ma perruque que le léger vent bordelais risque d'envoler, je pense que je le vaux aussi...
What else ?
Bon, j'avoue ! Il m'arrive de ne pas me reconnaitre le matin dans la glace...
Merci pour ce grand moment de bonheur, Nadia ;-))) J'en ai les yeux plein de larmes. Je suis certain que tous les lecteurs vous accorderont, à l'unanimité, le trophée du commentaire d'or du mois. Pierre
Nadia, les charentaises sont la marque de fabrique des vrais bibliophiles !
Pour les problèmes de rangement des livres, j'ai pris un coach. Il m'a appris un tas de trucs simples à mettre en pratique. Par exemple, les vêtements tiennent moins de place dans un carton, et cela permet de mettre des livres dans la penderie; savez-vous que le lait et le beurre se conservent très bien sur la fenêtre (en Bretagne) et que cela libère de la place pour les reliures dans le frigo; le four pareil, il suffit de manger des salades; il y a aussi pas mal de place perdue dans le lit entre les conjoints passés 40 ans. Bref la bibliophilie passe par l'optimisation de l'espace !
Textor
Pierre, Nadia, pas de quoi prendre le mors aux dents, mais cette absence de "d" dans "je mords" me fait demander s'il n'y a pas eu contamination à partir d'un récent article sur l'intérêt comparé des mors au quart, au tiers ou au centuple. :-)
Exactement ! J'en suis mort de honte ;-)) Pierre
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