mardi 8 juillet 2014

Zend-Avesta, ouvrage de Zoroaste par M. Anquetil Du Perron, chez Tilliard, libraire, 1771.


Voici un ouvrage inhabituel sur les rayonnages de nos bibliothèques provençales. Un petit billet trouvé dans le premier des deux volumes en explique la provenance. C'est l'ancienne commande d'un philosophe indien passée auprès de notre bibliophile en 1937. N'ayant trouvé que les deux premiers volumes sur les trois, il les aura gardés "en attendant". En attendant moi, peut-être…


Cet ouvrage traite d'un sujet qui a fasciné l'Occident à la fin du XVIIIe siècle : la religion mazdéenne, son dieu Ahura Mazda et son prophète Zarathoustra (Zoroastre), celle des Parsi, des "adorateurs du feu" dont la principale communauté se trouve toujours à Mumbai en Inde.


Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron (1731-1805) - Anquetil Du Perron si l'on en croit l'édition - est un savant "orientaliste", frère cadet de l'historien Louis-Pierre Anquetil. Après ses études classiques, son profond intérêt pour les langues orientales (hébreu, arabe, persan) lui inspire le projet de parcourir l'Inde pour retrouver les livres sacrés des Parsis. L'abbé Barthélémy et le comte de Caylus l'encouragent et il s'engage comme simple soldat au service de la Compagnie des Indes. Il emportait avec lui deux chemises, deux mouchoirs, une paire de bas, une bible et Montaigne… De Pondichéry, il gagne Chandernagor et parcourt le pays de 1755 à 1762, accueilli par les fonctionnaires coloniaux français et anglais avec plus ou moins de sympathie, tout en s'immergeant dans la population indienne. Son empathie sincère pour la culture indienne conjuguée à ses talents d'observateur vont lui permettre de découvrir les traditions religieuses des Pârsî.


À Surat, il parvient à étudier leurs textes sacrés zoroastriens : l'Avesta. En 1762, lorsque les Anglais le rapatrient en Europe, après la prise de Pondichéry, il a rassemblé cent quatre-vingt volumes, parmi lesquels les Veda et l'Avesta. Beaucoup de ces volumes sont, en fait, des manuscrits que lui a confiés Joseph Tieffenthaler, missionnaire jésuite autrichien. Rentré en France, il remet à la bibliothèque du roi une bonne partie de ses manuscrits et commence à se lancer dans la traduction et la publication des textes sacrés. En 1763, il devient membre associé de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres.


C'est la toute première traduction d'une partie des textes sacrés probablement détruits sous Alexandre le Grand - et reconstitués à l'époque sassanide (IIIe-IVe siècle ap. J.C.) - de cette religion vieille de plus de 3000 ans. "Zend" peut aussi se traduire par "interprétation" ou "commentaires".


On pense que de nombreux principes de cette religion se retrouvent dans le judaïsme et la chrétienté comme l'existence d'un dieu unique, la dualité bien-mal, l'existence d'une âme, d'un purgatoire et d'un paradis, etc.


Religion prédominante en Perse jusqu'à l'arrivée de l'islam au VIIe siècle, ses fidèles ont été progressivement "poussés" vers l'est puis se sont éparpillés de par le monde avec toutefois les plus grandes communautés restées dans le sous-continent Indien, non loin de leur région d'origine, aujourd'hui l'Iran.


On pourrait croire que cet ouvrage n'est qu'un ouvrage d'érudit. Mais pas que… « Un des serviteurs des bains vous étend sur une planche et vous arrose d'eau chaude, ensuite il vous presse tout le corps avec un art admirable. Il fait craquer les jointures de tous les doigts et même celles de tous les membres ; il vous retourne et vous étend sur le ventre ; il s'agenouille sur vos reins, vous saisit par les épaules, fait craquer l'épine du dos en agitant toutes les vertèbres, donne de grands coups sur les parties les plus charnues et les plus musculeuses, puis il revêt un gant de crin et il vous frotte tout le corps, au point de se mettre lui-même en sueur. Il vous lime avec une pierre ponce la chair épaisse et dure des pieds ; il vous oint de savon et d'odeurs ; enfin il vous rase et vous épile. Ce manège dure bien trois quarts d'heure ; après on ne se reconnaît plus ; il semble qu'on soit un homme nouveau ; on sent dans tout le corps une sorte de quiétude et le désir de se reproduire. La peau est quelque temps couverte de sueur légère qui lui donne une douce fraîcheur, etc...... Les femmes indiennes prennent le bain de la même manière, et prolonge cette cérémonie, qui porte le nom de "massage", une grande partie de la journée. »


La publication du Zend Avesta fit événement : l'Europe savante se divisa ; en Angleterre pendant soixante ans on déclara les textes Zends apocryphes et de date récente. Anquetil avait eu le malheur de décocher quelques épigrammes à l'adresse de quelques professeurs d'Oxford... Mais en Allemagne, le livre d'Anquetil traduit dès sa parution, fit autorité et les théologiens en faisaient usage couramment pour l'interprétation des passages de la Bible relatifs à la Perse. En France, De Sacy en 1793, déchiffra les inscriptions pehlevis des rois sassanides, en s'aidant d'un glossaire pehlevi publié par Anquetil dans son grand ouvrage. L'ouvrage est, aujourd'hui, très recherché.


La première partie, qui comprend l'introduction au Zend-Avesta, est formée principalement de la relation du voyage du traducteur aux Indes Orientales, suivie du plan de l'ouvrage ; & d'un appendix sur les monnoyes & poids de l'Inde, sur quelques objets d'histoire naturelle & de commerce, & sur les manuscrits orientaux du traducteur : ornée de planches gravées en taille douce. La seconde partie comprend le Vendidad Sadé (c'est-à-dire, l'Izeschné, le Vispered & le Vendidad proprement dit), précédé des notices des manuscrits zends, pehlvis, persans & indiens, déposés par le traducteur à la Bibliothèque du Roi ; des titres & des sommaires raisonnés des articles &c. des deux tomes de cet ouvrage ; & de la vie de Zoroastre : avec une planche gravée en taille douce. Pierre


ANQUETIL DU PERRON (Abraham Hyacinthe). Zend-Avesta, ouvrage de Zoroaste : contenant les idées théologiques, physiques & morales de ce législateur, les cérémonies du culte religieux qu'il a établi, et plusieurs traits importans relatifs à l'ancienne histoire des Perses : traduit en françois sur l'original zend, avec des remarques ; et accompagné de plusieurs Traités propres à éclaircir les matières qui en sont l'objet. A Paris, chez N.M. Tilliard, libraire, 1771. 2 volumes in quarto correspondant à la première et à la deuxième partie du tome premier. Reliure plein veau marbré, encdrement des plats par un triple filet doré, dos à nerfs, caissons fleuronnés, filets sur les coupes, tranches jaspées, gardes colorées. Volume I : [1f faux titre], xxxvj (préface et errata), [1f privilège], Dxlij. Volume II : [2ff titre], cxx, 432pp. Planches dépliantes gravées sur cuivre par Pierre-François Laurent et Élisabeth Haussard. Fleuron aux titres, bandeaux par Cotte et Nicolas Caron, culs-de-lampe par Jean Beugnet. Quelques mouillures en début et fin d'ouvrages et marginales. Des signes discrets de restauration. Intérieur très frais. Rare ensemble très correct. Vendu

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