vendredi 13 juin 2014

Satires du Père Louis de Sanlecque, édition de 1726 : Le beau style…


On est souvent trahi par les siens… L'église catholique n'échappe pas à la règle. Jean Meslier, né en 1664, prêtre et philosophe des Lumières français, curé d'Étrépigny, petit bourg des Ardennes dont Axel Khan nous parle dans une de ses haltes de marcheur (c'est ma lecture du moment) en est "l'exemple mort". Son existence n'a été connue qu'à partir de la publication en 1762 par Voltaire, sous le titre de Testament de J. Meslier, d'un texte retrouvé chez lui et dans lequel il professait avec détermination son athéisme et son anticléricalisme.


« Pesez bien les raisons qu’il y a de croire ou de ne pas croire, ce que votre religion vous enseigne, et vous oblige si absolument de croire. Je m’assure que si vous suivez bien les lumières naturelles de votre esprit, vous verrez au moins aussi bien, et aussi certainement que moi, que toutes les religions du monde ne sont que des inventions humaines, et que tout ce que votre religion vous enseigne, et vous oblige de croire, comme surnaturel et divin, n’est dans le fond qu’erreur, que mensonge, qu’illusion et imposture. »
 

Je vous présente aujourd'hui à la vente l'ouvrage d'un autre curé guère plus tendre avec ses coreligionnaires ! Si l'on en croit Jean-Benoit Guinot, Louis de Sanlecque [1652-1714], petit-fils et fils de graveurs de caractères d’imprimerie, faisait partie de la congrégation des chanoines réguliers de Sainte-Geneviève de Paris. Professeur de rhétorique au collège de Nanterre, qui dépendait de son abbaye, il se distingua par une abondante production de vers français et parfois latins. 


Son genre préféré fut la satire, et ne connaissant pas d’autre monde que celui du clergé, il en fit sa cible principale. C’est ainsi qu’il se créa des ennemis fort rancuniers, et qu’il finit ses jours dans un misérable prieuré rural, n’ayant pu obtenir le bénéfice ecclésiastique que souhaitait pour lui son protecteur, le duc de Nevers : Louis XIV s’y était opposé.


Moine, qui dans l’ardeur d’allier des familles,
Vas pour les soupirants à la quête des filles,
Et qui sais l’opéra pour l’apprendre aux parloirs ;
Chanoine efféminé, qui souris aux miroirs ;
Toi qui, bien que pourvu de grosses Abbayes,
Ne nous parais abbé que dans tes armoiries ;
Toi qui dans tes serments pleins de faux ornements,
Fais dire au Saint-Esprit des phrases de Romans ;
Curé, dont tout le zèle est une humeur bourrue ;
Abbesse, que Satan fait loger sur la rue ;
Prélat, bien moins Prélat que le bourgeois de Paris ;
Directeur, si jaloux, même des vieux maris ;
Enfin toi qui démens tout ce que tu crois être,
Veux-tu connaître un fou ? Tu n’as qu’à te connaître ! (sic)


Ce remarquable ouvrage – par son contenu mais aussi par la qualité de son impression - provient  de la bibliothèque de M. le baron de Troussures, du château de Troussures dans l'Oise si l'on en croit l'ex-libris collé sur la contre garde. Par quel heureux hasard a t-il fait relâche dans ma modeste librairie ? Par le plus grand des hasards… Sera-t-il vendu rapidement ? Pour "paraversifer" l'auteur on pourrait écrire :


Un  libraire impécunieux
Qui veut ce jour heureux
Pourra t-il vous vendre cet ouvrage ?
Bon Dieu, qu'il serait réjoui,
Si vous aviez l'avantage
De lui dire … !


SANLECQUE (Le P. Louis de). Poésies du Père Sanlecque, chanoine régulier de l'Ordre de Ste Geneviève.  Nouvelle édition, revûë, Corrigée, & Augmentée. A Harlem [Trévoux], Van-Den-Dael, 1726. Un volume in-12. Reliure plein veau granité, dos à nerfs, caisson fleuronnés encadrés d'un filet doré, roulette sur les coupes, gardes colorées. [1f bl], [2ff titre], 108pp, [1f bl]. Nombreux ornements typographiques. Restauration aux coiffes, très bel état général.  90 € + port

1 commentaire:

Pierre a dit…

Mes vers n'attirent pas le gros poisson ;-)) Pierre