Il y a un peu plus de deux siècles, un 25 juillet, périssait par le sang le poète qui incarne, presqu'à lui seul, les excès du fanatisme révolutionnaire pendant la Terreur. André Marie de Chénier, dit André Chénier.
Fils
d'ambassadeur, il voyagea en Suisse et en Italie. Puis il revint à Paris, où il
passa quelques années. C’est pendant cette période (1783-1790) qu’André Chénier
a composé, et le plus souvent ébauché, la plupart de ses poésies : élégies,
bucoliques, idylles, poèmes didactiques. Mais il ne publia presque rien ; de
son vivant ne paraîtront que le Jeu de paume (dédié à David), et les
Suisses de Châteauvieux.
En effet, à
partir de 1790, André Chénier est surtout journaliste. Il collabore au Journal
de Paris. Il est constitutionnel. Partisan résolu de la Révolution, il
voulait sauver la royauté et la personne du roi (il a aidé Malesherbes à
préparer la défense de Louis XVI).
Devenu suspect, il dut quitter Paris au lendemain du 10
août 1792, et se réfugier à Rouen et au Havre, où il échappa aux massacres de
septembre. Puis il vécut pendant quelques mois à Versailles. Il était en
visite, à Passy chez Mme de Piscatory, quand on l’arrêta, tout à fait par
hasard ; ce n’était pas lui que l’on cherchait. Emprisonné à Saint-Lazare, le 7
mars 1794, il fut guillotiné le 25 juillet.
Les élégies sont au nombre de quarante. Chénier y chante
ses amours, ses regrets, sa mélancolie. Le style en est délicat, précis, mais il
est très difficile d’y faire la part de la sincérité et de l’imitation comme il
l'avoue lui-même…
«Tantôt
chez un auteur j'adopte une pensée,
Mais qui revêt chez moi, souvent, entrelacée,
Mes images, mes tours, jeune et frais ornement ;
Tantôt je ne retiens que les mots seulement :
J'en détourne le sens, et l'art sait les contraindre
Vers des objets nouveaux qu'ils s'étonnent de peindre.»
Les
amateurs vous diront qu'on trouve le vrai "Chénier" dans Les bucoliques et les idylles. Sans en
pénétrer l’esprit ni la religion, il s’est attaché aux paysages, aux lointains
harmonieux et purs, et surtout aux attitudes, aux gestes, aux personnages
formant des groupes de bas-reliefs. Parmi les plus célèbres morceaux de ce
genre, il faut citer, l’Aveugle, le Mendiant, la Jeune
Tarentine et la Liberté.
C’est surtout comme écrivain et versificateur que Chénier
peut être appelé "l’ancêtre des romantiques". Il assouplit
l’alexandrin mais, beaucoup plus que des romantiques, il est l’ancêtre des
Parnassiens. Ses véritables disciples sont Théophile Gautier, Leconte de Lisle
et, dans la poésie philosophique, Sully-Prudhomme (Notre premier prix Nobel de
littérature, quand même !).
Cette édition contient, dans le
deuxième tome, le poème intitulé "Le Jeu de Paume" ainsi que de
nombreuses œuvres politiques : Avis aux Français sur leurs véritables ennemis,
Lettre à Thomas Raynal, lettres au Journal de Paris, etc… A la fin du volume,
on trouve un remarquable plaidoyer. On sait que le Roi, lorsque la sentence de
sa mort fut prononcée, demanda à l'Assemblée, par une lettre pleine de calme et
de dignité envoyée aux députés de la Convention, le droit de d'opposer au
peuple, le jugement qui le condamnait. Cette lettre, écrite dans la nuit du 17
au 18 janvier 1793, est d'André Chénier.
Non coupable ! Pierre
Œuvres anciennes d'André Chénier, revues, corrigées et mises en
ordre par D. Ch. Robert. Augmentées d’une notice historique par M. H. de
Latouche. Paris, Guillaume libraire, 1826. Deux
volumes in-8. Edition en partie originale imprimée sur papier vélin. Reliures demi
chagrin vert, dos lisse, motifs, lettres et filets dorés, plats de papier
marbré, gardes colorées, tranches mouchetées. XX-352 pp et 348 pp. Rares rousseurs. Bel exemplaire complet
sans défaut majeur. 190 € + port
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire