lundi 11 juillet 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Lettre à un ami lecteur en espérant une réponse…


Voilà, je suis en vacances !

Ce lundi, alors que je garde la boutique de notre infortuné boutiquier, je profite de l'occasion pour faire mon courrier. Vous comprendrez que je ne fais acte de présence, ici, qu'en raison de la villégiature saintoise (il a un petit cabanon aux Saintes Maries de la mer) de mon employeur...

J'aime envoyer des nouvelles comme en recevoir et c'est à l'ouverture de la librairie, au lever du soleil, que je viens d'écrire cette lettre à un ami. Je ne la poste pas, il se reconnaîtra. Il l'a lira en même temps que vous, peut-être. Il doit me répondre en utilisant la voie des commentaires, bien sûr…


Tarascon, lundi matin, 11 juillet de l'année 2011.

Mon cher ami,

Je t'ai fait, trop longtemps, attendre ma lettre mais tu sais que j'aime rattraper mon courrier en retard pendant les vacances. Et je compte sur ton amitié pour excuser ma négligence.

Aussi bien que te dirais-je ? Voilà le mois de juillet qui commence. Il coulera trop vite. Je ne puis croire que plus d'un mois de liberté s'ouvre à moi, loin des mondanité parisiennes, loin de mes collègues de l'Académie et si près du soleil.

La vie n'est pas compliquée aux environs de Tarascon. Elle y est très douce et s'amuse à mirer dans l'eau des piscines l'azur de son ciel bleuté. Je sais qu'il est impossible à Paris de suivre le jeu des ombres et du soleil. Hier, au déclin du jour, j'ai vu le ciel, violet à l'orient, et qui par transitions douces se dégradait, vers l'occident, jusqu'au vert pâle. Nous n'avons ceci qu'en Provence.


A l'entrée de ma bastide, croissent les touffes de lavandes, qui sont, à midi, toutes vivantes d'abeilles et qui laissent tout le jour aux mains qui les ont effleurées, un parfum violent comme le mistral. A mesure que le soir tombe, les arbres cessent de bruire du son des cigales et le vent s'essoufflant, les eaux prennent l'immobile transparence d'un miroir. L'aile des martinets frôle parfois, sans la troubler, la limpidité de ce cristal improvisé. Il est difficile d'imaginer, à distance, toute la paix et toute la douceur que dégagent ces crépuscules du soir et du matin, vois-tu…

Comme je regrette, à tous égards, que tu ne sois pas là. Nous aurions pu aller nous promener ensemble. Mais tu as tes enfants en garde ce mois-ci, alors que ta femme est partie avec ton meilleur ami pour quelques jours de croisière en Bretagne, tu me l'as déjà dit ! Par moment, ta naïveté me déconcerte et j'en viens à me demander si tu n'attends pas avec impatience ces parenthèses dans ta vie de couple…


Mais je ne t'ai pas encore parlé de mes lectures… J'ai, tu t'en doutes, quelques ouvrages qui traînent sur ma table de nuit, et que je porte avec moi, sur le bureau installé à l'ombre dans le jardin. J'ai donné ordre à ma gouvernante de ne pas me déranger pendant que je lis, pendant que je rêve, pendant que je mange ou même quand je me baigne. Elle n'en fait rien pendant que je dors... et tu dois donc convenir que je vis dans le plus total silence, oiseaux mis à parts…

Je peux donc voyager en paix et c'est avec Chapelle & Bachaumont, Le Franc de Pompignan, Desmahis et le chevalier de Parny que j'entame mes premières excursions estivales. J'ai pris, pour cela, un agréable ouvrage sur les rayonnages de la bibliothèque de Pierre. Je t'en fournis la notice en fin de lettre et tu pourras lui acheter dès que j'aurai finis de le lire.


Je n'ai pas le temps de me relire et je t'envoie, dans cette lettre, mes idées pêle-mêle comme le pêcheur qui renverse sur l'étal du marché sa nasse encore humide où luisent et palpitent les poissons confondus. Excuse mes négligences.

Ton dévoué. Philippe Gandillet.


CHAPELLE & BACHAUMONT / LEFRANC DE POMPIGNAN / DESMAHIS / DE PARNY. Voyage de Chapelle et de Bauchaumont suivi de leurs poésies diverses, du voyage de Languedoc et de Provence par Lefranc de Pompignan, de celui d'Eponne par Desmahis et de celui du chevalier de Parny précédé de mémoires pour la vie de Chapelle, d'un éloge de Bauchaumont et d'une préface de Saint Marc. A Paris chez Constant Letellier Fils, 1826. Format in-8. Reliure demi basane verte, dos lisse, tranches marbrées. Portrait frontispice -(2)-lix-332 pp. Le "Voyage du Chevalier de Parny" pp. 307 à 332 contient un passage sur l'île de la Réunion. 60 € + port

7 commentaires:

Nadia a dit…

Mon dieu que cette lettre est tendre ! j'ai du mal à croire que c'est notre austère bien-pensant Gandillet qui l'a écrite... il s'en dégage un climat d'été au son des cigales (qu'est-ce qu'elles me manquent !), une douceur de vivre, de la mélancolie, de la douceur et de l'amitié.

Pierre a dit…

Austère, Philippe Gandillet ? C'est sa moustache qui lui donne cet air austère ;-)) Pierre

Anonyme a dit…

Je viens de réaliser que mes amis sont aussi en vacances. Ils me répondront à leur retour ;-)) Ph Gandillet

Anonyme a dit…

Cher Philippe,

Ta lettre a mis deux jours pour me parvenir.Ici, les bruits de la ville remplacent le chant des cigales et le parfum de la lavande ne me chatouille la narine qu'à l'ouverture de la vieille armoire où dorment les draps brodés de ma grand-mère.Je ne sais quelle mauvaise langue t'a dit que ma femme était en Bretagne. Elle est à mes côtés et nous partons tous les deux le 6 août prochain pour trois semaines fêter la défaite de César sur les côtes morbihanaises et déguster les huitres, un peu salées pour certains, de Sainte-Hélène sur les bords de la rivière d'Etel.Le temps ne semble pas passer aussi vite en Provence qu'ici : les enfants ont grandi, je suis grand-père, et la "petite" dernière vient de passer son bac. Nous ne nous étendrons pas sur son avenir. Elle fait partie de cette génération qui ignore l'existence même des livres. Il lui faudra encore quelques épreuves et quelques années de plus pour comprendre combien ils distribuent le réconfort dans les moments un peu difficiles.Et quand tout va bien, ils font la joie de nos coeurs et de notre esprit. Mais il est vrai que je manque d'objectivité par mon grand âge, me délectant à la lecture de la première édition du Brunet : quand on pense qu'il n'avait que trente ans !
Je t'ai assez longtemps distrait de tes lectures. Je te souhaite un bel été et espère bien pouvoir te lire et te relire encore pendant de nombreuses années.

Tuus.
Rhemus.

Anonyme a dit…

Mon très cher ami,

Ces nouvelles me comblent de joie et de vous savoir, vous aussi, bientôt en vacances ajoute à mon bonheur. Embrassez bien votre épouse pour moi et qu'elle soit le soleil de votre maison. Je serai peu disponible cette semaine car j'ai décidé de ne rien faire jusqu'à lundi et je m'y tiendrai. Il me tarde néanmoins de vous entretenir de l'avenir de la jeunesse à l'occasion de ma prochaine causerie. Ph Gandillet

Anonyme a dit…

Gast! Je n'avais jamais vu notre Rhemus faire un commentaire aussi long ! Le lyrisme de Maitre Gandillet est communicatif !
Pour moi aussi les vacances commencent. Je vais pouvoir aller aux escargots à ma guise, et retrouver ces plaisirs d'autrefois, comme sauter à pieds joints dans les flaques

Textor

Pierre a dit…

Sauter à pied joint dans les flaques et se faire sermonner sous l’œil complice des grands-parents : Sujet du Bac 2012 ;-)) Pierre