lundi 1 septembre 2014

Le soleil dans la steppe de P. Pavlenko : aveuglant...


Il faisait bon vivre en Union Soviétique en 1951. Et ceux qui disent le contraire sont des menteurs ! J'en veux pour preuve un ouvrage de saine propagande dont le simple propos de l'auteur – P Pavlenko - est de nous décrire la vie idyllique des paysans russes dans les kolkhozes, coopératives agricoles judicieusement mises en place par le gouvernement de l'époque. Merci Staline !


Il fallait cependant que la jeunesse opprimée de France et que le monde agricole désintéressé qui peuplait alors notre bon territoire le sache ! C'est pourquoi, les parents attentionnés pouvaient – à cette époque - offrir le livre que je propose à la vente aujourd'hui. Il s'agit, bien évidemment, d'un témoin de l'aveuglement d'une moitié du monde par l'autre moitié… Le récit de cet enfant découvrant l'ardeur au travail des prolétaires dans la Russie de Staline est un régal ; il est ponctué de noms mélodieux qui chantent à notre oreille : camarade, travail, héroïque, kolkhoz, comité, montagnes de blé, militant, parti, Sibérie, etc…


Quand je vois le portrait de l'auteur en frontispice de cet ouvrage – et quand je pense à tout ce que l'on sait, aujourd'hui, sur les atrocités commises au nom de ce régime socialiste – je me demande si ce dernier savait…, s'il écrivait des mensonges aux enfants en connaissance de cause et si les traducteurs étaient, eux aussi, complices… Pourquoi l'homme ne se lasse t-il jamais de mentir ?


Nous sommes en 1951. Les paysans se voient reprendre les terres rognées pendant la guerre sur la propriété collective et une réforme monétaire (1946) leur ôte les bénéfices personnels réalisés à cette époque. Les livraisons en nature, obligatoires, ne cessent de s’accroître jusqu’à la mort du petit père du peuple. Les intellectuels sont remis au pas par le jdanovisme artistique. La poétesse Anna Akhmatova est exclue de l’Union des écrivains, privée de sa carte de rationnement et obligée de faire des ménages pour survivre. Les peintres, les écrivains et tous les artistes sont soumis plus étroitement que jamais au dogme du réalisme socialiste. Les compositeurs tels Prokoviev et Chostakovitch sont brimés dans leurs créations et se voient intimer de composer des mélodies que puissent siffloter les ouvriers au travail. Le contexte de guerre froide et la réhabilitation d’un nationalisme grand-russe exacerbé entraînent de violentes campagnes contre tout ce qui vient de l’Occident, aussi bien la psychanalyse que la cybernétique ou la physique quantique, tandis que les espérantophones sont déportés avec les espérançophiles...


Au nom de cette lutte contre le cosmopolitisme, le régime renoue, en fait, avec l’antisémitisme. Dès avant-guerre, le judaïsme religieux a été broyé par les persécutions religieuses, le yiddish et l’hébreu mis hors-la-loi. En 1948, le grand acteur yiddish Solomon Mikhoels est assassiné sur les ordres de Staline tandis que les écrivains du Comité antifasciste juif, constitué pendant la guerre pour obtenir l’aide des Juifs américains, sont arrêtés, puis fusillés en 1952. Il faut donc voir ce récit enfantin dans la Grande Russie comme une histoire cousue de fil rouge… Pierre


PAVLENKO (P.) Le soleil dans la steppe, Nouvelle. Moscou, éditions en langues étrangères, 1951. Traduction du russe par Georges Roux, illustrations de  O.Véréïski . Un volume au format petit in folio. Cartonnage illustré, dos toilé rouge. Portrait photographique de l'auteur en frontispice. 84 pages illustrées de 4 dessins hors texte et deux dans le texte en noir. Très bon état. 22 € + port

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui mais quand même, les Français savaient déjà faire un peu la part des choses puisque le livre de Victor Andreievitch Kravchenko, "J'ai choisi la liberté", avait été publié et l'auteur avait gagné son procès lorsque parut ce "Soleil dans la steppe".

Jean-Michel

Pierre a dit…

Ce titre de Kravchenko se trouve dans tous les bons vide-greniers qui se respectent. Un jour, il faudra que je le feuillette ! Bon... alors l’intelligentsia française n'était pas dupe ? C'est rassurant, Jean-Michel. Mais il fallait le dire aussi aux enfants pour leur éviter de faire un mai 1968 quelques temps plus tard ! Pierre