mercredi 28 juillet 2010

Réhabilitation du Père Joseph, Éminence grise de Richelieu, par Henry D'Yvignac.


Je reçois un petit mot d'un fidèle lecteur. Je vous le retranscris, tel quel : " Pourriez-vous nous faire un petit Henry D'Yvignac sur le Père Joseph, histoire de croire qu’on est en vacances ? "

Je rappelle que Joseph François Leclerc du Tremblay dit aussi le Père Joseph (1577-1638) était un conseiller occulte de Richelieu. Parce qu'il était capucin, il portait une robe grise, parce qu'il fut créé cardinal peu avant sa mort, et qu'on le considérait aussi puissant que Richelieu, il eut droit au titre d'Eminence. D'où l'expression consacrée " d' Éminence grise " qui a caractérisé ce conseiller influent et qui a perduré avec certains collaborateurs d'hommes publics, ensuite. En temps normal, j'aurais laissé à l'Éminence grise de la librairie, Philippe Gandillet, la primeur de ce billet mais vu que le père Joseph est un ecclésiastique qui nous renvoie au thème de la religion que j'affectionne particulièrement, je lui subtilise son article. Il ne serait pas foutu de reconnaître un Bénédictin, d'un Capucin, de toute façon !


Les Capucins forment l'une des trois branches masculines de la famille franciscaine. Ils sont ainsi nommés en raison du capuce ou capuchon dont ils couvrent leur tête. Le menton, les joues et le bord supérieur du visage sont garnis de longs poils, la tête rasée interrompue vers le sinciput, ils sont aisément reconnaissables. Un de nos derniers représentants connu fut l'Abbé Pierre qui s'est quelquefois joué des standards de sa tenue. Les pieds à demi chaussés de sandales, le derrière et le col nu, la robe de drap composée de lambeaux à demi usés de couleur brune et cousus ensemble, marquée sur l'abdomen de deux plis longitudinaux, le Capucin a fière allure.


Le capuchon est mobile, allongé, pointu et subulé à son extrémité. Le bon moine, compagnon de Thierry la fronde, et ennemi de l'odieux Sire Florent le portait autrefois parfaitement… Les manches de la bure, amples servent d'enveloppe aux bras velus et contiennent souvent quelques fioles d'eau de vie utiles pour se désaltérer. Le cordon blanc est à trois nœuds brodé des bandes fluorescentes depuis le décret du 12 août 1997, ce qui permette à nos cénobites de circuler sur le bord des routes en toute sécurité, la nuit, sans se faire renverser par une voiture...


Leur air est souvent misérable, leur démarche lâche et leur physionomie sinistre. Une forte odeur de graillon les accompagne en raison de la présence de fromage éponyme caché dans le capuchon et sous les aisselles. Le Capucin peut néanmoins sourire si on lui caresse doucement la barbe dans le sens du poil. Il dévore et boit tout indistinctement. Son silence est son état naturel et les Bénédictins disent même que c'est à peine s'il pense… Cette congrégation a été réglementée par Mathieu Baschi qui ne pouvant se résoudre à obéir, après avoir commandé, sortit de son couvent et avec l'approbation de Clément VIII déchira le capuchon en pointe pour en faire le signe de reconnaissance de sa communauté … Mais je vois que j'arrive à la fin de l'article et que ma petite digression textorinesque m'a emporté loin de la réhabilitation voulue par Henry D'Yvignac !
On sait que son Éminence le cardinal de Richelieu a été un conseiller fort écouté par Louis XIII. Il était comme son premier ministre, même si le titre n'existait pas encore vraiment. Ce qu'on sait souvent moins, c'est qu'Armand Jean du Plessis de Richelieu avait un ami de longue date, un moine capucin, François Leclerc du Tremblay, également connu sous le nom de Père Joseph ; et que cet ami, à la fois confident et conseiller, est beaucoup intervenu dans les relations diplomatiques de la France sous les ordres de Richelieu. Il a également créé un véritable service de renseignements constitué de moines capucins qui rapportaient toutes les informations utiles sur les différentes zones de conflits, permettant ainsi à son Éminence d'être très au fait de ce qui se passait dans le royaume et aux alentours. D'yvignac nous conte tout ceci avec beaucoup de talent et nous fait découvrir que notre première Éminence grise fut un grand serviteur de la France ! Pierre

YVIGNAC (Henry d'), L'Éminence grise (le père Joseph), Librairie du Dauphin, collection « Les Grands hommes d'État catholiques », Paris, 1931, 164 p. 12 € + port

7 commentaires:

Textor a dit…

je ne sais pas pourquoi mais j'aime bien vos disgressions textorinesques !!:)
Merci Pierre, je n'avais pas intégré que le moine de Thierry la Fronde était un capucin, ce qui explique tout, sa tenue, sa pauvreté, son isolement dans la forêt, clairement pas un bénédictin !

Il y avait dans mon enfance une maison isolée sur les hauteurs de Suresne (Haut de Seine) avec un beau jardin qu'on appelait "la maison du père Joseph". Je me demande s'il s'agissait du personnage que vous avez évoqué, il va falloir que j'achète ce d'Yvignac pour le savoir...

Textor

Pierre a dit…

Je savais que vous auriez de la mansuétude pour les digressions qui m'ont empêché de développer l'étude approfondie de l'ouvrage ;-))

Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais l'évocation de " Thierry la fronde " me remplit toujours de joie. Je revois ces scènes de bataille avec des anglais qu'on assommait plutôt qu'on trucidait, ces combats où les guerriers faisaient la queue pour affronter le héros, ces cascades où l'infortuné combattant tombait du côté du coup porté... Quel régal ! Je soupçonne le scénariste d'avoir conjointement mené une carrière de séminariste et la chaine de télévision d'avoir été sponsorisée par "le jour du seigneur"... Je me demande encore si notre intrépide Thierry a jamais eu l'opportunité d'embrasser Isabelle sur la bouche ?

J'espère que ce modeste billet réhabilitera enfin, à la fois le Père Joseph et Henry d'Yvignac. Pierre

Jeanmichel a dit…

L'époque était bien naïve en effet et nous nous évadions à bon compte, bien loin des terribles feuilletons cruels de réalisme d'aujourd'hui dont "Mimi ange-gardien" pourrait être le chef de file.
Mais Pierre tu ne m'as toujours pas déniché cette "Légende dorée" de Jacques de Voragine ?

jpp a dit…

Je crains un léger anachronisme n'étant pas du tout certain que l'ordre des franciscains -et en particulier leur branche capucine -ait déjà essaimé en France au temps de la Guerre de 100 ans.
Les seuls capucins errant dans les forêts alors devaient être de braves lièvres destinés à sustenter les compagnons du dit-Thierry.
cette remarque n'enlève rien au charme de la disgression de notre ami Pierre

Pierre a dit…

Damned ! J'avais depuis Noël, une "légende dorée" que j'avais mis de côté mais je ne me rappelai plus qui avait bien pu m'en formuler la demande ! Un mystique de passage s'en ai saisi, je crois, ou il est bien rangé.

Je repars à la pêche... Pierre

Pierre a dit…

L'incohérence historique est évidente, Jean-Michel ! Vous êtes incollable. Mathieu Baschi a fondé la communauté un siècle après la guerre de cent ans.

Est-ce à dire que "Thierry la fronde" était un mythe destiné à duper les crédules adolescents que nous étions ? Le monde s'écroule :-(( Pierre

PS : On ne touche pas à Roger Moore-Ivanohé, SVP !

Textor a dit…

Quoi ? ! des anachronismes chez Thierry la Fronde ? pas possible, des anachorètes, peut-être...mais pas d'anachronisme dans cette serie-culte de notre enfance.... a l'époque où il y avait 2 chaines ... (aujourd'hui, il n'y en a plus qu'une, tous les feuilletons se déroulent dans un institut médico-legal...

Dites, Pierre, si vous avez une Légende dorée, incunable s'entend, vous la mettez aux enchères car je suis intéressé!