lundi 14 mai 2012

Esprit Fléchier; Oeuvres complètes éditées chez Beaume, à Nîmes, en 1782.

Esprit Flechier est né en Provence en 1632. Il eut une jeunesse pauvre, reçut son éducation à Tarascon (avez-vous remarqué que notre bonne ville est comme le passage obligé de tous les grands de ce monde ?) au sein de la congrégation de la Doctrine chrétienne de César de Bus, dans laquelle il entra en 1648. Il la quitta en 1658, après avoir enseigné quelque temps la rhétorique à Narbonne.


En 1659, il devint précepteur dans la famille Caumartin à Paris. Présenté dans les salons de Mlle de Scudéry et de Mme Deshouillères, il fut fêté comme homme d'esprit sachant tourner le madrigal. En 1665, il accompagna le conseiller d'État Caumartin à Clermont et assista aux événements qu'il relate dans ses Mémoires sur les Grands Jours d'Auvergne. Il fréquenta ensuite l’hôtel Rambouillet, devint sous-précepteur, puis lecteur du Dauphin et aumônier de Mme la Dauphine.


Poète français et latin, remarquable orateur sacré, il prononça des oraisons funèbres, dont les plus renommées sont celles de Turenne et du duc de Montausier. Nommé à l’Académie Française en1672, il fut reçu le 12 janvier 1673, le même jour que Racine et Gallois. Son discours eut un succès qui déconcerta Racine, parlant après lui et qui le fit paraître inférieur au premier. Perrault disait de lui « Le premier qui fut reçu après moi fut M. l’abbé Fléchier, évêque de Nîmes. Il y eut une foule de monde et de beau monde à sa réception... On peut dire que l’Académie changea de face à ce moment ; de peu connue qu’elle était, elle devint si célèbre, qu’elle faisait le sujet des conversations ordinaires. »


Fléchier fut nommé évêque de Lavaur, en 1685, puis de Nîmes, 1687 où il laissera le souvenir d'un personnage d'exception. Sa charité était inépuisable et il fut regretté même des protestants. Il a écrit une Histoire de Théodose le Grand qui fait encore référence…


Mais qui est Théodose le Grand, me direz-vous ? Vous pourrez le savoir en parcourant le tome I des œuvres de Fléchier que je propose aujourd’hui à la vente. En voici un résumé perfectible : Pour simplifier, disons que si Constantin fut le premier empereur Romain à choisir la religion catholique, ce fut Théodose (Flavius Theodosius, Augustus) qui, le dernier, imposa la religion catholique comme religion d’état en interdisant le culte des divinités dans son empire (un grand merci à François qui en une seule phrase m’a déblayé le terrain. Lors du vote du comité d’administration, mardi, je voterai pour toi !)


Au début du IVe siècle (en 313, par le biais de l'édit de Milan), l'empereur romain Constantin Ier avait mis fin à la clandestinité des chrétiens, leur accordant certains privilèges et leur permettant la construction de temples importants. En leur accordant la liberté de culte, il décrétait ainsi la fin du paganisme comme religion officielle de l'empire .A la fin du IVe siècle, Théodose le Grand publia, de son côté, l’édit (dit édit de Thessalonique) suivant : "Tous les peuples doivent se rallier à la foi transmise aux Romains par l’apôtre Pierre, celle que reconnaissent Damase et Pierre d'Alexandrie, c’est-à-dire la Sainte Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit".


Les temples de l'empire de Théodose furent alors fermés et la statue de la déesse Victoire retirée du Sénat romain, ce qui provoqua l'indignation chez les Romains fidèles à la tradition.


Les suites de l'Édit de Thessalonique furent catastrophiques pour les tenants de l'ancienne religion romaine et pour la culture gréco-romaine. Les rôles furent drastiquement renversés : Ce sont maintenant les "païens" et leurs œuvres qui seront interdits, traqués, exterminés. Il faudra attendre plusieurs siècles et de nombreux massacres au nom du prosélytisme pour que la religion catholique devienne enfin une religion apaisée…Mais arrêtons de parler de religion car je sais que le sujet divise !


Ces œuvres complètes de Fléchier sont un très beau recueil pour bibliophile. Remarquablement relié, en parfait état intérieur et extérieur, il lui manque le tome II retraçant la vie du Cardinal Commendon, le plus faible et le moins attrayant des ouvrages de M. Fléchier (c'est écrit dans la préface !). Il sera difficile de trouver un exemplaire dans la même reliure, je pense. Malgré ce défaut, dont on a tenu compte dans l'estimation de l'ouvrage, il n'empêche que ce recueil restera une riche acquisition pour le bibliophile et le lecteur. Ses mémoires nous offrent un tableau piquant de la vie de province au XVIIIème siècle. Pierre


FLECHIER (Valentin Esprit). Œuvres complettes de Messire Esprit Fléchier […]. Revues sur les Manuscrits de l'auteur, augmentées de plusieurs pièces qui n'ont jamais été imprimées, accompagnées de préfaces, d'observations et de notes sur tous les endroits qui ont parus en avoir besoin. Nîmes, Chez Pierre Beaume, 1782. 9 tomes sur 10. Volumes au format in-8. Reliure plein veau tacheté, dos à nerfs, pièces de titre et de tomaison, motifs floraux dans les caissons, roulettes sur les nerfs, filet doré sur les coupes, tranches jaspées, page de garde en papier coloré (reliure de l'époque). CXIJ pp., 264 pp. 16pp (prospectus) ; XXXVJ pp., 418 pp. ; (CXXXVJ) pp., 210 pp. ; 471 pp. ; 356 pp. ; 446 pp. ; 368 pp. ; 426 pp. ; 450 pp. Edition donnée par l'abbé Ducreux ornée d'un portrait de l'auteur à Hyasinthe Rigaud, gravé par Duflos le Jeune. Quelques défauts de reliure, quelques défauts intérieurs ( légères mouillures marginales très claires sur deux tomes et un trou de vers marginal sur 10 feuillets du tome I) . Très bel ensemble. Vendu

4 commentaires:

pascalmarty a dit…

Les bibliophiles curieux de typographie pourront observer sur la page de titre la manière dont sont fabriqués les filets décoratifs. On voit bien les interstices entre deux tronçons. Les petites vignettes à chaque bout ressemblent fort (quoique…) à des numéros 101 de Fournier le jeune, fondues sur corps de Petit-Romain. Et si les lettres de deux points ornées aves lesquelles est composé le nom de l'auteur ne sortent pas aussi de chez lui, ça voudrait dire que les fondeurs de l'époque pratiquaient le plagiat sans aucune vergogne.
(Et j'ai décidément plus de goût pour les reliures XVIIIe avec leur côté un peu bancal que pour celles qui leur ont succédé…)

Pierre a dit…

J'avoue : J'ai mis côte à côte le commentaire de Pascal et la page de titre agrandie pour bien comprendre. Et là, tout est devenu clair !

Pascal est un vrai spécialiste de la typographie. Il est vraisemblable que cette spécialité devienne un des piliers de la bibliophilie dans le futur, comme l'est devenue la bibliographie.

Comme lui, je suis très sensible à la beauté classique des reliures XVIIIeme siècle. Il me reste à espérer qu'un lecteur y soit sensible de même ;-))

Certains diront que l'ouvrage pêche par le texte. Il n'en est rien. Ce ne sont pas 9 tomes de sermons calibrés. Je peux fournir la table des matières un peu longue aux curieux. Pierre

Textor a dit…

Je ne sais pas ce qu'il faut admirer le plus chez Pascal : ses connaissances étendues dans l'art typographique ou bien son excellente vue !

Beaux exemplaires de cette prose qui, j'imagine, doit captiver le lecteur comme le feraient les sermons de Massillon, les anecdotes en moins.

Textor

pascalmarty a dit…

Holà, holà, n'en jetez plus ! Au-delà des livres en eux-mêmes, pour lesquels j'ai une grande admiration et une grande tendresse, c'est vrai que tout ce qui touche à leur fabrication me tient à cœur en ce que ça représente de savoir-faire, voire d'obstination. (Enfin bon, je suis moins sensible au travail d'une Cameron qui crache un bouquin fini tous les 35 centièmes de seconde…) Mais de là à être un vrai spécialiste en typo, non. Il en existe déjà plein de vrais et j'ai encore du pain sur la planche avant de les rattraper.