vendredi 23 juillet 2010

Oeuvres complètes de Diderot en 6 volumes chez Belin. 1818


Il y a chez Diderot un goût singulier pour la mystification, qu'il appelait de la perversité et qu'il garda jusqu'à la fin de sa vie. Sa mort elle-même fut une mystification posthume (il fut autopsié, à sa demande)…

Jeune, Denis Diderot (1713-1784) se crut une vocation religieuse. Il en joua jusqu'à en persuader sa voisine d'étage, Madame Champion, pour capter l'attention de la bonne dame et séduire sa fille qui devint effectivement Madame Diderot. De nombreux points de sa biographie restent cependant obscurs. De sa jeunesse bohémienne, il nous laisse un trou de dix ans où brillent quelques lueurs incertaines, quelques vagues anecdotes à la Murger… Le plus grave est que nous ignorons tout de la crise intellectuelle qu'il traversa pour aboutir au scepticisme et à l'incroyance.


Il fréquentait beaucoup les cafés, principalement le Procope, sur la rive gauche, devant la comédie française et le café de la Régence devant le Palais royal. Il se lia avec Le Sage, Rameau et bien d'autres compositeurs, auteurs et joueurs d'échecs mais la rencontre la plus marquante qu'il fit fut celle de J.J Rousseau qui essayait, à cette époque, de faire adopter son nouveau système de notation musicale.


Voici donc nos deux compères devenus amis (leurs femmes aussi). Diderot travaillait à des traductions pour des libraires pendant que Rousseau paradait près des grands de ce monde. Un jour, le libraire Le Breton lui proposa d'adapter en français l'encyclopédie anglaise de Chambers. Il eut alors l'idée de faire éditer la sienne. L'encyclopédie était née ! Évoquons maintenant la douloureuse gestation.


Il se mit à recruter des collaborateurs : Rousseau pour la musique, D'Alembert pour la partie scientifique, Buffon, etc… Cette bataille, car il faut utiliser le mot de bataille, dura plus de vingt ans et les difficultés ne vinrent pas toujours de l'extérieur ; les philosophes au siècle des lumières étaient prudents avec le pouvoir, malgré tout. L'encyclopédie fut un moment arrêtée, Diderot emprisonné et sur le point de devenir fou après avoir écrit un texte séditieux. Il en garda une telle prudence que les écrits qui font maintenant sa gloire ne furent jamais imprimés de son vivant sous son propre nom !


L'Encyclopédie tour à tour poursuivie et tolérée parut grâce à la persévérance de Diderot et à l'appui de Malesherbes, directeur de la librairie du roi qui partageait ses idées et les couvrait. Il n'en tira guère de profits financiers. Il vivait chichement, quittait peu son grenier de la rue de Taranne dont la vue portait sur St Germain des Prés. Il se fâcha même avec Rousseau qui se voyait ignoré dans les salons parisiens de la Marquise d'Epinay ou du Baron Holbach où défilaient les encyclopédistes.


Plus sympathique que le sec Voltaire, moins farouche que Rousseau, Diderot avait ce côté humain qui le rendait agréable aux gens de son époque et qui font qu'on le lit encore aujourd'hui avec plaisir et décontraction.


On va me dire que Diderot fut volage et que sa correspondance avec Madame Volland prouve qu'il n'était pas infaillible. A sa décharge, je répondrai en disant que sa femme avait, de notoriété, fort mauvais caractère et qu'il avait, il en sera pour cela pardonné, des scrupules… (cette dernière phrase ne devant pas être rapportée à ma charmante épouse, bien sûr). Plus on lit Diderot, plus on réalise qu'il fut un bon et sensible philosophe. Il a vu très loin. Sa capacité de compréhension et son envergure d'esprit le classe parmi les plus grands hommes de son siècle. Pierre


DIDEROT Denis. Œuvres complètes de Denis Diderot en partie originale. Elle contient plusieurs textes inédits : Voyage e Hollande, Salon de 1761, 5 dernières lettres du salon de 1759, 3 dialogues, Mon père et moi, fragments politiques…A Paris, Chez A. Belin, Imprimeur-Libraire 1818-1819. 6 volumes in-8, relies, demi percaline vert olive et papier coloré, 754, 736, 795, 751, 678, 525, avec in fine du premier volume, 2 grandes planches dépliantes, dont une de figures géométriques et en début du volume second, une planche aussi dépliante intitulée "Système Figure des Connaissances Humaines". Dos lisses avec motif, pièce de titre et tomaisons en maroquin cerise. Coins légèrement frottés les coiffes sont toutes intactes ainsi que les mors. Les rousseurs faibles sont assez courantes mais ne gênent nullement la lecture. L'ensemble est de belle qualité. Reliure en bon état. 200 € + port

3 commentaires:

Pierre a dit…

J'irai passer un week-end à Paris à la fin de l'été. Je cherche un bibliophile qui aimerait partager un repas avec moi au "Procope", histoire de parler "livres" dans un lieu magique.

Il est évident que si ce bibliophile était une charmante femme, je déroulerais un tapis de séduction pour lui plaire ;-)) Pierre

Anonyme a dit…

Sauf erreur de ma part, l'édition Belin compte 6 tomes plus un supplément, non ?

Pierre a dit…

L'édition Belin compte 6 volumes. Il y a, en effet, un supplément si l'on s'en réfère à l'exemplaire mis en vente chez Camille Sourget :

http://www.abebooks.fr/servlet/BookDetailsPL?bi=5824809459&afn_sr=para&para_l=30

Ce supplément est malheureusement hors de prix ;-)) Pierre