jeudi 11 août 2011

Frédéric Mistral. "Nerte" - "Nerto" en provençal - édition originale de 1884.


Troisième poème épique provençal de Frédéric Mistral, paru avec la traduction française en 1884, année du quatrième centenaire de la réunion de la Provence à la France, l'action se déroule au XVeme siècle. Le baron Pons, seigneur de Chateaurenard ( à côté de Tarascon), dont les violences défrayaient la contrée sent venir avec terreur son heure dernière. Un affreux souvenir l'accable. Un soir qu'au jeu, il avait perdu fortune, armes et château, le diable se présenta à lui et lui offrit en dédommagement une fantastique noria (machine à eau), dont les godets versèrent des monceaux d'or à ses pieds. Mais à ces dons, Satan avait mis une condition, et oui, et oui… Dans treize ans, la fille du châtelain, la douce et charmante Nerte, devrait appartenir à l'Enfer.


Le terme fatal approche et le châtelain mourant fait à sa fille confidence de son marché. Il ne voit pour elle qu'une chance de salut : Qu'elle aille trouver le pape, Pierre de Luna, qui règne en Avignon sous le nom de Benoît XIII. Chateaurenard est près d'Avignon sur la rive gauche de la Durance. Le trajet serait prompt et facile si Boucicaut, envoyé par Charles VI, n'assiégeait la cité papale (rebondissement)… Mais il existe sous le fleuve un passage secret dont le seigneur de Chateaurenard remet les clefs à sa fille. Ainsi, tout en sollicitant la protection de Benoît XIII, pourra-t-elle offrir à celui-ci un moyen d'évasion. Nerte exécute les ordres paternels. Le neveu de Benoît, Rodrigue de Luna, un jeune homme débauché, accueille la jeune fille et la conduit à son oncle. Grâce au mystérieux souterrain, le pape s'échappe d'Avignon et gagne Chateaurenard. C'est pas fini !


Le pape demande alors l'hospitalité à Louis II, duc d'Anjou, qui se dispose à faire valoir ses droits sur le trône. C'est l'occasion de somptueuses fêtes. Nerte accompagne le pape et retrouve Rodrigue de Luna, qui dans les arènes d'Arles, tue un lion au moment où il va se jeter sur la jeune fille (aaarrgghhh !). On aime bien les lions en Provence ;-))

Mais elle sait qu'un plus grand danger la menace, et demande au Pape de l'en protéger. Benoît XIV l'engage à embrasser la vie monastique au couvent de Saint-Césaire. Elle obéit avec quelques regrets, d'où la pensée de Rodrigue n'est sans doute pas étrangère. A peine Nerte a-t-elle d'ailleurs prononcé ses voeux que Rodrigue envahit le monastère à la tête d'une troupe de bandits et enlève la jeune fille. Un vif combat s'engage entre les ravisseurs et les gens du guet, attirés par le tocsin. Avant de prêter main-forte aux siens, Rodrigue dépose Nerte à demi-évanouie, à l'abri des tombes des Alyscamps, mais de retour ne l'y trouve plus. Désespéré, le jeune seigneur fait appel au diable. Satan lui apparaît alors et lui promet la réussite (Le malin est au charbon à cette époque).Aussitôt surgit à Laurade, un château splendide dont les sept salles, chacune présidée par un des péchés capitaux, nous sont largement décrites.


Nerte, qui après avoir fui les Alyscamps a été recueillie par un ermite et a connu maints périls, se présente devant le manoir diabolique. Rodrigue l'y accueille et lui confesse son amour. Mais Nerte lui répond qu'elle ne saurait vivre en ce monde. Leurs âmes ne peuvent s'unir que dans une autre vie, et elle inspire à son soupirant le repentir de ses crimes. Tout à coup, le démon apparaît, l'heure fatidique va sonner !


Nerte doit lui être livrée. Rodrigue s'avance au-devant du diable, lui montre le fourreau de son épée en forme de croix et le repousse au nom de la Sainte Trinité. Un effroyable coup de tonnerre retentit, la tempête balaye le palais maudit et Nerte est délivrée… Happy end !


Composé en plein essor du mouvement félibréen et quand la popularité de Mistral était déjà considérable, ce poème s'efforce de ressusciter quelques-uns des fastes de l'ancienne Provence, selon la manière qu'affectionnaient les troubadours ou les conteurs épiques. Aussi, les épisodes tirés du folklore et de la légende, ou inventés de toutes pièces, sont-ils placés dans des lieux réels et particulièrement réputés : Avignon des Papes, rives de la Durance, allée des Alyscamps, arènes d'Arles, ruines de la Laurade qu'ils entourent d'une atmosphère poétique. L'édition que je vous propose est l'édition originale. C'est un des péchés mignons des bibliophiles que de rechercher les ouvrages tels qu'ils ont été imprimés à l'origine. La raison ? Pierre


MISTRAL (Fréderic). ‎Nerte, nouvelle provençale. Paris, Librairie Hachette, 1884. Edition originale. Format in-8. Demi-chagrin tabac, plats de papier coloré, dos à cinq nerfs, titre en lettres dorées, page de garde en papier coloré, tranche supérieure dorée. [2 ff], 381 pp. Avec la traduction française en regard. Bel exemplaire sans rousseurs.‎ Edition originale avec vue des ruines de Chateau-Renard. Vendu

6 commentaires:

Nadia a dit…

Ah dis donc Môssieu Pierre ! je suis toute haletante de ces péripéties ! il s'en passait, des choses, jadis. Finalement, on se prenait la tête autant que maintenant...

Pierre a dit…

La fin du récit se termine par un couple enlacé dans l'azur infini d'un coucher de soleil... Les ingrédients du succès d'édition n'ont pas changé ! Pierre

Nadia a dit…

... et ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants ?

Pierre a dit…

Comme dans la vraie vie... Je ne suis pas certain que le fait d'avoir beaucoup d'enfants soit, à long terme, un gage de bonheur dans la vie d'un couple. On dit fréquemment que la cause des conflits parentaux provient des enfants. Ce que j'en dis ;-)) Pierre

Anonyme a dit…

Attention toutefois à bien comprendre cette phrase : "Il furent heureux et eurent beaucoup d'enfants".
"Et" est une conjonction de coordination servant à unir, à suturer, des parties de phrases, une conjonction copulative ainsi qu'on l'appelle volontiers maintenant. C'est comme un petit mot qui masquerait, à la façon d'un sparadrap, une solution de continuité.
Il n'y a aucune relation de sens entre les deux membres de la phrase, tout au plus souhaite-t-on indiquer qu'il s'agit des mêmes personnes, mais peut-être ont-elles été heureuses un moment, puis, bien plus tard, ont eu des enfants.
Tout ceci, bien sûr, dans la série "Parler pour ne pas dire grand chose" ou "Je dis ça, je dis rien".

Jean-Michel

Pierre a dit…

Je connais des amis qui furent ainsi heureux près de 35 ans et (conjonction copulative), à 35 ans, ils se marièrent...

Ça où autre chose ;-)) Pierre