lundi 25 mars 2013

Remarques sur la langue française par Vaugelas : remarquables !

Samedi matin : Des scolaires entrent avec leurs professeurs dans la boutique ; tout le monde se cale tant bien que mal entre les rayonnages et comme ils doivent faire un exposé sur la Tarasque, le feu des questions-réponses démarre… " Sainte Marthe était contemporaine de Jésus " leur dis-je à un moment. Une voix s'élève au fond (ce n'était pas un professeur, je crois) puis une autre voix : " C'est-quoi-contemporaine-Monsieur ? ". Un instant, je sentis mes jambes défaillir ; autant expliquer le monde à un nouveau né…


J'ai beau me dire, qu'en troisième, je ne devais pas être plus doué que ces jeunes, un doute m'envahit cependant : et si la langue française se cantonnait, dans l'avenir, à sa portion congrue ? A quelques mots, au sens approximatif, assemblés sans forme particulière ? Il faut voir, d'ailleurs, dans cet appauvrissement de la langue française une des raisons de l'échec relatif des traducteurs automatiques, bien incapables de comprendre le sens premier des phrases qu'on leur soumet.

Vaugelas se retournerait dans sa tombe… J'ai pensé que c'était donc le moment de l'exhumer en vous proposant à la vente, aujourd'hui, une superbe réédition à petit nombre de ses Remarques sur la langue française, véritables sucreries offertes aux gourmands des jolis mots.


Apprendre à la France à bien parler et à bien écrire, tel est le but que s’était fixé Claude Favre, baron de Pérouges et seigneur de Vaugelas, afin de rogner les ailes aux " latinisants " de l’époque, savants, beaux esprits et hommes d’église qui avaient enfermé l’expression orale de l’époque dans le moule antique. Loin de la compréhension et de l’expression quotidienne du Français, selon lui : " Le peuple n'est le maistre que du mauvais Usage, et le bon Usage est le maistre de nostre langue".


Gentilhomme ordinaire, puis chambellan du duc d’Orléans, et sur la fin de ses jours, gouverneur des enfants du prince Thomas de Savoie. Il était fort assidu à l’hôtel de Rambouillet. Admis à l’Académie française en 1634, il eut une pension de Richelieu  pour travailler au Dictionnaire : il donna quinze années pour les lettres A jusqu’à I et écrivit ses Remarques sur la langue française ; " La matière en est très bonne pour la plus grande partie, et le style excellent et merveilleux  " en disaient ses contemporains (sic).


Sainte-Beuve, dans ses nouveaux lundis, affirmait : " Vaugelas a été en son temps l’organe le plus accrédité du meilleur et du plus pur parler de la France […].  Il passa sa vie à observer l'usage de la langue française, à en épier, à en recueillir tous les mouvements, toutes les variations, les moindres incidents remarquables, à les coucher par écrit. C’était un véritable statisticien du langage "


Il mourut pauvre et insolvable en 1650. Les créanciers se précipiterent et se saisirent des écrits du défunt comme des cahiers de l’Académie, que cette dernière ne pourra recouvrer qu’après un an de procédures juridiques. Mais le grammairien eut peut-être, lui-même, le mot de la fin* en déclarant, juste avant de mourir : « Je m’en vais, ou je m’en vas, car l’un et l’autre se dit, ou se disent ». Pierre

* Je songe aussi, si un jour je meurs, à une clausule aussi marrante  ;-))


VAUGELAS (Favre de. Claude). Remarques sur la langue françoise. Utiles à ceux qui veulent bien parler et bien escrire. Éditions Du Raisin, Imprimerie Nationale, Paris 1945. 3 volumes grands In-8. Sous chemise et étui. 49pp, 66-355pp, 372-648 pp, tirage limité à 150 exemplaires, le notre le n° 138 sur vergé blanc à la forme des moulins de Richard de Bas. Réédition du texte de 1647 paru chez la Vve Camusat et Pierre le Petit. Couverture illustrée  par Jeanne Marie Maudot, typographie de Maurice Darantière, titres sur vignettes contrecollées, aux dos et sur les 1ères de couverture. Des piqûres sur le papier mais très bel état général. Vendu

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Quand un libraire entend des voix...
Mais la première de ces voix, qu'a-t-elle dit ? "M'sieur, c'est qui Jésus-Christ ?"
La réponse risquait là d'être fort étoffée !

Jean-Michel

Pierre a dit…

C'est vrai que je m'en suis mieux sorti avec contemporaine que je ne m'en serais sorti avec Jésus Jean-Michel ! Pierre

pascalmarty a dit…

Hélas, hélas, il semble bien que ces derniers mots prêtés à Vaugelas soient apocryphes. Sans doute trop beaux pour qu'on puisse les croire vrais…
Mais j'ai aussi un faible pour ceux – authentiques – de Tchekhov : « Il y a longtemps que je n'ai pas bu de champagne. »
Dans le même genre d'humour définitif, je me garderai d'oublier cette épitaphe citée par Claude Gagnière dans Tout l'or des mots : « Je vous l'avais bien dit, que j'étais malade. »
Sinon, si j'étais pas si fauché, je bondirais sur ce Vaugelas. Tenez-moi au courant, Pierre, s'il vous plaît. Si jamais vous voyez qu'il ne part pas, peut-être que je finirai par me laisser tenter…

Pierre a dit…

Trop tard, Pascal ;-))

Je conseille, comme vous, l'ouvrage Pour tout l'or des mots de Claude Gagnière qui a été, pendant longtemps, mon livre de chevet pour chasser les petits soucis de la journée avant de s'endormir... Pierre