Voici un ouvrage inhabituel sur les rayonnages de nos bibliothèques provençales. Un petit billet trouvé dans le premier des deux volumes en explique la provenance. C'est l'ancienne commande d'un philosophe indien passée auprès de notre bibliophile en 1937. N'ayant trouvé que les deux premiers volumes sur les trois, il les aura gardés "en attendant". En attendant moi, peut-être…
Cet ouvrage traite d'un sujet qui a fasciné l'Occident à
la fin du XVIIIe siècle : la religion mazdéenne, son dieu Ahura Mazda et son
prophète Zarathoustra (Zoroastre), celle des Parsi, des "adorateurs du
feu" dont la principale communauté se trouve toujours à Mumbai en Inde.
Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron (1731-1805) - Anquetil
Du Perron si l'on en croit l'édition - est un savant "orientaliste",
frère cadet de l'historien Louis-Pierre Anquetil. Après ses études classiques,
son profond intérêt pour les langues orientales (hébreu, arabe, persan) lui
inspire le projet de parcourir l'Inde pour retrouver les livres sacrés des
Parsis. L'abbé
Barthélémy et le comte de Caylus l'encouragent et il s'engage comme simple
soldat au service de la Compagnie des Indes. Il emportait avec lui deux
chemises, deux mouchoirs, une paire de bas, une bible et Montaigne…
De Pondichéry, il gagne Chandernagor et parcourt le pays de 1755 à 1762, accueilli
par les fonctionnaires coloniaux français et anglais avec plus ou moins de
sympathie, tout en s'immergeant dans la population indienne. Son empathie
sincère pour la culture indienne conjuguée à ses talents d'observateur vont lui
permettre de découvrir les traditions religieuses des Pârsî.
À Surat, il parvient à étudier leurs textes sacrés zoroastriens
: l'Avesta. En 1762, lorsque les Anglais le rapatrient en Europe, après la
prise de Pondichéry, il a rassemblé cent quatre-vingt volumes, parmi lesquels
les Veda et l'Avesta. Beaucoup de ces volumes sont, en fait, des manuscrits que
lui a confiés Joseph Tieffenthaler, missionnaire jésuite autrichien. Rentré en
France, il remet à la bibliothèque du roi une bonne partie de ses manuscrits et
commence à se lancer dans la traduction et la publication des textes sacrés. En
1763, il devient membre associé de l'Académie royale des inscriptions et
belles-lettres.
C'est la toute première traduction d'une partie des
textes sacrés probablement détruits sous Alexandre le Grand - et reconstitués à
l'époque sassanide (IIIe-IVe siècle ap. J.C.) - de cette religion vieille de
plus de 3000 ans. "Zend" peut aussi se traduire par
"interprétation" ou "commentaires".
On pense que de nombreux principes de cette religion se
retrouvent dans le judaïsme et la chrétienté comme l'existence d'un dieu
unique, la dualité bien-mal, l'existence d'une âme, d'un purgatoire et d'un
paradis, etc.
Religion prédominante en Perse jusqu'à l'arrivée de
l'islam au VIIe siècle, ses fidèles ont été progressivement "poussés"
vers l'est puis se sont éparpillés de par le monde avec toutefois les plus
grandes communautés restées dans le sous-continent Indien, non loin de leur
région d'origine, aujourd'hui l'Iran.
On pourrait croire que cet ouvrage n'est qu'un ouvrage
d'érudit. Mais pas que… « Un des serviteurs des bains vous étend sur une
planche et vous arrose d'eau chaude, ensuite il vous presse tout le corps avec
un art admirable. Il fait craquer les jointures de tous les doigts et même
celles de tous les membres ; il vous retourne et vous étend sur le ventre ; il
s'agenouille sur vos reins, vous saisit par les épaules, fait craquer l'épine
du dos en agitant toutes les vertèbres, donne de grands coups sur les parties
les plus charnues et les plus musculeuses, puis il revêt un gant de crin et il
vous frotte tout le corps, au point de se mettre lui-même en sueur. Il vous
lime avec une pierre ponce la chair épaisse et dure des pieds ; il vous oint de
savon et d'odeurs ; enfin il vous rase et vous épile. Ce manège dure bien trois
quarts d'heure ; après on ne se reconnaît plus ; il semble qu'on soit un homme
nouveau ; on sent dans tout le corps une sorte de quiétude et le désir de se
reproduire. La peau est quelque temps couverte de sueur légère qui lui donne
une douce fraîcheur, etc...... Les femmes indiennes prennent le bain de la même
manière, et prolonge cette cérémonie, qui porte le nom de "massage",
une grande partie de la journée. »
La
publication du Zend Avesta fit événement : l'Europe savante se divisa ; en
Angleterre pendant soixante ans on déclara les textes Zends apocryphes et de
date récente. Anquetil avait eu le malheur de décocher quelques épigrammes à
l'adresse de quelques professeurs d'Oxford... Mais en Allemagne, le
livre d'Anquetil traduit dès sa parution, fit autorité et les théologiens en
faisaient usage couramment pour l'interprétation des passages de la Bible
relatifs à la Perse. En France, De Sacy en 1793, déchiffra les
inscriptions pehlevis des rois sassanides, en s'aidant d'un glossaire pehlevi
publié par Anquetil dans son grand ouvrage. L'ouvrage est, aujourd'hui, très
recherché.
Zend-Avesta, ouvrage de Zoroaste : contenant les
idées théologiques, physiques & morales de ce législateur, les
cérémonies du culte religieux qu'il a établi, et plusieurs traits importans
relatifs à l'ancienne histoire des Perses : traduit en françois sur l'original
zend, avec des remarques ; et accompagné de plusieurs Traités propres à
éclaircir les matières qui en sont l'objet. A Paris, chez
N.M. Tilliard, libraire, 1771. 2 volumes in quarto correspondant à la première
et à la deuxième partie du tome premier. Reliure plein veau marbré, encdrement
des plats par un triple filet doré, dos à nerfs, caissons fleuronnés, filets
sur les coupes, tranches jaspées, gardes colorées. Volume I : [1f faux titre],
xxxvj (préface et errata), [1f privilège], Dxlij. Volume II : [2ff
titre], cxx, 432pp. Planches dépliantes gravées sur cuivre par Pierre-François
Laurent et Élisabeth Haussard. Fleuron aux titres, bandeaux par Cotte et
Nicolas Caron, culs-de-lampe par Jean Beugnet. Quelques mouillures en début et
fin d'ouvrages et marginales. Des signes discrets de restauration. Intérieur
très frais. Rare ensemble très correct. Vendu
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