lundi 18 avril 2011
Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Les Arènes sanglantes de Blasco Ibanez…
La scène se passe devant la boutique ce matin. Je suis entrain de balayer devant ma porte : Une voisine de Pierre, je vous en fait le portrait grossier ; cheveux courts, cigarette bio au bec, la quarantaine flamboyante, on voit qu'elle a été belle, fulmine contre notre vieux coiffeur qui, sur sa vitrine, a placardé l'affiche du programme des corridas de la féria d'Arles.
Nous sommes entre personnes bien élevées et c'est donc à dessein que j'enlève aux propos des deux belligérants, les petits noms d'oiseaux qui ponctuent chaque virgule ou point d'exclamation du texte…
Elle : "L’aficionado prétend qu’il est là pour l’esthétique, la tradition, la culture, pour Hemingway. En fait, il est la pour se régaler, avec sa bande, du supplice et de la mise à mort d’un animal ! Que les aficionados nous lâchent avec leur discours philosophique, poétique, esthétique à propos de la corrida. Ce n’est pas une culture mais une coutume dégueulasse !…"
Lui : "La corrida fait partie de nos traditions et nous sommes portés par un respect et un amour du toro que ne peuvent pas comprendre les "antis" parce qu'ils ne connaissent pas la corrida, on ne leur jamais expliqué. On dit que le toro n'a pas sa chance, à l'homme de saisir la sienne à force d'art et de courage. Longue vie à la corrida!!"
Elle : "La corrida n’est rien d’autre que la torture légale et la mort d’un animal, en public, pour le plaisir d’une petite minorité. Pendant quinze longues minutes, le taureau va encaisser jusqu’à un mètre d’armes blanches dans le corps avec la pique, les harpons, le poignard et la dague…Il faut aussi savoir qu’un bon nombre de taureaux sont mutilés et drogués pour que les toreros prennent de moins en moins de risques, en gagnant de plus en plus d’argent. Comment oser encore parler d’un combat d’égal à égal, espèce de fascho ?"
Lui : " Votre attitude intolérante et injurieuse disqualifie totalement votre cause ! Je sais qui vous êtes et je reconnais bien dans votre style, celui de ces ayatollahs "Khmers Verts" qui commencent à rendre la vie insupportable à ceux qui ne pensent pas comme eux... Décidément, le tofu n'adoucit pas les moeurs ! "
La porte du coiffeur claqua, quelques cheveux volèrent dans l'air brassé, la jeune femme tira une longue bouffée de cigarette et lança son mégot d'un revers de doigt vers la porte du boutiquier. La féria d'Arles pouvait commencer…
A l'occasion du week-end de Pâques, Arles succombe à la passion de la féria. Une fièvre qui repose la question de la corrida : Il y a les "pour", il y a les "anti", il y a ceux qui sont dans le brouillard et qui ne supportent simplement pas la violence…
Malheureusement, une corrida sans affaiblir le taureau et le mettre à mort serait techniquement impossible. Il faudrait le toréer pendant au moins 5 heures. De plus, un taureau qui a approché l'homme ne peut plus "resservir" (terme employé par les aficionados). Ce taureau deviendrait un "criminel" s'il était employé une deuxième fois car il foncerait directement dans l'homme à la première minute.
La corrida fait partie d'une culture. La tradition peut-elle excuser la souffrance d'un animal ? Il est vrai que la tauromachie espagnole est arrivée dans les années 1870 en France, que la communauté espagnole est importante et qu'on ne peut s'en prendre à une minorité d'aficionados sous prétexte que cette violence gène la bonne conscience d'une autre minorité alors que d'autres exemples méritent autant qu'on s'indigne de la souffrance animale :
- Nous mangeons des huîtres vivantes.
- Nous acceptons les sacrifices rituels de moutons vivants pour l'Aïd al-Adha.
- Nous pratiquons la pêche sur des poissons non anesthésiés
- Nous harcelons nos animaux domestiques par des séances de toilettage ineptes.
-Nous tuons sans scrupules les quelques commensaux qui s'attachent à nous (poux, morpions, etc…)
- J'arrête mais vous trouverez, je suis certain, d'autres exemples de la barbarie humaine. D'ailleurs, n'est-ce pas Gandhi qui disait : "On reconnaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses animaux." ?
J'ai assisté à une seule corrida dans les arènes de Nîmes. J'y ai ressenti l'amour des spectateurs pour la corrida. J'ai néanmoins pensé à un torero célèbre que j'avais rencontré chez mon confrère Hemingway, grièvement blessé et probablement handicapé à vie. Cet homme avait mis sa vie en danger pour satisfaire notre voyeurisme, nos pulsions morbides, nos plaisirs d'esthètes. Du pain et des jeux ! "Aucun spectacle ne vaut la vie d'un homme", dit-on. Mais avant d'interdire la corrida, les "anti" ne devraient-ils pas balayer devant leur porte comme je le faisais ce matin ? Votre dévoué. Philippe Gandillet.
BLASCO IBANEZ (Vicente). Arènes sanglantes. Paris, Les Bibliophiles de l'Amérique latine, 1956. Grand in-4 en feuilles sous chemise et étui d'éditeur. Édition illustrée de ce roman tauromachique originellement publié en 1908. Tirage limité à 200 exemplaires numérotés. Un des 150 sur vélin pur fil des papeteries d'Arches ; celui-ci nº 104. Illustrations de Bernard Daydé gravées sur bois en couleurs par Gérard Angiolini. Très bel exemplaire. Emboitage un peu fatigué. 250 € + port
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
21 commentaires:
Pour faire accepter ce 'sport' aux non officionado qui n'ont pas eu la chance de naitre au soleil, il faudrait organiser un match-retour, juste après la feria, où cette fois, 3 ou 4 taureaux auraient le droit de porter la cape et l'épée et le torero serait tout nu à courir dans l'arène...
T
Comportement animal, foi de vétérinaire, les taureaux se battraient entre eux et mépriseraient le toréro... Qui serait sur les gradins ? Pierre
Non, désolé, mais la tauromachie n'arrange décidément pas ma misanthropie. J'aimerais ne pas imaginer le mal, tel Agate à qui je montrai tout fier ma première peau achetée pour en faire un livre et s'écriant : « Mais pourquoi est-ce qu'ils l'ont découpée en forme de bête ? » Mais sur ce plan-là, comme sur d'autres, il y a belle lurette que j'ai perdu mon innoncence.
Quant à Pénélope Bagieu, jamais plus elle ne mangera de homard…
Je sors d'une sieste de deux heures avec mon fils de 3 mois dans les bras, canapé installed, bref, relax... sauf que j'étais devant la redif. de Conan le destructeur (1984) avec le bon-gros Shwarzi... heureusement Tristan dormait à poings fermés, sinon je culpabilise un peu façon Corrida de lui infliger un tel spectacle... (sourire).
B.
Homard et escargots se mettent dans l'eau bouillante sans étourdissement préalable, je crois ;-))
Étourdir un escargot est un défi ! Pierre
recette de la gardianne de tauréador:
-découper le tauréador en cubes de 3/3.
-préparer la marinade avec un bon vin rouge corsé, une carotte, de l'oignon, des herbes de provence et une feuille de laurier. Laisser 24 heures.
-égoutter la viande, la faire revenir avec de l'huile d'olive dans un lit d'oignon puis ajouter la marinade.
Faire cuire à petit feu, 3 heures pour un tauréador débutant, plutôt 5 pour une vieille bête.
Servi avec un foin de la crau, c'est le plat préféré des toros gourmets.
Des protéines animales à un taureau (ici on écrit toro) espagnol ? La vache folle ne vous a pas suffit ? Au lieu de mourir en héros dans des arènes surchauffées, la pauvre bête va finir euthanasiée à la chaine et brûlée sur des charniers malodorants sous l'œil distrait de fonctionnaires tatillons. Plutôt l'arène ! Pierre
Le tauréador n'est pas un animal! Donc ses protéines non plus!
Mais je ne sait pas si le tauréador a une âme.
Dans ce cas uniquement il faudrait vérifier si un abattage rituel s'impose.
La corrida fait parler.
La composante anthropomorphique de notre intellect, qui n'admet la souffrance imposée aux autres que comme sentence d'une vengeance, souhaiterait que le torero soit d'abord encorné;
Mais Giono affirmait que pour attirer des foules entières il suffit de faire couler un ruisselet de sang dans un pré.
Pour ma part, pour avoir reçu d'innombrables coups de pied de bovins même pas méchants et des coups de corne par des vaches qui souhaitaient simplement écarter un importun, la corrida m'effraie au plus haut point, car le toro est un animal très dangereux.
Le livre paraît très beau, bien que les images soient trop envahissantes à mon goût, mais ce n'est que mon goût.
Merci de rappeler que ce blog est avant tout marchand, Jean-Michel. Philippe Gandillet détourne notre attention par ses billets polémistes. Pierre
Olé!
S.
Sandrine vous m'enlevez le mot de la bouche (sourire).
B.
Sandrine, je trouve que vous prenez ce sujet un peu trop à la légère alors que vous manipulez tous les jours les peaux sacrificielles pour en parer vos ouvrages.
Il faut que nous réfléchions, nous , bibliophiles, sur notre responsabilité dans ce commerce barbare.
T
Quel débat ! nombres de repas entre amis, ou juste connaissances, ont vu cette question tôt ou tard abordée, entre la politique et la religion. Mon frère m'a emmenée voir ma première corrida, une "novillada" pour la circonstance, alors que j'avais 13 ans. J'ai été conquise. J'en ai vu et revu et puis plus, pour cause d'accompagnements congugaux pas forcément afficionados (tiens... ça me fait penser que j'aurais dû préférer le toro).
Bref. Pour moi, c'est tout un spectacle, une culture, du bruit, des odeurs, des couleurs, la fête. Je n'ai jamais cherché plus loin parce qu'alors, il faudrait chercher bien loin quantité d'autres choses que l'on fait ou que l'on regarde, ou que l'on admet ou conçoit sans forcément s'interroger.
(je vais garder mes oreilles d'âne un petit moment, Pierre, des fois que...)
Je suis tout à fait d'accord avec Nadia. Je revendique le droit de faire une chose sans étudier systématiquement toutes les composantes tue-l'amour qui la constitue.
C'est pourquoi je prends plaisir à manger du crabe sans en faire un martyr ébouillanté. Mais c'est Jean-Michel qui a raison quand il dit que notre intellect n'admet la souffrance imposée aux autres que comme sentence d'une vengeance... Pour atténuer mes scrupules, il ne me reste plus qu'à détester les crabes ;-)) Pierre
@Bertrand, j'aurais pensé que vous auriez plutôt dit , si je puis me permettre, "Olé OLé, l'art de toréer presente, à mon sens, quelques analogies avec l' art de la danse et de l'amour et, pour pratiquer depuis quelques semaines votre blog, il me semble que cela vous va bien.
@Textor, Ah! vous trouvez que c'est leger? J'avais jamais pensé à ça, avant. Un Toro vert ou jaune...
Ah! la corrida... C'est le jeu de la mort et de la vie, ça fascine. Olé!
@pierre le grotesque c'est.... mon commentaire, que je n'ose même plus signer.
S.
"Je revendique le droit de faire une chose sans étudier systématiquement toutes les composantes tue-l'amour qui la constitue." J'adore cette phrase Pierre ! Et je pratique à chaque instant. Pour le plus grand plaisir ... ou pas ...
Bonne nuit !
PS : si vous voulez vous divertir les yeux avant d'aller rejoindre Adonis, allez sur mon site de librairie... c'est classé X chinois (sourire - hommage au porno 3D fraîchement débarqué cette semaine dans les salles obscures de Hong Kong - toujours se tenir informé de l'actualité du monde via Google Actualités - ça change des avis de décès dans la presse locale - sourire).
B.
Je vois bien que j'ai anesthésié tout le monde avec mon histoire de porno 3D chinois ...
B.
Ben non.
C'est plutôt joli cette histoire d'estampe sur papier de riz... mais bon, c'est vrai que le porno tout court, c'est pas class. l'erotisme, c'est mieux, même si, c'est une question de vocabulaire... L'esprit.
Bon avant de m'enfoncer plus loin dans un no man's land consternant... Nadia, vous avez bien un avis sur la question? en tong rose à pompoms...
S.
Bertrand, le porno 3D cela s'appelle honorer son épouse, ce n'est pas très nouveau ni très révolutionnaire, même en Chine !
Ouh la c'est très fin Textor ! J'y réfléchis encore pour être sûr... action... réaction ! ;-))
B.
Enregistrer un commentaire