lundi 2 juin 2014

Anacharsis, héros éponyme d'un voyage en France, par Charles Malo…


Si l'on en croit les meilleurs sites du "parler français", c'est avec une coupable légèreté que l'on emploie le plus souvent l'adjectif éponyme, sans se soucier des deux écueils qu'il nous réserve : le contresens et l'extension abusive de sens.


Emprunté du grec epônumos (composé de epi, « sur », et onoma, « nom »), éponyme signifie proprement  "qui donne son nom à", ce qui suppose de considérer celui des deux termes qui s'impose à l'autre. La distinction est ici la même qu'entre donateur (celui qui donne) et donataire (celui qui reçoit).


Dans l'exemple repris par tous les dictionnaires : Athéna était la déesse éponyme d'Athènes, on comprend que c'est la déesse Athéna qui a donné son nom à la cité d'Athènes. De même, dira-t-on de nos jours : Anacharsis est le héros éponyme de l'ouvrage que je propose aujourd'hui à la vente L'usage d'éponyme exige ainsi de respecter la hiérarchie, afin d'éviter tout  emploi " à contresens ".


D'autre part, on notera que cet adjectif était à l'origine utilisé pour désigner une divinité, un héros, une figure historique ayant donné son nom à une ville, à une tribu, à une dynastie, etc. C'est pourquoi Philippe Gandillet demande de réserver son emploi aux personnages (réels ou imaginaires), alors que l'usage actuel tend à le généraliser aux choses (dans le domaine artistique notamment). Ainsi ne dira-t-on pas : un roman, un film, une œuvre éponyme, mais du même nom (même si cela fait assurément moins chic !).


Même constat avec cet extrait d'un article de journal  à propos de l'homme d'affaires Rupert Murdoch : " Le patron du groupe éponyme s'est rendu à Londres ". À éviter, donc. Dans le milieu musical, il est fréquent de qualifier d'éponyme un album n'ayant pas d'autre titre que le nom de l'auteur (ou du groupe). Il va de soi que cet emploi est tout aussi fautif – aux oreilles de l'Académie, du moins –, dans la mesure où, là encore, c'est d'ordinaire ce dernier qui donne son nom au produit et non l'inverse. On parlera plutôt d'album du même nom ou bien on tournera la phrase dans le bon sens : Zaz est le premier album de la chanteuse éponyme.


Une fois de plus, la confusion nous vient d'outre-Manche, où l'adjectif eponymous peut qualifier indifféremment la personne qui donne son nom ou la chose qui le reçoit, quand le français fait la distinction entre éponyme et homonyme (du grec homos, « même »). Dans le doute, mieux vaut privilégier la simplicité et se contenter de préciser " du même nom ", " qui donne son nom " ou " qui tire son nom " (selon le contexte), plutôt que de verser dans l'approximation …


Les juristes vous rétorqueront que les lois de l'orthographe et de la grammaire sont régies par les mêmes devoirs - Nul n'est censé ignorer la loi - et les mêmes droits - Tradition fait loi – que la justice française…


Avec tout ça, je n'ai pas eu le temps de vous présenter l'ouvrage à la vente ! C'est dommage car ce voyage illustré, dans la France du début du 19eme siècle, est fort intéressant ! Pierre


MALO (Charles). L’Anacharsis français ou description historique et géographique de toute la France. Dédié à Louise Jenny par un Jeune Voyageur. Paris, Louis Janet, 1822-1823. 4 fort volumes in-12. Reliure plein veau glacé havane, plats estampés en encadrement et au centre de motifs romantiques, eux-mêmes encadrés d'un filet doré, roulette sur les coupes et les coiffes, gardes colorées, toutes tranches marbrées. Tome I: [1f bl], [1f titre], iij, 376pp, [3ff]. Tome II: [3ff], 414pp, [4ff]. Tome III: [3ff], 497pp, [4ff]. Tome IV: [3ff], 510pp, [2ff]; [1 carte dép],[1f bl]. Première édition, illustrée d’une carte dépliante de la France et de 86 cartes des départements, la plupart avec les contours en couleurs. 1. Nord de la France (France septentrionale) 2. Est de la France (France orientale) 3. Sud de la France (France méridionale) 4. Ouest de la France (France occidentale). Menus défauts de reliure, des taches rousseurs clairsemées et des brunissures. Peu fréquent à la vente. 310 € + port

2 commentaires:

Anonyme a dit…

D'accord !
On n'en finirait pas d'épuiser les tics malencontreux de langage qui sont comme des têtes de l'Hydre (éponyme de plein de trucs) qui repoussent à peine que tranchées.
Mais je suis bien d'accord, celui-ci est particulièrement pénible. On pourrait d'ailleurs le doubler pour le moquer en affirmant qu'Athéna ayant été élue par tous les dictionnaires comme exemple-type, celle-ci est devenue "éponyme de chez éponyme".

Présenter un ouvrage en parlant de tout autre chose, cela doit forcément porter un nom, comme une sorte de prétérition (mais ce n'en est pas une). :-)

Jean-Michel

Pierre a dit…

Il est, en effet, inutile de nous rappeler que nous sommes sur un blog essentiellement marchand ;-))

Merci encore, Jean-Michel, de nous faire partager votre érudition. Vous méritez largement le poireau qui orne le revers de votre blouse de vêlage... Pierre