lundi 31 octobre 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Eloge de la fatigue par Robert Lamoureux...


Ce ne sont pas les espèces les plus fortes, les plus intelligentes qui survivent mais celles qui savent s'adapter, même si Darwin est actuellement violemment contesté par ceux qui sont persuadés que Dieu, Allah, Jehovah – enfin qui vous voudrez – a crée l'homme à son image et que si les pingouins n'ont pas froid aux pieds sans avoir besoin de porter de chaussettes, ce n'est pas un hasard !

Ceci étant, Dieu est parfois fatigué ou a le sens de l'humour : Il a crée l'ornithorynque pour nous faire rire et inventé la prostate pour nous emmerder. Je ne vous parle même pas des poils qui poussent, avec l'âge, dans les oreilles et le nez à mesure que ces derniers disparaissent sur le crâne ;-))

C'est la profonde réflexion qui m'est venue ce matin en apprenant la disparition d'un artiste à la plume délicate, plein d'un esprit léger et qui se moquait de la vie quand elle lui échappait. Peut-être était-il, simplement, fatigué de vivre ?

Vous me dites, Monsieur, que j'ai mauvaise mine,
Qu'avec cette vie que je mène, je me ruine,
Que l'on ne gagne rien à trop se prodiguer,
Vous me dites enfin que je suis fatigué.

Oui je suis fatigué, Monsieur, et je m'en flatte.
J'ai tout de fatigué, la voix, le coeur, la rate,
Je m'endors épuisé, je me réveille las,
Mais grâce à Dieu, Monsieur, je ne m'en soucie pas.
Ou quand je m'en soucie, je me ridiculise.
La fatigue souvent n'est qu'une vantardise.
On n'est jamais aussi fatigué qu'on le croit !
Et quand cela serait, n'en a-t-on pas le droit ?

Je ne vous parle pas des sombres lassitudes,
Qu'on a lorsque le corps harassé d'habitude,
N'a plus pour se mouvoir que de pâles raisons...
Lorsqu'on a fait de soi son unique horizon...
Lorsqu'on a rien à perdre, à vaincre, ou à défendre...
Cette fatigue-là est mauvaise à entendre ;
Elle fait le front lourd, l'oeil morne, le dos rond.
Et vous donne l'aspect d'un vivant moribond...

Mais se sentir plier sous le poids formidable
Des vies dont un beau jour on s'est fait responsable,
Savoir qu'on a des joies ou des pleurs dans ses mains,
Savoir qu'on est l'outil, qu'on est le lendemain,
Savoir qu'on est le chef, savoir qu'on est la source,
Aider une existence à continuer sa course,
Et pour cela se battre à s'en user le coeur...
Cette fatigue-là, Monsieur, c'est du bonheur.

Et sûr qu'à chaque pas, à chaque assaut qu'on livre,
On va aider un être à vivre ou à survivre ;
Et sûr qu'on est le port et la route et le quai,
Où prendrait-on le droit d'être trop fatigué ?
Ceux qui font de leur vie une belle aventure,
Marquant chaque victoire, en creux, sur la figure,
Et quand le malheur vient y mettre un creux de plus
Parmi tant d'autres creux il passe inaperçu.

La fatigue, Monsieur, c'est un prix toujours juste,
C'est le prix d'une journée d'efforts et de luttes.
C'est le prix d'un labeur, d'un mur ou d'un exploit,
Non pas le prix qu'on paie, mais celui qu'on reçoit.
C'est le prix d'un travail, d'une journée remplie,
C'est la preuve, Monsieur, qu'on marche avec la vie.
Quand je rentre la nuit et que ma maison dort,
J'écoute mes sommeils, et là, je me sens fort ;
Je me sens tout gonflé de mon humble souffrance,
Et ma fatigue alors est une récompense.

Et vous me conseillez d'aller me reposer !
Mais si j'acceptais là, ce que vous me proposez,
Si j'abandonnais à votre douce intrigue...
Mais je mourrais, Monsieur, tristement... de fatigue.

Robert Lamoureux

samedi 29 octobre 2011

Registre des lois d'octobre 1790 à janvier 1791, parfois annoté par son destinataire...

Pour suivre le déroulement de la Révolution française à ses débuts, le mieux est encore d'aller à la source, de feuilleter tranquillement l'ensemble des lois qui ont émaillé cette période et qui répondent, à chaque fois de façon individuelle, à un problème soulevé par la Révolution.


Je vous propose de vous emmener, aujourd'hui, aux derniers mois de 1790, période où le conflit avec le clergé prend toute son ampleur. Le siècle des lumières ne s'était pas contenté de démontrer qu'une Foi immanente était un leurre et aussi qu'elle ne résistait pas aux démonstrations d'une science exacte. Il fallait tuer la bête ! La lecture des nombreuses lois visant à démanteler l'empire financier du clergé rappelle un peu la tâche d'un administrateur les biens face une société (religieuse) en liquidation judiciaire.


Et l'on réalise alors, à la lecture des lois votées par l'assemblée, que la Révolution était autant attachée, en ces périodes, à déshabiller le clergé qu'à habiller la bourgeoisie…On constate aussi que ces mêmes lois visaient à maintenir une autorité sur des provinces qui tenaient à leurs prérogatives. Les régions devaient accepter la formation des départements et l'envoie des agents de l'état nommés en fonction de la nouvelle répartition territoriale.


Tous les historiens sont d'accord sur l'enthousiasme indescriptible qui, à ce moment, anima le peuple tout entier et qui gagna même les ennemis du nouvel ordre de choses. On croyait que la liberté, l'ordre, le progrès, le bonheur dépendaient de la Constitution, et qu'une vie nouvelle allait commencer. On croyait aussi à la sincérité du Roi. Malheureusement, la fédération ne fut qu'une trêve, fort courte, aux hostilités des partis.


Le premier problème sera celui de l'armée et de nombreuses lois vont encadrer son action, vous le lirez. L'armée était travaillée par les deux partis. D'une part, les officiers qui appartenaient à la noblesse et qui ne cachaient pas leur préférence pour l'ancien régime, d'autre part les soldats qui faisaient cause commune avec le peuple et se défiaient de leurs officiers, les accusaient de voler une partie de la solde, les menaçaient et les insultaient. Il en résulta des révoltes jugulées par décret…


Les plus sérieuses difficultés furent causées par la déclaration de la constitution civile du clergé (décrétée en juillet et sanctionnée en décembre 1790). Elle amena dans l’Église un véritable schisme, le pape y ayant refusé son adhésion. Il y eut deux clergés, l'un constitutionnel, l'autre réfractaire. Les évêques et les curés destitués, pour n'avoir pas prêté le "serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi", refusèrent de quitter leurs fonctions et d'abandonner leurs diocèses où ils prêchèrent la désobéissance à l'Assemblée et fomentèrent des troubles.


Toutes ces lois n'eurent pas, heureusement, un fondement et des conséquences tragiques. Il fallait déterminer la couleur de notre drapeau, la présentation des boutons de la Garde nationale, tout ceci par décret… Nous avons échappé à quelques lois fort amusantes. Le Mercure national publie en décembre 1790 un article qui propose que désormais tous les citoyens aient recours au seul tutoiement. "Le vous étant à l’origine adressé au seigneur et signifiant : Toi et tes vassaux" !


Je peux vous fournir la liste des 94 lois inscrites dans ce fort volume, si vous le désirez. Je ne le fais pas ici, pour ne pas surcharger ce billet du samedi. L'exemplaire que je vous propose est en très bel état. Il perdrait de sa valeur à être tronçonné ! C'est un document de travail, évidemment, mais la qualité de sa présentation et la multiplicité des vignettes en début de lois raviront aussi les bibliophiles. Je vous présenterai bientôt un volume de la même bibliothèque datant de 1793. Ça rigolera moins… Pierre


REGISTRE DES LOIX. 94 brochures in-4, A Paris de l'Imprimerie nationale. Dernier trimestre 1790. Reliure parchemin. Dos à trois nerfs. Fermeture par lanière. Bel état. Vendu
1- Loi relative aux religieux et religieuses réguliers et séculiers 14/10/1790
3 - Loi pour l'administration des biens des monastères 23/10/1790
6 - Loi relative à la municipalité de la ville de Castres 31/10/1790
7 - Loi relative à la vente du sel 31/10/1790
9 - Loi qui fixe les couleurs des pavillons 31/10/1790
15 - Loi sur le remboursement de la dette 05/11/1790 (sic)
24 - Loi concernant la fabrication des assignats 10/11/1790
29 - Loi relative à la fourniture du tabac aux matelots 17/11/1790
31 - Loi sur la vente des étalons de la nation 19/11/1790
39 - Loi pour l'habillement et l'armement des vainqueurs de la bastille 19/11/1790
48 - Loi sur la tranquillité de la ville d'Avignon 01/12/1790
54 - Loi relative à la création des tribunaux d'Appel 01/12/1790
57 - Loi relative au règlement des pensions du clergé 05/12/1790
58 - Loi relative à la subsistance des orphelins 10/12/1790
75 - Loi sur l'octroi d'argent au ministère de la marine 12/12/1790 (vers les missions d'Amérique)
93 - Loi relative aux boutons de la garde nationale 05/01/1791

vendredi 28 octobre 2011

Martigues et les Étangs au Mistral par Joanny Drevet sur un texte de Charles Maurras.


A la demande générale, j'ai le plaisir de vous présenter un nouvel ouvrage associé à la plume de Charles Maurras. Toujours soucieux de ne pas entrer dans de vaines polémiques sur l'homme, j'ai choisi un texte qui est comme un hymne à Martigues, ville où il est né, et aux étangs qui bordent la cité. On s'éloigne donc peu du Marseille en Provence d'hier.

Martigues est une ville fleurie, posée sur l'eau au bord de l'étang de Berre et reliée à la mer par le chenal de Caronte. La ville a connu un essor industriel important depuis 1942, mais elle a su conjuguer son développement économique avec ses atouts touristiques. Le charme de ses canaux, de ses îles et de ses ponts lui ont d'ailleurs donné le surnom de Venise provençale...


Le quartier du miroir aux oiseaux avec ses maisons colorées blotties au bord de l'eau a inspiré de nombreux peintres comme Duffy ou Ziem mais c'est plus prosaïquement le tournage du film La cuisine au beurre avec Bourvil et Fernandel qui a rendu célèbre la cité.


L'ouvrage que je vous propose ici est présenté sous couverture rempliée et chemise. Il s'agit d'un format in-folio avec ses avantages (illustrations flatteuses) et ses inconvénients (place). Il est en parfait état extérieur et intérieur. Il possède d'ailleurs encore son papier cristal de protection d'origine… Chaque gravure aquarellée est présentée dans sa chemise illustrée. Il vous reste à couper les feuillets du texte de Maurras. Moi, je n'avais pas osé, à l'époque ;-))


Comme sur la page de titre du livre proposé précédemment (édité en 1944), vous ne serez pas surpris de constater que le nom de l'auteur est encore rattaché à son inscription à l'illustre Académie. Condamné en 1945 par la haute cour de justice de Lyon à la réclusion à perpétuité et à la dégradation nationale, il fut interné à Riom, puis à Clairvaux. En 1952, sa santé déclinante le fit admettre à la clinique de Saint-Symphorien-lès-Tours, où il devait s’éteindre. Charles Maurras, après un premier échec contre Jonnart en 1924, avait été élu à l’Académie française le 9 juin 1938 au fauteuil d’Henri-Robert, par 20 voix contre 12 à Fernand Gregh ; il était reçu le 8 juin de l’année suivante par Henry Bordeaux. Sa condamnation entraînait automatiquement sa radiation de l’Académie (article 21 de l’ordonnance du 26 décembre 1944) ; il fut en fait décidé, lors de la séance du 1er février 1945, qu’on déclarerait vacant le fauteuil de Maurras, sans pour autant voter la radiation. Ainsi, Charles Maurras, comme le maréchal Pétain (mais à la différence d’Abel Hermant et Abel Bonnard) ne fut remplacé sous la Coupole qu’après sa mort.


Joanny Drevet (1889-1969) est un peintre et graveur aquafortiste qui a imaginé une nouvelle technique associant l'aquatinte au trait. Il s'est particulièrement illustré dans les ouvrages sur la Savoie mais on lui doit deux ouvrages fort beaux en collaboration (sic) avec Maurras. Donc un ouvrage pour les amateurs de Provence, d'illustrations, d'édition de luxe, de Joanny Drevet et - éventuellement s'il en reste – de la plume de Charles Maurras ! Pierre


MAURRAS (Charles). Les Étangs au Mistral. Texte de Charles Maurras. Eaux-fortes et dessins de Joanny Drevet. Grenoble, Didier et Richard, 1942. Edition originale sous couverture rempliée en feuille sous chemise. Format in folio. 24 pages, 5 dessins dans le texte, 20 chemises illustrées d'un dessin, contenant chacune une gravure. Tirage limite à 700 exemplaires, un des 570 sur Rives B. F. K (n° 245). Vendu

jeudi 27 octobre 2011

Charles Maurras. L'écrivain nous parle de Marseille en Provence


Si je vous dit Marseille, vous me répondez ? La mer, l'O.M, l'insécurité, la Canebière, Vincent Scotto, le savon, le ricard, la corniche, Notre Dame, l'Estaque, Pagnol, Gaston Defferre, la bouillabaisse, Guérini, le mistral et le soleil… J'ai dû oublier des choses. Le nombre d'ouvrages qui ont été écrits sur Marseille est donc, à l'égal des nombreux emblèmes de la cité énumérés, très important. Je vous présente, aujourd'hui, un très bel exemplaire qui a pour titre "Marseille en Provence".


C'est un recueil de cinq textes d'un auteur trop souvent catalogué et caricaturé. Nous ne le présenterons pas aujourd'hui. Écrivain provençal appartenant au Félibrige, agnostique dans sa jeunesse, il se rapproche ensuite des catholiques puis des royalistes et dirige le journal L'Action française, fer de lance du mouvement nationaliste. Charles Maurras était aussi et surtout une très belle plume. Je vous engage à le découvrir sous un angle non politique. Il nous parle ici de Marseille avec l'accent d'un provençal amoureux de sa région. Trois éléments doivent être pris en compte pour comprendre la ville :


Marseille a toujours été une ville essentielle pour le bassin méditerranéen. La position de la Cité Phocéenne en a, en effet, fait un port d'une importance économique majeure. Grecque, romaine, médiévale, européenne... Marseille a toujours été un grand nom du commerce et de la pêche.

Marseille est aussi une ville cosmopolite. Le port favorise les échanges et la ville est connue pour accueillir de nombreuses communautés. Au milieu de toutes ces cultures, la culture provençale reste encore présente avec l'accent marseillais, la pétanque, le pastis et la bouillabaisse.

Marseille est une ville riche et vivante. C'est une véritable fourmilière à la fois historique, humaine et culturelle. Immense métropole aux accents de station balnéaire, Marseille surprend et fascine. Elle sera d'ailleurs capitale européenne de la culture en 2013. Hier soir, je participais à une petite réunion municipale où il était question de cette manifestation. Un adjoint répondait à un concitoyen qui le questionnait sur les retombées espérées par cet événement pour les villes alentours (je vous le fais avé l'assent !) : Ce truc, con, c'est pas un panier de crabes… Putain !!!! C'est une nasse ;-))


L'ouvrage que je vous propose est une édition à 1000 exemplaires, après 10 sur Montval et 50 sur vélin de France. Notre exemplaire n° 655 est sur un très beau papier vélin du Marais. L'ouvrage n'est pas coupé. Cela explique que je ne puisse vous en présenter que quelques illustrations photographiques. Il a ceci de précieux pour les provençaux que l'illustrateur en est Auguste Chabaud, peintre et sculpteur de renommée internationale, enterré à Rognonas, tout près de Tarascon. Il a ceci de précieux pour les bibliophiles que, non rogné, les témoins sont intacts…


Personnellement, je crains Marseille. Je crois que je crains toutes les grandes villes, en fait. La dernière fois que j'y suis allé, c'était au printemps 2009 pour le Marathon. J'étais tellement pressé de rentrer à Tarascon que j'ai explosé le chrono !! Pierre


MAURRAS Charles. Marseille En Provence - Dessins De Auguste Chabaud. A Lyon, chez H. Lardanchet, Les Tables Claudiennes, 1944. Petit in-8. Broché Couverture rempliée et imprimée.164 pages. Bel ouvrage illustré de nombreux dessins, in et hors texte en noir et blanc, d'Auguste Chabaud. Édition numérotée. Exemplaire sur Vélin du Marais (N° 655). Non rogné, non coupé avec son papier cristal d'origine. Très bel état. Vendu

mercredi 26 octobre 2011

L'art militaire des anciens par Juste Lipse dans une édition plantinienne de 1602...


Je m'adresse, aujourd'hui, aux latinistes et aux hellénistes distingués qui lisent ce blog, qui sont intéressés par le thème du militaria, qui se sont spécialisés dans l'histoire de l'armée romaine et qui ont un attrait pour la littérature du XVIe siècle... Bon, tout le monde est là ? Je compte : 1,2,3, [….], 12 avec Textor. Le compte est bon !


Je vous présente donc un ouvrage de Juste Lipse ou Joest Lipse (1547-1606). Né à Overijse en 1547, il compte avec Érasme parmi les plus grandes figures de l’humanisme pendant la Renaissance. Michel de Montaigne disait de lui qu’il était certainement un des érudits les plus savants de son époque. Après un cursus scolaire poursuivi successivement à Bruxelles, Ath, Cologne ainsi qu’à l’Université de Louvain, Juste Lipse approfondit sa formation en voyageant en Italie dans l’entourage du cardinal Granvelle. Sa carrière universitaire se partagera ensuite entre l’écriture et l’enseignement. Il a professé dans les villes de Iéna, Leyde et Louvain où il mourut en 1606.


Sensible aux questions spirituelles de son temps, il se tourna vers le protestantisme. Il abjurera publiquement de nombreuses années plus tard et mettra sa plume au service de la défense du catholicisme. Mais ce sont ses ouvrages sur l'armée romaine que je vous présente cette fois-ci, avec trois textes réunis en un seul exemplaire in quarto dans une reliure de l'époque.


Juste Lipse est, en effet, un auteur à succès qui a confié le soin de publier ses livres à la maison des Plantin-Moretus, famille avec laquelle il entretenait des liens d’amitié profonde. Grâce à l’important réseau commercial des imprimeurs anversois, les publications de Lipse se sont vendues dans toute l’Europe et ont ensuite été rapidement traduites dans de nombreuses langues. Pour vous plonger dans l’univers passionnant de l'armée romaine, l'éditeur n'a pas hésité à offrir au lecteur une grande quantité de gravures sur cuivre pour chacun des trois textes, dont un nombre important de planches dépliantes. Sans compter les gravures insérées dans le texte, ce ne sont pas moins de 34 superbes planches hors texte à pleine page ou dépliantes qui sont associées à ce fort volume.


Le premier texte est un commentaire de Polybe, général, homme d'état et historien hellène (-200 / -118 av J.C), dont Lipse cite de larges extraits en grec (avec la traduction latine en face). Il avait été publié la première fois en 1594. Notre édition, comme il est mentionné dans la page de titre est la troisième et date de 1602.


Il est suivi d'un deuxième texte qui est un recueil d'observations de l'auteur sur les 5 livres commentés dans le précédent texte, lui aussi édité en 1602, évidemment.


Le troisième ouvrage est une histoire des machines de guerre dont se servaient les anciens pour l’attaque et la défense des places fortes. Le Poliorceticôn est paru en 1596 pour la première fois. C'est la troisième édition de ce texte qui est proposée par l'éditeur. Elle est datée de 1605.


Je vous laisse admirer les clichés que j'ai fais de quelques gravures de cet ouvrage. Les amateurs d'histoire du livre apprécieront les 3 vignettes de la maison Plantin [Christophe Plantin vers 1520-1589 et son beau-fils Jan Moretus 1543-1610], toutes différentes. Vous noterez que le volume est en parfait état du texte, des gravures et de la reliure. Une infime restauration de la coiffe inférieure vous permettra de chipoter sur son état ;-)) Pierre


LIPSE (Juste). De Militia romana libri quinque - Analecta, sive observationes reliquae ad militiam et hosce libros - Poliorceticon sive de machinis tormentis, telis. Libri quinque, ad historiarum lucem. Editio tertia, correcta & aucta. Antverpiae (Anvers), Ex Officina Plantiniana apud Ioannem Moretum. 3 ouvrages de Juste Lipse sur l'art militaire des anciens en 1 volume in-4. Reliure pleine basane de l'époque, dos à 5 nerfs ornés de motifs dorés entre les nerfs. Titre sur étiquette, tranches colorées.


-De Militia romana libri quinque, commentarius ad Polybium. Editio tertia, aucta variè et castigata. Antverpiae, Ex Officina Plantiniana apud Ioannem Moretum. 1602. [1 f bl], 366pp.


- Analecta sive observationes reliquae ad Militiam et hosce libros, 1602. Antverpiae, Ex Officina Plantiniana apud Ioannem Moretum. [1 f bl], xxix, [2 ff index et privilège]


- Poliorceticon sive de machinis tormentis, telis. Libri quinque, ad historiarum lucem. Editio tertia, correcta & aucta. Antverpiae, Ex Officina Plantiniana, Apud Joannem Moretum, 1605. 219 pp,[2 ff index et privilège], [1 f bl]. Troisième édition corrigée et augmentée, illustrée de 36 gravures sur cuivre dues à Pierre van der Borcht : 25 à pleine page (dont 9 à 2 sujets) et 11 à mi-page.


Comme dans la plupart de ces éditions, le papier est parfois uniformément bruni. Belle édition plantinienne, abondamment illustrée, rassemblant trois textes sur l'armée romaine et les machines de guerre. Bel exemplaire. Vendu

lundi 24 octobre 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Jean de Bonnot ou la quadrature du cercle...

Je trouve ce billet sous la porte, ce matin.

Cher Maître,

Faites-nous une causerie un peu plus moderne, pour cette fois ! Des lecteurs – je ne citerai pas de noms – trouvent à vos choix de livres et à votre style une obsolescence qui aurait sans doute fait sourire, même au dix-neuvième siècle… Pourriez-vous nous trouver, sur les rayonnages de la librairie de Pierre, une série d'ouvrages qui répondent à la demande de jeunes lecteurs qui souhaitent associer les textes de leurs auteurs préférés à des présentations extérieures flatteuses tout en étant soucieuses de respecter le budget qu'ils accordent à leur bibliophilie ?


Je m'incline devant ce jugement sans appel d'autant plus que sur Fb ; je n'ose écrire Facebook, on va me taxer de ringardise ; un ami que je sais bibliophile et à qui je proposais d'acquérir du lot n°11 d'une vente à Drouot menée sous l'autorité de Dominique Courvoisier m'écrivait : Non, pas le 11, je l'ai déjà chez l'éditeur Jean de Bonnot (pas la même édition, mais bon, c'est le texte qui compte, non ?). Mais quel est donc ce professionnel qui s'attache encore à commercialiser des textes anciens ?


L’éditeur d'art Jean de Bonnot perpétue la tradition des livres reliés plein cuir, tranches de têtes dorées, faits de bon papier vergé et filigrané. Les collections signées Jean de Bonnot font le bonheur des amateurs d’ouvrages parfois épuisés ou très anciens, réédités dans les règles de l’art. Chaque volume est unique, avec des décors aux fers gravés et ciselés à la main, des gravures d’époque, des signets, tranchefiles, culs de lampes originaux... Les bibliophiles sont plus divisés sur ce sujet, reprochant à ces ouvrages de ne pas répondre à leurs critères de sélection. Quels sont-ils, au fait ?


Voici, en tout cas, les caractéristiques communes aux exemplaires de cet éditeur : Des ouvrages faits de papier vergé fabriqué comme autrefois, à la forme ronde et filigrané et des volumes habillés d’une reliure plein cuir, dorés sur tranche, aux coins rempliés à la main et à l’os de bœuf, avec des décors aux fers gravés et ciselés à la main... Ces termes fleurent bon l’artisanat traditionnel – c'est ce qui est écrit - et seraient tombés en désuétude sans la ténacité, le dynamisme et le savoir-faire de la dernière maison d’édition “à l’ancienne”.


Cet éditeur tenant négoce à l'enseigne du canon veut mettre la culture classique à la portée de tous. Pour lui, tout véritable amateur doit pouvoir se procurer des ouvrages de qualité et les transmettre à ses enfants. Ainsi, Jean de Bonnot propose des livres luxueux et confectionnés avec les matériaux les plus nobles dans la grande tradition des maîtres relieurs d’antan.


Ces ouvrages reliés sont accessibles à des prix raisonnables. On trouve chez des bouquinistes ayant pignon sur rue, comme chez Pierre, ou sur des sites de livres de seconde-main des ouvrages en bel état à la moitié (voir moins) de leur valeur neuve chez l'éditeur quand ceux-ci ne sont pas épuisés. Un exceptionnel rapport qualité / prix diront les acheteurs pour un luxe sardanapalesque* recherché par les bibliophiles... La quadrature du cercle résolue, donc ! Votre dévoué. Philippe Gandillet

* On avait dit "un style un peu plus moderne"…ça m'a échappé !


VILLON. Œuvres. 1969. 23 € + port
DIDEROT. La religieuse. 1974. 25 € + port
LA BRUYERE. Les Caractères.1972. 25 € + port
HOMERE. L'Iliade et l'Odyssée (2 tomes). 1975. 65 € + port
LA FONTAINE. Fables (4 tomes) .1969. 90 € + port
LA FONTAINE. Contes (3 tomes) .1969. 70 € + port
MACHIAVEL. Le prince. 1971. 29 € + port
RABELAIS. Œuvres (4 tomes) .1973. 85 € + port
DAUDET. Lettres de mon moulin.1976. 24 € + port
LA PEROUSE. Voyages (2 tomes) .1981. 62 € + port
MEDUSE. Naufrage.1968. 26 € + port
DE FOE. Robinson Crusoe (3 tomes) .1974. 76 € + port
FLAUBERT Madame Bovary.1970. 24 € + port


CESAR. La guerre des Gaules (2 tomes) .1970. 52 € + port
SUETONE. La vie des douze Cesar.1970. 26 € + port
CLERY. Journal.1966. 23 € + port
FOUCHE. Mémoires.1967. 24 € + port
D'ARTAGNAN. Mémoires (3 tomes) .1966. 60 € + port
LAFAYETTE. La princesse de Clèves.1972. 25 € + port
BRANTÔME. Les vies des dames galantes.1972. 25 € + port
CORROYER Histoire du Mont Saint-Michel.1982. 24 € + port
VERLAINE. Œuvres poétiques. (7 tomes) .1975. 155 € + port

samedi 22 octobre 2011

Une reliure d'Henri Noulhac sur un texte de Théophile Gautier édité par Férroud et illustré par Lalauze… Que du beau monde !


J'aurais voulu vous faire une belle présentation d'Henri Noulhac, relieur, mais Lauverjat dont on ne peut ignorer l'autorité l'a fait avant moi… Je m'incline et fais, en toute humilité, un superbe "copier-coller" de son article.


La rapide consultation des évangiles selon Fléty, Devauchelle et Duncan et une brève recherche parmi les catalogues permet de préciser le travail de relieur d'Henri Noulhac (1866-1931). Il est né à Châteauroux en 1866 et reçoit une formation dans sa ville natale. (À cette époque à Châteauroux, les libraires-éditeurs A. Nuret et fils signent des reliures simples de très belle facture.) Noulhac s’installe à Paris en 1894. Il est encouragé dans ses travaux de type “janséniste” par Henri Béraldi car, nous dit Fléty, ce dernier n’était ni relieur ni doreur…


Vers 1900 il adjoint à son activité un atelier de dorure tenu par un ouvrier spécialisé. Il introduit dans sa production des décors à motifs floraux dorés et des encadrements dorés. La reliure que je vous présente aujourd’hui, sur un livre de 1896, n'est pas datée (si quelqu'un a une idée). Un peu plus tard, des décorateurs modernes proposent des décors de reliures qu’ils donnent à réaliser par des artisans. Noulhac réalise alors les décors d’Adolphe Giraldon illustrateur et de Jules Chadel dessinateur joaillier. Il travaillera ensuite sur les dessins de sa fille et un peu pour Pierre Legrain. Il réalise des reliures mosaïquées de maroquin de style Art-Déco et s’attache à former des relieurs parmi lesquels Rose Adler et Madeleine Gras.


Sa réputation s’est établie sur une maîtrise professionnelle indiscutable avec une qualité d’exécution du corps d’ouvrage irréprochable. Il travailla jusqu’à sa mort le 22 mars 1931.
Avec Gruel, Marius Michel, Allô, Stroobants, etc... il compte parmi les plus grands relieurs de son temps.


La reliure de type janséniste que je présente est caractéristique de cet exceptionnel artisan. Je ne m'étendrais pas sur l'auteur mais plutôt sur le texte.


Ce fut dans le numéro 9 du Journal des gens du monde, daté du 7 février 1834, que Théophile Gautier (j'adore ce prénom…) publia un conte intitulé : Omphale ou la tapisserie amoureuse (la mode était encore aux sous-titres). En 1839, lorsque le conte fut réédité, l'auteur remplaça le sous-titre par cette mention : Histoire rococo. Tels sont les seuls renseignements que je possède sur cette aimable fantaisie. Omphale est comme les gens heureux, qui n'ont pas d'histoire… Pierre


GAUTIER (Théophile).Omphale. Histoire Rococo. Illustrations de Lalauze. Paris. A. Ferroud. 1896. Format In 12. Reliure plein maroquin janséniste citron signée par Noulhac, dos à cinq larges nerfs, Titre et nom de l'auteur en lettres dorées, contreplats et page de garde de tissus brodé à motif de croissants de lune, large encadrement ornés de filets et fleurons dorés sur le contreplat, double filet sur les coupes et les coiffes, toutes tranches dorées, rognée en tête et sur témoins pour l'ensemble. Doublement de la page de garde en papier fleuri. 42 pp et 2 ff pour le texte seul, le relieur ayant interposé 3ff blancs entre la page de garde et la couverture conservée (du travail d'artiste !). Gravures à l'eau forte dont 2 hors texte à pleine page. Premier tirage des illustrations. Édition tirée à 300 exemplaires : Un des 200 sur vélin d'Arches. Quelques infimes taches sur la reliure. Ex-libris. Bel exemplaire réservé avant sa présentation. Il m'en reste à faire la juste et amicale estimation…