samedi 23 avril 2011

Guy de Maupassant. L'édition originale de "Clair de lune" dans une jolie reliure signée.


Chroniqueur, nouvelliste et romancier français, Guy de Maupassant (1850-1893) vit sa carrière commencer avec la publication de sa nouvelle "Boule de suif " dans les fameuses Soirées de Médan (1880). C'est le succès immédiat auquel n'est pas étranger Flaubert, un ami (presque son père) qui le pousse à écrire dans la veine réaliste. Il était d'ailleurs lié avec Zola, Huysmans, Mirbeau, Tourgueneff et les Goncourt. Célèbre, il partage son temps entre l'écriture de chroniques et nouvelles pour les périodiques, de romans et les récits de ses voyages et mondanités qui occupent l'autre partie de son temps. Souffrant de la syphilis (comme Daudet et d'autres à cette époque. Vous pouvez m'envoyer la liste si vous la connaissez !) contractée dans sa jeunesse, son état ne cessera d'empirer. Il est interné dix-huit mois dans la clinique du Dr Blanche à Passy avant de mourir…


Le recueil de contes et nouvelles que je vous propose s'intitule "Clair de lune". Par ordre chronologique, vous y trouverez : Clair de lune , Un coup d'Etat, Le loup, L'enfant, Conte de Noël, La reine Hortense, Le pardon, La légende du Mont Saint-Michel, Une veuve, Mademoiselle Cocotte, Les bijoux et Apparition. L'édition définitive de 1888 comportera d'autres nouvelles.


Ce recueil est un peu surprenant en raison de son assemblage de nouvelles sans point commun apparent. Les sujets sont multiples : un homme décide de se ranger mais, le jour de son mariage, se découvre un enfant illégitime ; un ecclésiastique sorti de nuit pour surprendre sa nièce en compagnie d’un jeune homme tombe sous le charme du clair de lune et abandonne ses idées de poursuite ; un homme devient fou après avoir noyé sa chienne ; un autre croise un fantôme ; deux vieilles filles sont exposées aux regards réprobateurs de leurs semblables ; un docteur tente de prendre le pouvoir dans son village après la chute de Napoléon III ; un homme heureux en ménage découvre les infidélités de son épouse après le décès de celle-ci ; un instituteur accusé d’avoir assassiné ses élèves… voilà pour la plupart des récits, contes ou nouvelles qui constituent ce recueil.


Il faut rappeler l’influence de l’actualité sur le travail de Maupassant, qui fait correspondre ses récits aux dates de publication. "Mademoiselle Cocotte", l’histoire de la chienne noyée, correspond au projet de création de la SPA, "Les Bijoux", qui évoque notamment le petit salaire d’un fonctionnaire, fait écho à la campagne en faveur des petits et moyens fonctionnaires, réduits à une quasi-pauvreté. Parfois, la nouvelle n’a pas de rapport avec l’actualité mais celle-ci est évoquée brièvement dans la conversation, souvent en introduction, les faits divers servant de prétexte à l’histoire qui va suivre.


Le recueil est d’ailleurs dans l’ensemble assez pessimiste et présente une majorité d’hommes et de femmes bêtes, avides, grotesques, et surtout malheureux. Les femmes sont abordées sous divers angles ; avec dureté et une certaine amertume humoristique lorsqu’il s’agit des demi-mondaines, des superficielles, des artificielles, des femmes fatales ; avec une certaine compassion lorsque les figures féminines souffrent de la cruauté de leur entourage.


Les histoires sont brèves, les faits clairement exposés, le cadre minime. Tout semble parfaitement maîtrisé et pourtant, le style agréable de Maupassant est vibrant d’émotions, pouvant altérer rapidement notre ressenti en quelques mots empreints de mélancolie, d’enthousiasme moqueur ou de contemplation sensuelle. On s’abandonne avec plaisir devant la variété des tons et des sujets. Certaines nouvelles sont particulièrement marquantes, de par la justesse du ton et le traitement de sujets difficiles : "L’Enfant", l’histoire de ce mari revenant le soir de ses noces avec un enfant illégitime dans les bras ; "La Reine Hortense", celle de cette vieille fille au cœur dur soudain rappelée à ses instincts maternels au moment de mourir ; "Les Bijoux", l’histoire de ce petit fonctionnaire trompé par son épouse.


Alors, si vous aussi avez un peu délaissé cet écrivain, n’hésitez pas à le retrouver à l’occasion avec ce recueil très plaisant. Les bibliophiles apprécieront la reliure signée et le fait de retrouver cette édition originale dans un beau format et bien illustrée. Pierre


MAUPASSANT (Guy de). Clair de lune. Paris, Monnier, 1884 (imprimé en 1883). In-4. Reliure demi-basane havane chinée à coins et plat en papier marbré épais, dos lisse avec pièce de titre en lettres dorées sur cuir citron, motif de lune en queue. Page de garde grise. Reliure signée (chiffre APB). Superbe couverture conservée. Rousseurs marginale et sur la page de couverture conservée. Edition originale illustrée par Boutet de Monvel, Grasset, Jeanniot, Rochegrosse.. etc. Edition originale ; les premiers textes ont été publiés dans Le Gaulois en 1882. L’édition définitive, plus complète a été établie par Maupassant en 1888. Bel ouvrage. Vendu

21 commentaires:

pascalmarty a dit…

Ah, Maupassant c'est bien ! En tous cas, moi, j'adore. (Mais bon, là j'ai déjà tout ce qu'il me faut dans ma bibliothèque, bien que pas en ÉO.)

Pierre a dit…

Exemplaire de bibliophile, en effet. Maupassant s'adapte très bien à la télévision comme nous avons pu le constater dernièrement sur nos écrans. De plus, j'adore cette période pour les costumes, et en particulier les costumes féminins que je trouve très érotogènes... Pierre

Textor a dit…

J'ai lu beaucoup de nouvelles de Maupassant dans la pléiade quand j'étais adolescent, je ne voyais pas une EO de cet auteur comme cela. Je ne sais pas pourquoi !
Il est vrai qu'il publiait surtout en feuilletons.
T

Pierre a dit…

Nous avons ici tout le casse-tête propice aux tourments du bibliophile, Textor : Pré-originaux, originaux en différents formats, certains en beaux papiers, édition définitive complète et premiers tirages en différentes présentations, nombreuses rééditions richement illustrées ou exemplaires populaires et recueils scolaires...

Je plains le bibliophile qui ne collectionne que les "Maupassant". Il lui faut de l'espace ! Pierre

pascalmarty a dit…

Les costumes féminins de la période 1880-1890 s'appellent des tournures, et ce qui les rend très érotogènes aux yeux de Pierre c'est sans doute la taille très marquée par un long corset et le petit coussin à l'arrière, souvent appelé faux-cul.
À ne surtout pas confondre comme c'est souvent le cas avec les crinolines du Second empire, qui faisaient ressembler les femmes à des clochettes renversées.

Pierre a dit…

A se demander si je ne confonds pas corset et guêpière ;-)) Pierre

Dans la liste des artistes syphilitiques de la fin du XIXe : Van Gogh.

pascalmarty a dit…

Une guêpière est un corset, mais un corset pas forcément une guêpière.
La langue française aussi a des dessous charmants…

Textor a dit…

D'où l'expression : je suis tombé dans une guêpière ! :)

Pierre a dit…

Une guêpière est un guet-apens pour les hommes ;-))

Alors ? pas d'écrivain syphilitique en vue ?

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Maupassant les aimait plutôt sans guêpières, enfin je crois (sourire).

B.

Anonyme a dit…

Je ne savais pas que le chocolat avait des effets secondaires, à ce point là...
S.

Nadia a dit…

Visiblement, certains ont une pompe à chocolat greffée dans un coin du cerveau, et ils l'ont programmée pour dispenser régulièrement de bonnes doses de théobromine et autres substances affriolantes...

Pierre a dit…

Le chocolat est un bel-ami... Pierre

Anonyme a dit…

Oui, collectionner Maupassant ou Balzac doit être une véritable gageure d'autant qu'a la liste que vous avez citez on pourrait ajouter les contrefaçons belges ou préfaçons parues avant les éditions originales. Mais la raison ne fait pas toujours bon ménage avec la bibiophilie.

Sylvain

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Je n'aime pas le chocolat... par contre...

B.

Pierre a dit…

La raison ne fait jamais bon ménage avec la bibliophilie, ou toute autre passion à composante collectionnite... Mais de tous les travers de l'homme, la bibliophilie me parait la manie la moins dangereuse pour la santé et la plus douce pour le portefeuille. Pierre

Textor a dit…

la plus douce pour le portefeuille !! C'est bien une réflexion de libraire !! :))

Pierre a dit…

... dixit les collectionneurs de voitures anciennes, d'art précolombien, d'ivoires, de montres suisses et de demi-mondaines ;-)) Pierre

Anonyme a dit…

afin de compléter votre liste de syphilitiques:
Introduction du cours sur la syphilis 3ème année de médecine:
"quelques syphilitiques célèbres:
Marquis de Montespan
Casanova
Baudelaire
Maupassant
Toulouse Lautrec
Van gogh..."


Marion (étudiante en médecine)

Jeanmichel a dit…

Ajoutons pour faire bonne mesure, en restant en la bonne compagnie des écrivains, Jules de Goncourt, Georges Feydeau, Nietzsche et Shakespeare.

Pierre a dit…

Merci Marion ! Merci Jean-Michel ! Ce tableau de chasse en dit long sur la sensibilité des artistes à la maladie... Pierre