Mario Uzielli est un bibliophile né le 26 aout 1888 à Francfort (sur le Main) et décédé le 16 novembre 1973 en Suisse près de Bâle. Son père, Lazarro Uzielli était pianiste et sa mère, Julia, une cantatrice allemande renommée. Il eu deux enfants Claudio et Gabriele. Il fit des études de joaillerie mais fut obligé d’arrêter cette carrière après avoir perdu un œil pendant la grande guerre. Il se tourna alors vers le métier de marchand d’art et d’antiquaire et créa avec un associé une galerie à Francfort en achetant le pas de porte et le fond d’une librairie ancienne de la ville.
Grâce à lui, dès 1918, on put voir à Francfort, pour la
première fois, ce qui allait ensuite appartenir au patrimoine pictural classique du
20eme siècle [Chagall, Kandisky, Max Beckmann ] mais aussi des artistes
moins cotés de l'époque, dont on pouvait emporter les tableaux ou des gravures
pour des prix dérisoires [Braque, Gris, Derain, Vlaminck ou Utrillo]…
Ils tinrent boutique jusqu’en 1925, date à laquelle il
travailla sous son propre nom jusqu’à la crise économique de 1930. Il renonça
alors aux livres contemporains pour se consacrer essentiellement à la
bibliophilie et à l’art. Il exposait conjointement en Allemagne et à l’étranger
et s’était fait une réputation de conférencier. Sa passion pour la bibliophilie
l’entraina à créer sa propre maison d’édition pour laquelle il publia des publications
rares et luxueuses de Stendhal, Silesius, Goethe, Binding, etc. C’est, à cette
époque, lui qui fournissait livres anciens et tableaux modernes à tous les
riches collectionneurs de la ville.
Il continua sous le régime nazi jusqu’en 1935 mais son
statut de demi-juif marié à une juive l’obligea à émigrer dès 1936 vers la
Suisse avec sa femme et sa fille, n’emmenant avec lui qu’une infime part des
trésors que comptait sa boutique. Il réouvrit à Liesta, près de Bâle, un
magasin où il finit par se spécialiser dans les partitions originales. Son fils
émigrera, quant à lui, au Royaume uni.
Il laissa sa galerie à son employé, Wilhelm Henrich, qui
prit possession de l’important lot d’œuvres d’artistes « degenérés »
(Chagall, Kirchner, Paul Klee, etc) qui pendaient aux cimaises de la boutique.
Les bombardements alliés sur Francfort (ville complètement rasée) en 1945 firent
disparaitre tout ce trésor volé! Mario Uzielli dû
attendre 1954 pour que l’état allemand l’indemnise pour la spoliation de son
fond de marchand d’art mais, lui, contrairement à beaucoup de juifs allemand
était encore en vie…
Les quelques ouvrages ayant appartenu à Mario Uzielli, et
qui sont aujourd’hui proposés en boutique auraient mérité une publication sous
forme de catalogue papier, je l’admets. Ils seront, en fait, proposés sous
forme de billets individuels et regroupés dans un catalogue virtuel. Question
de temps et d’argent ? C’est cela même… Comme moi, Mario Uzielli a tenu
ces livres dans ses mains, il les a examiné, les a soupesé, les a apprécié. Il
a surement essayé d’en faire une estimation juste lors de leur achat. Il vous
aurait sans doute dit que ces livres ne nous appartiennent pas, de toute
façon : nous n’en sommes que d’éphémères possesseurs. Par contre, il
aurait aimé que l’histoire de ses livres soit connue : ce qui sera fait. Pierre
4 commentaires:
Très bel article, merci Pierre.
Dans le même ordre d'idées, si je peux dire cela ainsi, j'avais écrit cela:
http://bibliophilie.blogspot.fr/2012/12/sichergestellt-durch-einsatzstab.html
Amitiés,
Hugues
Un constat amer sur la nature humaine, et sur les allemands de l'époque qui n'ont pas vu l'horreur s'installer à leur porte. Sommes-nous toujours aussi aveugle, aujourd'hui ?
Les livres que je vais présenter ont beaucoup barrulé avant d'être sur mes étagères mais leur chemin n'est pas terminé. Pierre
Sympathique cette histoire de dame échouée dans votre librairie...
Ces livres ont dérivé jusqu'au bon port.
Merci d'avoir ranimé cette ombre légère.
Raphael Riljk
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