vendredi 4 mai 2012

Le cas Proudhon : "La propriété, c'est le vol ". Alors, va pour la location longue durée !

La campagne électorale se termine. Demain, nous ne pourrons plus débattre à travers la presse, et les réseaux sociaux sur internet seraient bien inspirés à ne plus faire, dorénavant, de prosélytisme à l'attention des indécis. Je pose, de mon côté, la dernière pierre à l'édifice en vous proposant un ouvrage de Pierre-Joseph Proudhon qui est un modèle pour les uns et un repoussoir pour les autres. Encore faut-il le lire pour juger sur pièce !


Né à Besançon, le jeune Proudhon est placé comme bouvier avant de rentrer, à dix ans, comme boursier au collège royal de Besançon où ses études sont brillantes. Il multiplie alors les emplois précaires (typographe, artisan imprimeur), travaille dans une entreprise de navigation fluviale et découvre les rouages de l’entreprise et de la bureaucratie. Les difficultés matérielles, émaillées de procès politiques, de prison, d’exil, l’accompagneront tout au long d’une vie riche durant laquelle Proudhon se révèlera un journaliste-écrivain prolifique laissant à sa mort plus de quarante ouvrages et de multiples articles dans lesquels il aborde avec une rigueur inlassable tous les problèmes de l’humanité.


Issu de la misère, il se définit comme un " aventurier de la pensée et de la science " et il est le premier à concevoir et à appliquer le concept de socialisme scientifique (prôné en franc-maçonnerie) fondé sur " une science de la société méthodiquement découverte et rigoureusement appliquée ". Soucieux de la diversité des êtres, il appuie son système sur l’anarchie (négation de l’autorité de l’homme sur l’homme) et revendique dans le même esprit l’anticapitalisme ( négation de l’exploitation de l’homme par l’homme), l’anti-étatisme (négation du gouvernement de l’homme par l’homme) et l’antithéisme ( négation de l’adoration de l’homme par l’homme). C'est un négationniste, en somme…


Proudhon revendique l’autogestion (affirmation de la liberté de l’homme par l’homme) comme méthode positive, qui associe un travaillisme pragmatique (réalisation de l’homme par l’homme grâce au travail social), un justicialisme idéo-réaliste (idéalisation de l’homme par l’homme par la réalisation d’une justice sociale) et un fédéralisme autogestionnaire (libération de l’homme par le pluralisme social). C’est sur ces trois principes que s’appuient ses théories.


Il les développe dans de nombreux ouvrages parmi lesquels La Création de l’ordre (1843), La Justice (1858), La Théorie de la propriété (1865) ainsi que dans de multiples articles dans les trois journaux qu’il a créés. Il influencera Engels et Marx ; ce dernier le tenait en 1842 pour le penseur le plus hardi du socialisme français. Il sera néanmoins en désaccord avec ce dernier sur le principe de la grève et des syndicats ouvriers qu'il condamnera toujours !


Une ombre au tableau, cependant : Proudhon, connu pour son antisémitisme (aujourd'hui, il serait simplement xénophobe) et son antiféminisme écrivait notamment : "Le Juif est par tempérament antiproducteur, ni agriculteur, ni industriel, pas même vraiment commerçant. C'est un entremetteur, toujours frauduleux et parasite, qui opère, en affaires, comme en philosophie, par la fabrication, la contrefaçon, le maquignonnage. Il ne sait que la hausse et la baisse, les risques de transport, les incertitudes de la récolte, les hasards de l'offre et la demande. Sa politique en économie est toute négative ; c'est le mauvais principe. Satan, Ahriman, incarné dans la race de Sem" et cerise sur le gâteau : " Une femme est bonne à faire des enfants, à garder le ménage…". Quel visionnaire ! ;-))


Léon Poliakov résume bien "Le cas Proudhon" : "Hantise de la femme, hantise du Juif : tout laisse croire que l'asservissement de l'une et l'expulsion de l'autre revêtaient pour Proudhon des significations voisines et [...] on est bien fondé à voir dans ce révolutionnaire en retard sur son temps, dans ce violent, le prototype d'un fasciste du XX° siècle". Au lendemain de sa mort, Barbey D'Aurevilly dira de lui "Il fut souvent ridicule, jamais cupide". C'est, assurément, le plus bel hommage que l'on puisse faire à un homme politique ! Pierre


PROUDHON (P. J.) Œuvres complètes. Mélanges. Articles de journaux, 1848-1852. Premier volume : Articles du représentant du peuple, article du peuple. Paris, Lacroix, Verboeckhoven & Cie, 1868. 1 volume in-12, 298 pp. Reliure bourgeoise demi-chagrin cerise, dos à nerfs orné de motifs et lettres dorés. Papier de garde coloré, tranches mouchetées. Quelques rousseurs en page de titre, aucunes rousseurs dans le texte. Articles de journaux édifiants. 35 € + port

5 commentaires:

pascalmarty a dit…

C'est toujours triste de découvrir que des gens qu'on aurait a priori placés dans la catégorie des gentils n'étaient finalement pas aussi aimables qu'on l'espérait.
Plaise au ciel (ou au Grand Machin) que je ne doive jamais apprendre que Victor Schœlcher battait sa femme…

sebV a dit…

Il y a surement des raisonnements d'aujourd'hui qui,à la lumière de la morale du siècle prochain, nous placeront demain chez "les méchants" .

Pierre a dit…

Pascal,

C'est un mauvais exemple ! Victor Schœlcher ne s'est jamais marié et n'a jamais eu d'enfant. La tentation est moins grande ;-)) Pierre

Pierre a dit…

Mais Sébastien a raison. Nos raisonnements du présent sont souvent plus le prolongement du passé qu'un tremplin vers l'avenir. Quelle est la chose qu'ils nous reprocheront le plus à votre avis ? Pierre

pascalmarty a dit…

Oui, Pierre, j'ai appris ça pour Schœlcher en allant jeter un œil sur Wiki après coup. Il n'empêche : de facto il n'a jamais battu sa femme…