lundi 21 juillet 2014

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : L'oraison du sponsor est toujours la meilleure…


Ce matin, neuf heures trente, première permanence d’été à la librairie pour un lundi où le soleil de Provence est revenu de sa pause dominicale. Après les réveils paisibles des premiers jours de vacances, après les instructions au petit personnel qui m’accompagne, après les midis tout ensommeillés, après les journées d'alanguissement en des peignoirs lâches et disgracieux, après quelques obligations mondaines, voici venu le temps de redevenir le sponsor de Pierre...


J’ai actionné le rideau électrique, allumé quelques lumières ; tout est bien rangé dans la boutique. Pierre a posé sur le bureau, comme à son habitude, un ouvrage susceptible d’être vendu par ses soins grâce à mon intercession auprès des lecteurs. Deux, plus exactement. Qui lit encore des oraisons funèbres à notre époque ? Et qui lisait des oraisons funèbres aux siècles passés ? On est  surpris de constater que ces ouvrages présentent souvent, d’ailleurs, des signes d’usage qui démontrent que la pratique était autrefois fréquente.


Vous savez que l'oraison funèbre est un discours solennel prononcé pour honorer la mémoire d’un défunt illustre. Les "Bossuet", les "Fléchier" sont malheureusement rares aujourd’hui et la plus élémentaire précaution, si vous voulez qu’on fasse de vous un éloge un peu classieux au cours d’une liturgie bien menée, est encore d’écrire votre propre oraison si, comme moi, vous avez quelques talents pour l’écriture… Reste à trouver un Evêque ou un Cardinal à l’élocution claire pour honorer votre mémoire !


En ce jour de l'an de grâce ... [date à préciser], en notre Collégiale de Tarascon, une foule compacte se presse aujourd’hui pour entendre l'éloge funèbre de Philippe Gandillet :
 
L’épithète d’Académicien est celle que l’on entend le plus fréquemment accolée au nom du maitre. Idole de milliers de jeunes gens et de quelques lecteurs d’un blog bibliophile, il fit plus pour l’Académie qu’elle ne fit pour lui.  Ainsi était la pensée de Philippe Gandillet. Douée de raison, sans doute. D’intelligence, bien sûr. Mais, mieux encore, de passion domptée pleine de la douleur, de la tendresse, de l’orgueil et de la rage qui bouillonnaient en son cœur.


Mais ce n’est pas son empire, profond et chaque jour plus étendu, sur la pensée d’aujourd’hui et de demain qu’il faudrait évoquer en premier. Il était né athlète. Et il était né chanteur. Qui ne se rappelle qu’à l’aurore, quand sa journée était terminée et son mot du jour offert au dictionnaire, on le voyait parcourir des kilomètres et des kilomètres de bitume, pouvant dépasser les meilleurs coureurs kenyans en vitesse et en accélération sur des parcours où, malheureusement, on en trouvait pas ? Qui ne sait qu’à peine adolescent, il s’était épris d’un beau feu pour une des plus belles voix du répertoire français ; Alain Barrière ? C’est ainsi qu’au collège, dans la salle d’études commune, il troublait le recueillement prescrit en accompagnant ses devoirs de sa voix puissante, esquisse d’approbations passionnées et de succès d'estime…

Ce sont cependant les aspects de son génie littéraire qui nous rassemblent aujourd’hui. La première chose qui frappait ses interlocuteurs c'était la clarté d'esprit de Philippe Gandillet. Dès que les premières paroles fusaient sur ses lèvres, immédiatement, on devinait où il voulait en venir, on comprenait le cheminement de sa pensée ; après vous être entretenu avec lui du sujet qui vous tenait à cœur, vous vous sentiez comme oint d'un baume apaisant qui vous faisait oublier même, le contenu de votre propre questionnement.


Si le livre sacré nous enseigne : "Beati pauperes spiritu", ou pour les profanes : "Heureux les pauvres en esprit", alors, en vérité je vous le dis, Philippe Gandillet a dû être très malheureux, lui qui avait l'esprit si fécondCeux qui pensent que son activité dévorante pouvaient le faire négliger les plus simples choses sont-ils bien sûrs que la gymnastique de l’article quotidien qu’il s’imposait n’était pas un entrainement utile et point fatiguant pour un esprit de cette vigueur ?

Nous en avons assez dit pour montrer que cet écrivain marquera de son empreinte les temps à venir. Si nous sommes passés sur son rôle glorieux pendant son service militaire à Saint-Cyr Coetquidan, c’est sans doute parce que son prestige n’en avait pas besoin, cette dernière louange pouvant ternir toutes les autres par son éclat. Une grande voix crie du fond de la France orpheline et surtout de notre siècle : Pourquoi lui, le meilleur d'entres nous ? Le malheur a voulu que Philippe Gandillet soit Académicien devant la mort. Mais Immortel, il le sera, pour la vie…


Voilà, c'est aussi simple que ça ! On peut lire, aussi, les belles oraisons de mes deux voisins de siège, Esprit Fléchier et  Jacques-Bénigne Bossuet dans les deux ouvrages que Pierre propose à la vente, aujourd'hui. C'est remarquable. Votre dévoué. Philippe Gandillet


FLECHIER Esprit. Recueil des oraisons funèbres prononcées par messire Esprit Flechier, évêque de Nismes. Nouvelle édition, dans laquelle on a ajouté un précis de la vie de l'auteur. Paris, Jean Desaint, 1741. Un volume  in-12. Reliure pleine basane fauve, dos lisse, caissons fleuronnés, pièce de titre maroquinée,  gardes colorées.  Xviij, [1f table], 256pp. Signes de restauration. Bel état.Vendu

BOSSUET Jacques Bénigne. Recueil des oraisons funèbres prononcées par messire Jacques-Benigne Bossuet, évêque de meaux. Nouvelle édition, dans laquelle on a ajouté un précis de la vie de l'auteur. Paris, Jean Desaint, 1741. Un volume  in-12. Reliure pleine basane fauve, dos lisse, caissons fleuronnés, pièce de titre maroquinée,  gardes colorées.  11, [1f table], 250pp. Signes de restauration. Bel état. Vendu

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis rassuré : j'ai eu peur de faire de l'ombre à mes deux coreligionnaires... Leurs oraisons vont remonter le Rhône par le chemin du halage. Ph Gandillet