Les Cent Contes drolatiques d’Honoré de Balzac est une œuvre au texte méconnu pour beaucoup de lecteurs mais dont le titre est connu des bibliophiles grâce à Albert Robida et Gustave Doré qui en firent, en raison de leur talent d'illustrateurs, des succès d'édition. Sur les cent contes envisagés, Honoré de Balzac n’en écrivit que trente, répartis en trois "dizains".
Il s’agit de contes s’inscrivant dans la tradition des
fabliaux du Moyen âge et rédigés dans une langue du XVIe siècle réinventée. Ils
sont pour la plupart situés au sein d’une Touraine géographiquement extrêmement
bien délimitée, mais à une époque médiévale aux contours flous. Les intrigues
se déroulent au cours d'un Moyen âge qui s’étend des croisades du XIIIe siècle
aux troubles religieux du XVIe siècle. Ils ont pour thème principal les aléas
d’une sexualité grivoise : il y est question de jeunes filles que leur
pucelage chatouille, de vieux châtelains impuissants et cocus, de jeunes
« coquebins » entreprenants, de moines paillards, et de bâtards. Les
frasques de D.S.K y auraient leur place…
Ils coïncident tout d’abord avec la résurrection
littéraire de Rabelais. On compte, en effet, cinq éditions ou réimpressions des Cinq livres entre 1820 et 1830, au
moment de la gestation du premier "dizain". Publiés
initialement en 1832, les Contes drolatiques de Balzac forment un projet
insolite d’écriture d’imitation qui fit un beau scandale à l’époque, autant par
sa truculence que par les fantaisies de sa langue imaginée.
La facture archaïsante, anachronique de cette œuvre découragea
souvent le public, la syntaxe médiévale étant réservée à une élite de lecteurs.
Le deuxième problème auquel les Contes drolatiques
s'affrontèrent fut d’ordre érotique. Beaucoup de lecteurs furent choqués par
l’obscénité de certaines intrigues.
Certaines relèvent simplement de la tradition des
fabliaux - la jeune fille mariée à un vieil impuissant, le noble qui débauche
la bourgeoise maligne - mais d’autres proposent des issues moins comiques et
mettent en œuvre de véritables violences envers les femmes. Dans La Belle Impéria, la courtisane
doit subir les assauts et violences psychologiques et physiques de deux
évêques. Les femmes ou jeunes filles sont assez souvent victimes de viols dans
les Contes drolatiques, la plupart du temps
sur le mode comique. Dans Le Curé d’Azay-le-rideau,
le curé éponyme prend en croupe, au cours d'une promenade à cheval, une jeune
fille de Touraine et finit par s’arrêter dans un bois pour la catéchiser plus
ou moins contre son gré. La jeune lavandière de Portillon dans Comment La Jeune Fille de Portillon quinaulda
son juge est elle aussi violée par un notable auquel elle apporte
son linge et doit ensuite prouver le viol au juge qui remet sa parole en doute
et la soupçonne de séduction. Dans le conte D’ung paouvre qui avoyt nom le Vieulx-par-chemins,
une jeune vachère est violée pendant sa sieste par un vagabond de quatre-vingts
ans. Mais le forfait est tourné en gageure par le duc de Rouen qui promet la
grâce au violeur s’il parvient à prouver sa vitalité sexuelle au pied de
l’échafaud.
On ne saurait cependant réduire les Contes drolatiques à de comiques
fabliaux grivois, dans lesquels Balzac aurait déversé ses humeurs égrillardes
et ses fantasmes érotiques. Derrière cet érotisme paré des couleurs de la
féodalité se dessine un exercice de style qui met en valeur la palette des talents
d'écrivain de Balzac et en font un des auteurs majeurs de la littérature
française. Pierre
BALZAC (H.
de) et A. ROBIDA. Les Contes Drolatiques.
Illustrés de 600 dessins par A. Robida. Paris, Librairie
Illustrée - J. Tallandier, sd (1890). 2 volumes grands in-8(25,5/17,5).III
+ 400 pages et 384 pages. Reliure de type romantique, demi -veau brun, dos
lisse orné de motifs dorés, couvertures conservées, gardes colorées. Les
dessins sont en noir et blanc (1 seul colorisé par tome). Bel état général sans
rousseurs. 145 € + port
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