Jacques-Henri Lartigue réalisa ses premiers clichés à l’âge de 6 ans, photographiant les dames au bois, mais il ne sera reconnu qu'à 69 ans grâce à une exposition au MoMA de New York. Ce préambule pour vous dire que tout espoir n'est pas perdu, ni pour vous, ni pour moi ;-))
Dandy, homme à femmes, amateur de belles cylindrées, qu'on a
longtemps pris pour un autodidacte talentueux qui cherchait à s’amuser, Jacques
Henri Lartigue (1894-1986) est aujourd'hui reconnu pour la cohérence et la
qualité de son œuvre photographique. Hypersensible, angoissé, le petit Lartigue réalise ses
premières photos pour figer le temps qui passe. C’est son père qui lui offre
son premier appareil, l’initie à la prise de vue (il est lui-même photographe
amateur) et lui permet même de développer ses négatifs dans une chambre noire,
installée dans la maison familiale. Ses photos ne sont donc d’abord qu’un moyen
de se souvenir des choses "jolies,
curieuses, bizarres" qui l’entourent, au même titre que le
journal intime qu'il tiendra jusqu’à la fin de sa vie. Ses premiers instantanés
montrent ses proches : Zisou son frère, Yéyé sa tante… Ce qui frappe dans ses clichés de jeunesse ?
L’inventivité et la drôlerie d’un photographe amateur ! La cousine, engoncée
dans son costume de la Belle Epoque, l'amie habillée en garçonne, la cigarette
aux lèvres, fixée sur la pellicule comme sur une toile peinte. Et c'est vrai
que ses photographies de jeunesse sont un peu comme des tableaux de peintre…
La première passion du photographe fut pour la vitesse et
les bolides. Sa deuxième passion fut pour les femmes tant il est vrai que la
douceur et le parfum de la peau féminine rappelle, à s'y méprendre, le
plaisir de se blottir dans le cuir Connolly de certaines voitures anglaises*…
L’autre grande passion de Jacques Henri Lartigue, fut
donc les femmes... Adolescent, il photographie souvent à leur insu les
élégantes du bois de Boulogne, la dame "très attifée, très à la mode,
très ridicule... ou très jolie" qui "se voit comme un faisan
doré au milieu d’un poulailler".
Mais ces photos, volées ou non, sont l’occasion d’exprimer
un regard ironique sur la belle société. Observez par exemple ces parisiennes
aux toilettes spectaculaires... Jacques Henri Lartigue a l’intelligence de
nous les montrer presque de dos, le visage caché par d’impressionnants chapeaux
à plumes. Ces femmes anonymes, aux silhouettes identiques, sont
interchangeables comme le sont aussi, les jeunes filles et les jeunes hommes de
notre époque, me direz-vous !
Jacques Henri Lartigue n’a pourtant pas toujours la dent
dure avec les femmes, surtout lorsqu’il immortalise ses nombreuses conquêtes,
Madeleine Messager, la fille du compositeur André Messager (l'escarpolette),
surnommée "Bibi", qu'il épouse en 1919, Marcelle Paolucci , "Coco",
qu'il épouse en 1934 ou Florette Orméa qui restera sa compagne pendant près de
50 ans… C’est néanmoins son aventure de deux ans avec le mannequin Renée Perle
qui lui donne l’occasion de réaliser ses plus beaux portraits. Se détachant en
blanc sur le fond noir, la silhouette de la jeune femme, tout en courbes et
arrondis, particulièrement harmonieuse, semble une icône de l’élégance des
Années folles. La simplicité apparente de l'image révèle, en fait, un sens
certain de la composition. Au fond, Jacques Henri Lartigue, artiste
complet, photographiait comme un peintre, nous l'avons dit… Pierre
* Ou bien l'inverse ?
LARTIGUE (Jacques-Henri). J.-H. Lartigue & les femmes. Paris,
éditions du Chêne, 1973. Un volume petit in-4 (20,5 x 27 cm). Percaline bleue
illustrée avec son rare emboîtage jaune orné de clichés du photographe en
couleur, l'ensemble très propre. 101 pp. Avant-propos extrait du journal de
J.H.Lartigue. Vendu
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