dimanche 17 mars 2013

Jérôme Doucet et sa famille : par Christian Lamard – 2eme partie


Continuons donc notre périple… Revenons à Théophile Doucet, le père. Pendant les évènements de 1870, son passé militaire, et ses opinions, le font nommer « président civil du camp militaire » de Sathonay. A ce titre, c’est lui qui signe la proclamation du 4 novembre 1870, pour rassurer la population lyonnaise, au lendemain de la défaite de Metz. A ce moment, la Garde Nationale lyonnaise est commandée par le général Baudisson, son beau-père.

Publication de la proclamation de Doucet, le 6 novembre 1870, dans le Petit Journal, organe de Lyon.
Après la guerre, un tel passé déplaît à la nouvelle République. Doucet est muté en 1874 à Saint-Etienne. Là, il va préparer les élèves du lycée au concours d’entrée de l’école des Mines, avec un grand succès (le lycée devenant la voie principale d’accès à l’école). Et c’est à Saint-Etienne que naît le 14 février 1877 son second fils, Michel. En 1880, il est nommé au Lycée Corneille de Rouen, proche de son village natal de Beaumont-le-Roger. A Rouen, il se refait également une place dans la vie littéraire et artistique, notamment avec des conférences sur Louis Bouilhet, sur Carnot, et d’autres. Pendant toutes ces années il continue à collaborer aux revues lyonnaises.

Le 25 mai 1883, son épouse Elise meurt à Rouen. Jérôme Doucet est âgé de 18 ans, Michel de 6 ans. En 1887, Jérôme est atteint par la typhoïde, ce qui l’empêche d’intégrer Polytechnique, sur les traces de son père (et de son grand-père maternel). Il va alors se tourner vers une carrière littéraire, collaborant notamment aux revues et journaux lyonnais (certainement introduit par son père). Ses premières productions sont versifiées, suivant l’exemple paternel.

Le 6 mars 1890 Théophile meurt des suites d’une banale intervention chirurgicale mal cicatrisée. Jérôme a 25 ans, et collabore régulièrement à plusieurs journaux, dans lesquels il publie des poésies et des contes. Michel n’a que 13 ans. Théophile Doucet n’était pas riche, mais il a constitué une collection assez importante, qui sera vendue en 10 vacations, du 12 au 19 mai 1890. Parmi les peintres représentés figurent Félix Ziem, Corot, Courbet, Diaz de la Pena. Six vacations seront réservées à la bibliothèque, comportant des pièces importantes (le Songe de Poliphile, Rabelais, 1549, Sonnet de Courval, 1621, des éditions originales de Pascal…). Le catalogue publié compte 90 pages.

Annonce de la vente de la collection Doucet, publiée par le Journal de Rouen, le 9 mai 1890.
Lyonnais, Jérôme Doucet ? Certes, il est né à Lyon. Mais sa famille quitte Lyon alors qu’il est âgé de 9 ans, puis s’installe en Normandie en 1880. Ses années d’adolescence se passent à Rouen et Beaumont-le-Roger. Et voici ce qu’il déclare en « Justification » d’un de ses ouvrages :

« Justification de l’auteur », « Verrières », 1926.
Deux allusions dans ce paragraphe : il effectue sa scolarité à Rouen, et y rencontre « le Bonheur » : on verra plus loin ce qu’il entend par là.

Faisons maintenant un petit détour...

En 1871, Hyacinthe-Eugène Meunier, né à Moulins le 20 mai 1845, qui a choisi le pseudonyme d’Eugène Murer (ses parents ne l’ont pas reconnu), est veuf. Il appelle auprès de lui sa demi-sœur, Marie Thérèse Alexandrine Meunier, parfois appelée Marie Murer, pour s’occuper de son jeune fils Paul. Marie est née le 29 novembre 1849 à Moulins.

Portrait d’Eugène Murer, publié dans l’Album Mariani.
Eugène Murer est presque un aventurier. Il a fait de nombreux métiers, avant de trouver le succès avec une pâtisserie, boulevard Voltaire à Paris. Il écrit et publie. Mais surtout, grâce à son ami d’enfance Armand Guillaumin, Murer rencontre les peintres impressionnistes, dont personne ne veut à l’époque, et il va s’enthousiasmer pour leurs créations. Pendant quelques années il va les suivre, acheter leurs œuvres, leur en commander. Cela ne se fera pas toujours avec grâce : il a semble-t-il le chic pour visiter les ateliers le jour du loyer, et paie aussi peu que possible.


Renoir, portrait d’Eugène Murer, 1877.
Il commandera ainsi en 1877 à Renoir le portrait de Paul, le sien, et celui de Marie. Il ne les paiera que 100 francs…

Renoir, Portrait de Marie Meunier, 1877.
Aujourd’hui à la National Gallery, Washington. Marie a 28 ans sur ce portrait.

Renoir, portrait de Paul Meunier, 1877. Paul a sept ans. Collection privée, Suisse.
Petit à petit, la collection d’Eugène et de Marie grandit, jusqu’à compter une centaine de toiles, de tous les grands noms (Pissarro, Renoir, Sisley…). Eugène et Marie avaient certainement bon goût… Christian.

Tout ceci pourrait paraitre anecdotique si nous n'allions pas découvrir (c'est un scoop), dans la 3eme partie contée par Christian, que Jérôme Doucet épousant Marie Murer, ces peintures, aujourd'hui de renommée mondiale, sont donc passées par ses mains... Quel destin ! Pierre

13 commentaires:

Pierre a dit…

Moi seul (avec Christian, le brillant auteur) connait la suite... Palpitant ! Pierre

calamar a dit…

je bout d'impatience...

Pierre a dit…

Ce sera, en effet, le bout de cette histoire ;-)) Il faudra nous en raconter d'autres, dans l'avenir, calamar ! Pierre

Anonyme a dit…

Pourquoi on ne peut pas avoir accès aux carrés gris avec une flêche au milieu?
Bien à vous,
Sandrine.

Pierre a dit…

Un problème ? Je ne vois pas. Pierre

calamar a dit…

perso, pas de souci d'affichage...
Je tiens à préciser que dans le premier article les photos du livre de Doucet (Anacréon) sont dues à Pierre, et que cet ouvrage est sans doute à vendre.
Par contre dans celui-ci, si c'est toujours Pierre le responsable de la photo du livre (Contes de Haute Lisse) ce magnifique exemplaire n'est plus à vendre :)

Pierre a dit…

Je confirme pour les deux ouvrages, calamar.

Je fais une petite entorse en vous parlant de mon dimanche. Nous venons de fêter nos 30 ans de mariage, ce soir, entourés de deux de nos enfants et de ma belle-fille. Mon épouse m'a offert 30 bouteilles de vins... Il ,parait que l'alcool conserve ;-)) Pierre

Textor a dit…

On attend la suite avec impatience ! Serait-il possible qu’il ait échangé toutes ces croûtes contre de beaux livres anciens ?
T

calamar a dit…

on ne sait pas, il a peut-être réussi à racheter certains exemplaires de la bibliothèque de son père ?
et puis, c'est vrai que tous ces tableaux, Ziem, Diaz, Courbet, ça n'allait pas avec les nouveaux, Renoir, Sisley, Van Gogh... autant tout bazarder.
Pierre, une bouteille par année de mariage, c'est une riche idée... Je comprends maintenant l'expression "prendre de la bouteille" !

Textor a dit…

Chassez le naturel, il revient au goulot !

Textor a dit…

Alors ... Pierre ne travaille pas le Lundi ? ... cette suite, ça vient ?
Remboursez ! Remboursez !
T

Pierre a dit…

Aller-retour à Toulouse pour déménager mon troisième, faire l'état des lieux avec lui, etc... Vous verrez quand vos enfants seront grands ;-))

Me voici prêt pour la suite et fin de l'excellent billet de Christian ! Pierre

sandrine a dit…

Oui, je dois avoir un soucis avec la vidéo, aucune ne fonctionne. mais ce n'est pas grave.
Bien à vous,
Sandrine.