lundi 26 décembre 2011

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : Offrir des livres à ses amis ?

Noël vient de passer. Vous avez fait de jolis cadeaux aux membres de votre famille. Les yeux des enfants sont encore pleins de reconnaissance pour le Père Noël qui leur a apporté tous les beaux joujoux qu’ils voyaient en rêve et qu’ils avaient commandés… Il reste une semaine avant la fin de l’année et vous désirez, maintenant, faire quelques présents aux amis qui vous sont chers. C’est normal ! Après tout… eux, sont obligés de supporter votre compagnie toute l’année.


L’an dernier, vous avez fait vos emplettes dans la cohue, noyé dans la foule qui piétinait vos pieds dans les magasins. Alors cette année, vous vous l’êtes promis, vous allez faire vos cadeaux tranquillement ! Mais vous n’avez pas trop d’idées, n'est-ce pas ? Alors, vous pensez naturellement à un livre ancien : une belle reliure, un beau livre illustré, une édition originale, un petit tirage numéroté, peu importe... Les libraires anciennes ne manquent pas sur la place, même si leur nombre diminue, et vous savez que d’honnêtes commerçants y donnent de bons conseils dans l’ambiance feutrée de leur boutique. Mais avant d’opter pour un tel livre comme cadeau, quelques avertissements s’imposent :


Soyez conscient que les conversations avec vos amis vont monter d’un niveau si vous leur offrez des livres anciens ! Finies les discussions superfétatoires sur les femmes ou les bagnoles. Désormais vos amis voudront parler bibliophilie, bibliofolies et marché du livre ancien. Avec qui parlerez-vous de la pluie et du beau temps, de la tenue de route de votre Peugeot et des formes généreuses de Miss-France ? Pire, ils risquent de prendre goût à la lecture de blogs bibliophiles et de devenir plus compétents que vous dans ce domaine ! Certains achèteront même de nouveaux ouvrages sur des sites d'enchères et deviendront des adeptes des salles de vente car cette passion est dévorante, je dois vous prévenir…


De plus, vous allez passer pour un radin s’ils se rendent compte que ce cadeau, vous l’avez eu à vil prix chez un libraire impécunieux ! Préparez-vous à leur expliquer que la richesse de votre cadeau se trouve dans son contenu. Et puis, de tels livres font rêver ! Or en période de crise, il n’est pas politiquement correct de proposer du rêve alors que tant de gens sont abrutis de larmoyant, de pathos et de triste réalité. Actuellement il faut s’angoisser, ne pas espérer, ne pas rêver ; offrir un livre ancien est peut-être une fausse bonne idée, vous ne pensez pas ?


Réfléchissez encore : Soyons francs, un livre ancien, ce n’est pas très écolo ! Même si vous mettez l’accent sur le fait que cet ouvrage a été imprimé à une période où l’indice carbone n’existait pas, on vous répondra qu’un livre plusieurs fois centenaire, une fois lu, ne sert plus à rien alors que, évidemment, une tablette numérique a une espérance de vie d’au moins trois ans… Avouez aussi qu’un livre, c’est encombrant (certes pas le premier, mais le deuxième, le troisième, le dixième, le centième…). Votre cadeau va provoquer un légitime embarras pour vos amis (au prix du m², merci pour le cadeau empoisonné !) et les obliger à installer de nouvelles étagères dans leur appartement.


Imaginez la profonde tristesse du monde que vous allez générer : Imaginez le calme revenu dans les trains, où l’on s’était presque habitué à ce bruit de fond perpétuel, issu des écouteurs des mp3 ou des ordinateurs en marche pour entendre le son mélodieux des pages de livres tournées avec le doigt… Bref, vous allez casser l’ambiance dans les trains, c’est malin ! Désormais, vos amis passeront moins de temps devant la télévision. Vous provoquez la chute de l’empire publicitaire, basé sur l’ennui des téléspectateurs qui n’avaient rien de mieux à faire que de végéter devant leur écran. Certains couples vont même se parler avec le risque évident de se fâcher… Vous voilà donc prévenus ! Maintenant, si vous vous obstinez à vouloir offrir des livres anciens à vos amis pour les fêtes de fin d’année, c’est que vous avez vos propres raisons. Votre dévoué. Philippe Gandillet


PS : Le seul à qui cela fera vraiment plaisir, ce sera Pierre, notre libraire Tarasconnais. C’est vous qui voyez ;-))

LA FONTAINE (Jean de). Fables choisies mises en vers. Tome I et II. Paris, Les Belles Lettres, 1934. Texte établi et présenté par Ferdinand Gohin. Collection des Universités de France, publiée sous le patronage de l'association Guillaume Budé. Reliure demi chagrin havane et fort papier vergé. Dos à quatre nerfs avec titre et tomaison en lettres dorées, couverture conservée. Etat parfait. 80 € + port

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Surveillons les ventes de livres anciens sur ebay, il parait que tout le monde revend les cadeaux du Père Noel qui ne plaisent pas !!! :)
Textor

Pierre a dit…

Je trouve indécent de revendre un objet qu'on vous a offert, même s'il ne plait pas. Un cadeau reste un cadeau... On m'en reparlera de ce siècle ! Pierre (advdlia)

Anonyme a dit…

C'est en gardant tous les cadeaux que je suis devenu collectionneur de cravates, d'écharpes,et de boîtes de mouchoirs. Ce qui n'est pas sans intêret pour Ikea qui vend des penderies. Celle-ci pouvant aprés transformation servir à la rigueur pour gérer quelques ouvrages quand j'aurais débarassé tout ce falbalas

Anonyme a dit…

ça tombe bien, je suis en plein tri de falbalas. Je ne vois pas pourquoi je vais vendre sur E-bay des trucs qui se retrouvent dans toutes les maisons. Quant à acheter... j'ai les mêmes à la maison, alors, il reste le don pour les plus malheureux.
Quant bien même, je trouve que la consommation de tout et de rien qu'on nous vend comme un bonheur utile et nécésaire, m'enerve de plus en plus.
Proverbe chinois : Gardes tes sous ou ils iront enrichir un autre que toi...
;-)
proverbe indien : Qui n'a rien, n'a rien.
;-)
proverbe à la Sandrine : Regardes ce que tu as et aprés, voit ce que tu as en trop et qui pollue ton espace serenissime vital.
Il me manque encore des livres... et des étagéres Ikéa, qui pollue l'atmospère avec leur colle.
Bien à vous,
Sandrine

Anonyme a dit…

Sandrine ne semble pas avoir l'habitude de manipuler les impératifs, serait-ce un trait révélateur de son caractère ? :-)

Jean-Michel

Pierre a dit…

Sandrine semble particulièrement soucieuse de protéger l'indice carbone, carbone dont on tire le papier des livres... C'est tout à son honneur ;-))

Sa démarche vers l’essentiel me rappelle celle de Des Esseintes. Pierre

Anonyme a dit…

Oui, oui, je suis complètement "à rebours" de mon temps.
L'indice carbone, ça rend maboule pour rien ... La permission de polluer ayant été vendue en parts de fromage, achetable pour polluer plus, par rapport à ceux qui polluent moins et qui revendent leur excédant de part et de droit de polluer...
;-))
Bien à vous,
Sandrine.

Anonyme a dit…

Ces deux livres présentent à mes yeux un défaut qui me les ferait fuir : les blancs de petit fond sont vraiment trop étroits et impliquent soit de pencher le livre vers la lumière, tantôt à gauche, tantôt à droite, soit de l'éclairer vivement, soit de le casser pour aplanir la gorge obscure, trois pratiques allant à l'encontre d'une lecture sereine (je rappelle qu'il est impossible de lire avec une frontale quand on doit chausser des lunettes à double foyer).

Jean-Michel

Pierre a dit…

Vous avez raison sur le fond, Jean-Michel. Dans ce cas précis les marges intérieures sont cependant grandes mais j'ai peu ouvert les ouvrages pour les clichés car les feuillets ne sont pas coupés. Pierre