mercredi 2 novembre 2011

Rinconète et Cortadillo de Cervantès dans une jolie édition de la fin du XIXe siècle...


Quelques bibliophiles et quelques libraires se posaient dernièrement la question de savoir ce qui serait tendance dans l'avenir, ce qui fallait acheter maintenant à un prix raisonnable pour espérer en tirer un bénéfice prohibitif à la revente dans les années qui allaient suivre. Un capital retraite, en somme… On peut, à contrario, tenter de déterminer quels sont les critères qui font qu'un ouvrage restera sur les étagères d'un libraire peu visionnaire :

- Ouvrage en mauvais état ou incomplet
- Thème suranné, obsolète ou rebattu
- Ouvrage édité en très grande quantité
- Auteur inconnu ou trop connu
- Format inadapté
- Lecture difficile ou lénifiante
- Formulation ancienne ou en langue morte
- Ouvrage mal imprimé, mal illustré
- Ouvrage trop cher

Fidèle à la volonté de transparence de ce blog, essentiellement marchand, j'ai choisi de vous présenter un ouvrage dont je peux garantir qu'il ne sera jamais tendance ; question d'intuition mais aussi d'expérience (presque trois ans, c'est énorme !).

Il est tiré d'une série de douze nouvelles que Miguel de Cervantes a écrites entre 1590 et 1612, qui ont ensuite été publiées en 1613 dans un recueil édité à Madrid par Juan de la Cuesta. On les regroupe généralement en deux séries : D'un côté les idéalistes et de l'autre les réalistes. Celles au caractère idéaliste se caractérisent par l'organisation d'une trame amoureuse avec une abondance d'évènements et par la présence de personnages improbables. On retrouve ici : L'Amant libéral, Les deux jeunes Filles, L'Espagnole anglaise, Madame Cornelie, et La Force du sang. Celles au caractère réaliste sont plus attentives à la description d'ambiances et de personnages. Ce sont les récits les plus connus : Rinconete et Cortadillo, Le Licencié Vidriera, La petite Gitane, Le Coloque des chiens, ou L'illustre Laveuse de vaisselle. Cependant, la séparation entre les deux groupes n'est pas évidente, comme toujours… (Ça, c'était pour le côté lénifiant !).

Rinconete et Cortadillo met en scène deux jeunes garçons, fugueurs et un peu délinquants, entraînés dans une succession d’aventures picaresques. Arrivés à Séville, ils sont recrutés dans une association de malfaiteurs, sorte de syndicat du crime sévillan gouverné par son " parrain " Monipodio. Tous les ingrédients classiques du genre y sont présents: voleurs, escrocs, criminels, alguazils corrompus, filles de joie… (Ça, c'est pour le thème rebattu !)

Cervantès est, dit-on, un des auteurs les plus lus de la planète mais la France, et en tout cas Tarascon, ne doit pas être sur la planète si j'en crois la difficulté à promouvoir cet auteur que tout le monde "addorrrreee" mais que personne ne lit (Ça, c'est pour le côté trop connu !).

Les rousseurs clairsemées ou fréquentes qu'on rencontre dans les ouvrages du XIXe siècle ont beau ne pas être de la responsabilité du libraire, presque tous les clients les mettront à notre crédit (Ça, c'est pour le côté mauvais état !).

L'ouvrage que je présente, bien qu'édité à seulement 575 exemplaires, est assez fréquent à la vente chez mes honorables confrères (Ça, c'est pour le côté rareté !).

L'estimation légitime qu'en ont fait les plus respectueux libraires de la place est remise en cause par un confrère qui, n'ayant aucun respect pour l'auteur, l'éditeur et l'illustrateur de ce magnifique exemplaire, le brade et ébranle l'équilibre financier précaire d'une profession vouée à la paupérisation ou pire (Ça, c'est pour le côté trop cher !) …


Vous n'êtes pas obligé de me prouver que je me trompe ;-)) Pierre

CERVANTES. Rinconète et Cortadillo. Nouvelle. Soixante-sept compositions par H. Atalaya. Librairie artistique, H. Launette et Cie, G. Boudet, 1891, 116 pages, Grand in-8 (23x15 env.), broché à couverture rempliée et illustrée. Rousseurs clairsemées. Belles illustrations fraîches à fort contraste. Exemplaire numéroté, n°359 sur 575 sur papier vélin blanc. Inclus le bon de souscription en début d'ouvrage. Bel état. 80 € + port

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Pierre possède décidément l'immense talent du bonimenteur : il donne envie d'acquérir l'objet vanté avec tant de verve amusante et prolixe, et pas pour le faire taire mais bien au contraire pour l'entendre à nouveau s'épancher sur un autre objet ! :-)

Jean-Michel

Pierre a dit…

C'est pas faux ;-)) Pierre

calamar a dit…

alors, déjà vendu ?

Pierre a dit…

Non, les temps sont durs !

Il ne me reste plus qu'à essayer le "culpability business" ;-)) Pierre

Textor a dit…

Pierre, j’hésitais encore jusqu’à hier, mais vous m’avez ouvert les yeux : Je ne serais jamais libraire !- Car je crois que la plupart de mes acquisitions remplissent tous les critères du livre qui ne se revendra jamais. Tenez, prenez l’une de mes dernières acquisitions, l’édition princeps du traité d’Optat de Milève, le libraire qui me l’a vendu en rigole encore, tellement il n’y croyait pas. Il a pris un billet de loto juste après la vente.
- Ouvrage en mauvais état ou incomplet ? assurément
- Thème suranné, obsolète ou rebattu ? Obsolète
- Auteur inconnu ou trop connu ? Totalement inconnu , on ne sait rien sur Saint Optat.
- Format inadapté ? Grand in folio tordu
- Lecture difficile ou lénifiante ? Les deux
- Formulation ancienne ou en langue morte ? Langue morte agrémentée de termes patoisants du bas empire et truffée d’abréviations qui rendent la lecture difficile.
- Ouvrage mal imprimé, mal illustré ? Aucune illustration, sinon le colophon.
- Ouvrage trop cher ? Oui très cher, sans doute à cause de sa reliure en demi porc estampée sur vélin manuscrit du XIVème siècle.

Néanmoins, il me réserve quelques heures d’études
Textor

Pierre a dit…

Heureux de vous avoir épargné une expérience professionnelle malheureuse, Textor ! Les blogs servent aussi à ça...

Cela vous laissera du temps pour étudier ce traité contre les Donadistes et pour nous en faire profiter à l'occasion d'un billet bien tourné ;-)) Pierre

Pierre a dit…

Près de deux ans déjà et je ne me suis pas trompé ;-)) Pierre