jeudi 2 septembre 2010

Jules Michelet. Une histoire de France qu'on nomme " La Bible" !


On ne dira jamais assez comme le hasard est étrange… Alors que je faisais une comparaison entre l’œuvre d’historien de Guizot et celle de Michelet, je me suis rendu compte que leur vie fut en tout point comparable ! Ils naquirent à la même époque troublée, moururent la même année (1874), eurent leur famille ruinée par la révolution, furent des travailleurs acharnés et avaient la même religion, au moins au départ. C’est tout juste s’ils n’ont pas épousé les mêmes femmes ! Mais, là encore, leur destin est lié. Tous les deux veufs, ils se remarient et redécouvrent le bonheur conjugal auprès de leur nouvelle compagne… C’est, malgré tout, l’élève qui a laissé son nom à la postérité puisque tout le monde connaît Jules Michelet pour son « Histoire de France » (inachevée comme celle de son aîné) alors que Guizot n’est resté connu que comme ministre de Louis-Philippe… Le talent d’écrivain de Jules Michelet est unanimement reconnu et son histoire de France est un chef-d’œuvre d’éloquence et d’émotion. Je vous en présente deux extraits qui donnent le ton :


Mort de Ravaillac : Si on eût laissé faire la foule, l'homme aurait été mis en pièces à la porte de la prison. Ce fut une scène horrible, plus cuisante pour Ravaillac que le fer et le feu. Il s'éleva une si épouvantable tempête de malédictions, que le pauvre misérable, qui avait cru le peuple pour lui, tombant dans cette mer de rage, s'abandonna entièrement… La description du supplice est à l'unisson, entassant les métaphores à la façon d'un mille-feuilles. Portrait de Louis XVI : Il était cependant humain. On l'avait vu dans tous ses actes. On le voyait dans les touchantes instructions qu'il donna en 84 à La Peyrouse, recommandant d'épargner les sauvages et de leur faire du bien. Une seule chose pouvait faire du tort à sa bonté, c'était sa sensibilité, violente, emportée, pléthorique. Il débordait, crevait de sang… Un pur style gothique flamboyant !


Il donna, en 1833, un Précis de l’histoire de France et, cette même année, les deux premiers volumes de sa grande Histoire de France, qui devait être poursuivie, pendant les dix années qui suivirent, jusqu’à la fin du moyen âge, en 6 volumes in-8.


Ce n’est qu’en 1855 que Michelet reprit son Histoire de France, au point où il l’avait laissée en 1847, et qu’il la poursuivit jusqu’en 1789 dans les 11 volumes qui parurent de 1855 à 1867 (2 + 6 +11 = 19 volumes). Il devait plus tard entreprendre de compléter cette grande œuvre, qui formait déjà avec l’Histoire de la Révolution 24 volumes, en écrivant l’Histoire du XIXe siècle. Un seul volume parut du vivant de Michelet, en 1872; les deux autres, qui vont jusqu’à Waterloo, ne furent publiés qu’en 1875.


Comme érudit, il a eu le mérite de mettre le premier à contribution les documents inédits pour la composition d’un grand ouvrage de synthèse historique. Il est toujours remonté directement aux sources, s’est défié des opinions toutes faites, des sentiers battus, a cherché à vérifier tous les événements, à se faire sur chaque événement et sur chaque personnage une opinion directe et personnelle. Comme historien, il a eu à un degré éminent un des dons les plus nécessaires et les plus précieux, le don de faire revivre le passé avec les couleurs de la réalité. Comme écrivain, l’originalité de Michelet n’est pas moins grande. Il a un style nerveux, coloré et palpitant. Mais, il faut le reconnaître, sa sensibilité et son imagination ont souvent fait tort chez lui aux qualités de critique, de méthode, d’impartialité, que réclame l’histoire… Pierre


MICHELET Jules. L'histoire de France, nouvelle édition revue et augmentée. 19 volumes. Paris, C. Marpon et E. Flammarion éditeurs, 1879-1884. L'intégral de la "bible" Michelet en 19 volumes in-8°. Reliure demi-chagin cerise. Dos à 4 nerfs dorés, pièce de titre et tomaison en lettres dorées. Motifs dorés entre les nerfs. Papier coloré en page de garde et texte présentant peu de rousseurs, nombreuses illustration in texte et hors texte. Reliures homogènes et cahiers solidaires. Portrait frontispice de J. Michelet avec sa signature reproduite sur le tome de tête. Bel ensemble bien complet.Vendu

19 commentaires:

Pierre a dit…

Nous en sommes aux citations. Michelet est d'une extrême lucidité :

«La politique est l’art d’obtenir de l’argent des riches et des suffrages des pauvres, sous prétexte de les protéger les uns des autres.»

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Entre lucidité et cynisme...

B.

Textor a dit…

C'est pas faux ! Enfin, c'est pas Woerth qui dirait le contraire !

Textor a dit…

Michelet, cet historien qui présentait les mérovingiens comme des rois fainéants et nous faisait descendre de nos ancêtres les gaulois, a contribué à donner de l’histoire une vision pittoresque sans analyse de ses ressorts. Faut-il encore le lire ? Peut-être, mais comme on lit les ouvrages de Dumas…

Pierre a dit…

Tout à fait d'accord avec Textor et c'est pourquoi j'ai présenté deux extraits que Dumas n'aurait pas renié ! (et encore, je n'ai pas retranscris l'écartement de Ravaillac qui est un must !)

Cela se lit comme un roman. Et c'est pourquoi, je pense qu'il y a encore un lectorat. Enfin, j'espère ;-)) Pierre

Jeanmichel a dit…

C'est quand l'Histoire se fait histoire qu'elle est amusante. Georges Duby est très intéressant mais peut paraître rébarbatif.
Je suis en train de me tâter, c'est-à-dire de me frotter le bout du menton entre le plat du pouce et la phalangine de l'index correspondant en paraissant fixer un point au-dessus de l'horizon... et si Pierre a encore l'ouvrage le 19, il est possible que je m'épargne les frais de port.

Pierre a dit…

Je me frotte, moi aussi, le menton entre le pouce et l'index en me disant... que j'aurai quand même pu me raser ce matin !

Jean-Michel et Textor ont tout à fait raison sur l'analyse qu'ils font de l'œuvre de Michelet. Je me régale de leurs propos pertinents qui m'apportent autant que je donne. Avec ses qualités et malgré ses clichés, cette Histoire de France est un ouvrage à lire. Pierre

calamar a dit…

les clichés en question sont intéressants en eux-mêmes, ils font partie de l'inconscient collectif français. De la même façon, les manuels scolaires de l'époque sont passionnants. A condition d'avoir des ouvrages plus récents pour apprécier le décalage...

Textor a dit…

C'est certainement à lire et de surcroit la reliure est plaisante (si on fait abstraction de ces grosses étiquettes blanches)
Voyons voir... Redon-Tarascon ... 981 km, 9h17 fichtre que c'est loin! Y a-t-y nocturne au Journées du Livre Ancien ?

Pierre a dit…

Pas de nocturne mais le tenancier de l'auberge peut aller jusqu'à Avignon chercher les V.I.P ;-))

Il assure même le logement, c'est pour dire ! Je dois reconnaitre néanmoins que Tarascon est bien loin... Et que ce salon du livre n'en est qu'à ses balbutiements.

J'avais pensé à enlever les étiquettes moi-même sur cette série mais je me suis dit que le nouveau propriétaire pourrait en tirer quelque plaisir un peu comme à découper les pages avec son coupe-papier. Pierre

Anonyme a dit…

Je me glisse dans ce créneau matinal pour jouer la candide (aucun mal : bien que suivant l'épopée livres-anciens avec assiduité, j'avoue ne pas être initiée du tout à la chose ; je n'ai été catapultée dans ce blog que parce qu'un type que je cotoyais jadis, et qui portait une blouse blanche, avec un air sérieux et docte, mais cependant déjà une étincelle malicieuse dans l'oeil, le type, donc, a jeté sa blouse aux orties et s'est propulsé libraire déjanté... au fait, il ressemble à quoi, Pierre, sans sa blouse ??)... bref, je m'égare.
Je disais donc que j'allais poser THE QUESTION qui tue : quelle est donc la définition d'un livre ancien ? est-ce parce qu'il est "vieux", c'est-à-dire édité il y a fort longtempts ? et les sujets qu'il traite sont-ils forcément historiques (genre Histoire), ou alors peut-il traiter d'autres sujets plus généraux ?
J'ai vu dans votre boutique, Pierre, à côté du poste informatique dans l'entrée à gauche, un petit livre qui traitait en quelque sorte de "l'éducation de la femme", un genre qui raconte que nos pauvres ancêtres devaient amener leurs pantoufles à leurs maris (chanceux ?) quand ils rentraient du dur labeur, avoir mis la table à temps, et que d'agréables odeurs s'échappent déjà de la cuisine avant même qu'il ait eu le temps de beugler "qu'est-ce qu'on mange ??"... des textes qui me font dire que je suis née au bon moment ! je ne parle pas du petit soupir qu'il est approprié de pousser au moment de l'acte... on va dire charnel, histoire de montrer qu'on est bien là, et qu'on ne s'est pas endormie, ou alors qu'on n'est pas en train de dresser la liste pour le boucher !

Messieurs les initiés, à vos plumes ! qu'est-ce donc qu'un livre dit "ancien"...

Nadia.

Pierre a dit…

Vous n'êtes pas née au siècle dernier, Nadia, mais on voit que vous avez une parfaite connaissance du sujet !

Je collectionne, en effet, les ouvrages d'éducation de jeunes filles aptes à façonner de futures générations d'épouses cuisinières et simulatrices. C'est ce que l'on nomme des "livres anciens" :

Le livre ancien est donc un témoignage du passé que l'on regarde avec nostalgie pour le charme de ses propos et pour ses qualités esthétiques. Il est bien évident que je sais, qu'aujourd'hui, les femmes ne sont plus cuisinières ;-))

Il faut néanmoins préciser que le livre ancien (disons : plus de cent ans) n'a d'intérêt pour le bibliophile que s'il est en bon état ! Combien de personnes croient posséder un "trésor" alors qu'il ne possèdent qu'un tas de papiers sans valeur !

Il est une autre catégorie de livres qui peuvent être moins anciens mais qui s'adossent aux livres anciens et à l'amour du livre, ce sont les livres illustrés que nous appelons les livres de luxe (ou livres rares et curieux, je schématise). Ce n'est pas un paradoxe que de dire que la bibliophilie est vécue avec les yeux et la main. Il y a même des odeurs de papier ancien qui font fantasmer les bibliophiles comme pouvait le faire, dans le passé, le n°5 de Chanel sur la peau douce d'une femme cuisinière et simulatrice.

Mais nous sommes, ici, dans le "fantasme ancien" qui n'est pas ma partie ;-)) Pierre

Textor a dit…

Merci Pierre pour vos propositions, il y a peu de libraires qui assurent le gite et le transport à leur clients hypothétiques ! Je vais tenter de convaincre Textorinette de faire le voyage, mais c'est pas gagné, Envoyez moi d'urgence le livre " convaincre son épouse en 12 leçons " ...

Textor a dit…

Nadia,
De mon temps, on nommait livres anciens les ouvrages édités depuis la naissance de l'imprimerie (env.1453) jusqu'à 1830 et livres romantiques, les ouvrages postérieurs. Mais les bibliophiles peuvent s'intéresser à de beaux livres modernes, dénomination réservée aux ouvrages de moins de cent ans. Ou encore à des livres moins beaux qu'ils collectionnent, comme les séries noires ou les BD. En fait le bibliophile est éclectique !
T

calamar a dit…

les catalogues de ventes mentionnent couramment "livres anciens et modernes", les modernes étant les livres du XXe, illustrés ou éditions originales (les autres sont beaucoup moins recherchés). Le critère d'ancienneté joue peu sur l'intérêt d'un livre, seul compte le nombre de personnes (un peu dérangés ?) intéressées et les livres techniques sur ce domaine sont très largement survalorisés : ils ne perdent pas de leur public initial en basculant de la librairie traditionnelle au circuit "livres anciens". Témoin le livre de Mr Galantaris...

Anonyme a dit…

Merci à vous tous pour ces précieux renseignements.

p.s(1) : si, Pierre, je suis née au siècle dernier ! (et vous aussi d'ailleurs).

p.s(2) : je cuisine aussi.


Nadia

Pierre a dit…

Quel plaisir de constater, après une dure journée de bricolage (peinture de cuisine) que nos amis bibliophiles ont parfaitement cerné en quelques phrases la notion de livre ancien et répondu parfaitement à la question de Nadia.

J'aime assez la définition de textor qui pourrait diviser les ouvrages anciens imprimés en trois catégories : Anciens, Romantiques et Modernes mais il faudrait vraisemblablement mettre une date butoir à la fin des livres romantiques (en fonction de leur reliure, de leur thème par exemple où des procédés industriels de fabrication de leur papier), et choisir de façon péremptoire une date, un évènement, un auteur qui borne la dénomination...

La définition du livre "moderne" comme un ouvrage de moins de 100 ans a le mérite d'être simple et évolutive mais il faudra trouver un nom pour les ouvrages de la fin du 19eme siècle et du début du 20eme siècle.

Un livre contemporain est un livre qui est encore édité. Ensuite, il devient Moderne. On comprend bien avec la réédition de textes anciens que c'est la date de parution de l'ouvrage qui lui donne son patronyme. On comprend donc bien que ce n'est pas l'intérêt du texte (calamar a raison) qui donne de la valeur au livre ancien mais plutôt, sa présentation, l'histoire de sa parution, l'éditeur et l'imprimeur qui ont été à l'origine de sa diffusion.

Tout ceci est un peu comme la cuisine qui doit mélanger plusieurs ingrédients pour faire un bon plat, Nadia..... qui doit illuminer le visage radieux de votre mari quand ils rentre du dur labeur et qui, après avoir mis la table à temps, et que d'agréables odeurs s'échappent déjà de la cuisine avant même qu'il ait eu le temps de manger crie à sa chère et tendre épouse "Qu'est-ce que tu nous a préparé, ma chérie ? "

Mais tout ceci est tellement banal… Pierre ;-))

Pierre a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Pierre, vous avez complété à merveille.
Hormis le paragraphe culinaire qui mène tout de suite mon meilleur ami, Picard, à la ruine certaine, tout est clair pour moi maintenant.

(oui, oui, on peut cuisiner et trouver du plaisir à goûter les plats de Picard ! suis pas sectaire...).


Nadia