vendredi 1 février 2013

Jean-François Regnard. Une édition illustrée de ses oeuvres datant de 1790...


On m'a demandé de défiler contre l'adoption de la loi sur le mariage homosexuel. J'ai refusé. Le mariage civil donnera les mêmes droits aux partenaires au moment du divorce, entérinera des situations déjà existantes, et c'est bien. Il s'agit d'une loi républicaine. Personne n'a jamais demandé la bénédiction de l'église. D'ailleurs, le mariage n'est un sacrement que depuis le Concile de Latran au XIIIeme siècle, je crois. Nous avons la chance d'avoir une religion catholique apaisée. Ne cherchons pas à diviser les pratiquants sur un sujet qui ne touche pas aux dogmes et à la Foi. Et puis, pour tout dire, quitte à être vilipendé par quelques lecteurs, j'aurais tendance à penser comme Jean-François Regnard, dont je présente les œuvres aujourd'hui, qu'il y a quand même grand mérite à vouloir être marié… Je cite :


" Quelque chose que je dise contre le mariage, mon dessein n'est pas d'en détourner ceux qui y sont portés par une inclinaison naturelle, mais seulement de faire voir que les dégoûts et les chagrins qui en sont presque inséparables, viennent plutôt du côté des maris que celui des femmes, contre le sentiment de Mr Despréaux. J'espère qu'en faveur de la cause que j'entreprends, on excusera les défauts qui sont dans cette satyre contre les maris : je me flatte du moins que les dames seront pour moi ; et, à l'abri d'une si illustre protection, je ne crains point les traits de la critique la plus envenimée ! "


Si vous désirez connaître les termes de cette satire, il vous faudra donc acquérir cette belle édition illustrée de 1790… Jean-François Regnard (1655—1709) est né dans une famille de commerçants aisés. Son père, mort jeune, lui laisse une immense fortune, qu'il emploie à voyager. D'Italie à Constantinople, d'une rive à l'autre de la Méditerranée, il se retrouve prisonnier des pirates barbaresques en 1678 et vendu comme esclave à Alger. 


Libéré contre rançon, quelques mois plus tard, il ne rentre à Paris que pour repartir, en avril 1681, cette fois pour l'Europe du Nord : des Flandres à la Hollande, puis au Danemark, avec un arrêt à la cour du roi Christian V, enfin en Suède, à la cour de Charles XI, et un périple en Laponie. De son aventure algérienne, il tire la Provençale, récit romancé de ses amours avec Mme de Prades, et de son expérience du Grand Nord, des Voyages, sans doute composés dès son retour vers 1682-1683, mais qui ne paraîtront qu'en 1731. 



De retour à Paris, il achète une charge de trésorier de France, qui, tout en lui faisant une position très honorable dans la noblesse de robe, lui laisse tout loisir de se consacrer à la littérature. Dès 1688, il écrit pour le théâtre, pour les comédiens italiens, des arlequinades et pièces à tiroir où il exerce une verve endiablée et un sens inné du comique. Après une brillante carrière de dramaturge, lors de laquelle on l’a vu comme un successeur de Molière, il meurt d’indigestion le 4 septembre 1709…  


Regnard atteint la grande comédie avec le Joueur (1696), puis viennent Le Distrait (1697), Les Folies amoureuses (1704) et surtout Le Légataire universel (1708) qui se détachent d'une abondante production. Regnard, en outre, a laissé des relations de ses voyages : Voyage en Normandie (en prose et en vers), Voyage à Chaumont, Voyage de Flandre et de Hollande, Voyages de Laponie, de Pologne, d'Allemagne, de Danemark, de Suède.


Cette édition est bien complète de ses 12 gravures sur acier et de son frontispice. Elle ravira le bibliophile et le lecteur auxquels on pourra, cependant, reprocher de cautionner, comme je le fais, une certaine indifférence morale, un scepticisme épicurien, qui fait envisager le vice sans indignation pourvu qu’il soit gai et spirituel… Pierre


REGNARD (Jean-François). Oeuvres de Regnard. Edition, revue, exactement corrigée et conforme à la Représentation. Paris, Maradan, 1790. 4 volumes in-8. Reliures pleines basanes mouchetées, dos lisse, faux caissons ornés de motifs, filets et dentelles d'encadrement, pièce de titre de maroquin rouge, tomaison en maroquin noir, roulette sur les coupes, tranches mouchetées, originales gardes colorées. Tome I : Voyages de Flandres et de hollande - de Laponie - de Pologne - d'Allemagne - La Provençale - Voyage de Normandie - Voyage de Chaumont, Tome II : Comédies : la Sérénade - Le bal - Le Joueur - Le distrait, Tome III : Comédies : Démocrite - Le retour imprévu - Les folies amoureuses - Les Jumeaux, Tome IV : Comédies : Le légataire universel - La critique du légataire - Les souhaits - Les vendanges, ou le bailli d'Anières - Sapor, tragédie - Le Carnaval de Venise, ballet... - Poesies diverses. XXIV + 460 + 495 + 481 + 486. L'illustration comprend un portrait en frontispice et 12 figures hors texte de Vignet, Croutelle, Halbou, Thomas, Duhamel et Le Roy d'après Bornet et Borel. Menus défauts de reliure. Bel exemplaire, malgré des défauts d'usure, dans une reliure aux dos très décoratifs. Cachet de petit séminaire. 250 € + port

 

4 commentaires:

Jean-Paul Fontaine, dit Le Bibliophile Rhemus a dit…

Attention : danger ! La recherche d'une "illustre protection" n'empêcherait pas l'épicurien de mourir à table ?...

Pierre a dit…

C'est évidemment un peu bête de mourir d'indigestion d'autant plus que nous savons tous qu'il n'y a qu'un pas entre le péché mignon et le péché capital* ;-)) Pierre

* il faut prendre la gourmandise dans le sens de la gloutonnerie, bien sûr !

pascalmarty a dit…

Plût à Dieu, Pierre, que tous les gens animés des mêmes hautement respectables convictions religieuses que vous, aient cette même sagesse quant à leur loyalisme républicain. Le monde entier n'en tournerait que mieux.
Jolie petite édition que ce Régnard. Et puis j'avoue qu'elle me rassure. Car depuis mon billet du Visorion à propos du gondolage, je me demandais si ma théorie n'était pas un peu hasardeuse. Mais visiblement ces in-octavo ne gondolent pas le moins du monde, ce qui semble bien confirmer mes explications. Ouf !

Pierre a dit…

En fait, la différence entre ces grands in-8 (21/14) et des petits in-4, c'est qu'ils ne gondolent pas ;-)) Pierre