mercredi 8 juillet 2015

Un ouvrage remarquablement illustré par Jean Lebedeff : Ariane, jeune fille russe de Claude Anet.


L'ouvrage que je propose aujourd'hui à la vente est l'occasion de vous présenter un graveur sur bois qui a notablement marqué la période de l'entre deux guerre pour ce qui est des illustrations des ouvrages de luxe et de semi-luxe : Jean Lebedeff. Mes recherches m'ont amené à découvrir, sur le site  des militants anarchistes russes, un personnage tout à fait remarquable qui repose aujourd'hui tout près de Tarascon. Le hasard est étrange, il provoque les choses…


Fils d’une famille de commerçants-agriculteurs près de Gorki, Jean Lébédeff avait obtenu en 1907 un brevet de l’école de navigation de Nijni Novgorod et était devenu capitaine d’un navire sur la Volga. Il cacha à l’époque plusieurs militants révolutionnaires à bord de son bateau. En novembre 1908, il expulsât de son navire, avec l’aide de ses passagers, quelques gardes du tsar qu’il abandonna sans armes sur une rive désertique. Pour échapper à la répression tsariste, il quitta clandestinement le pays.


Passant par la Finlande, le Danemark, l’Allemagne il arrivait en Belgique où à Ixelles il retrouvait son frère aîné Nicolas étudiant à l’Université libre dirigée par Élisée Reclus.En 1909 il arriva à Paris et s’installa dans un meublé du 5ème arrondissement et, pour survivre, exerça divers petits métiers. Puis il prit des cours de dessin. En 1911 il déménagea au 118 boulevard du Montparnasse et entra aux Beaux-arts. Il fréquentait également l’Académie de Léon Léonovitch Tolstoï (fils de l’écrivain) et l’Académie russe de Paris constituée d’émigrés souvent de tendances anarchistes ou anarchisantes.


Suite à un différent sur le financement de l’Académie par une possible source tsariste, l’Académie se scindait en deux en 1912 et Lébédeff restait fidèle au groupe anti-tsariste du 54 avenue du Maine. Il suivit surtout l’école du maître graveur Paul Bornet où il s’initia à la xylographie. Il ne cessera plus, dès lors, d’exercer tant comme paysagiste que comme portraitiste cet art de la gravure sur bois. Dans le quartier de Montparnasse, il fréquenta les milieux artistiques et y rencontra Picabia, Maïakovski, Ravel, Goeki, Mac Orlan, Eric Satie, Blaise Cendrars, Soutine, Modigliani, André Salmon, etc. Il fréquenta également l’atelier de Henri Matisse à Issy-les-Moulineaux.


Lébédeff allait influencer de nombreux jeunes graveurs dont Germain Delatouche fondateur du groupe Les Compagnons qui organisa plusieurs expositions (Antral, Claudot, Lébédeff, Pissaro, Delatousche, etc.) et dont Lébédeff fut membre de 1921 à 1927. Pendant toute cette période de l’entre-deux guerres, il fut très lié au milieu libertaire et plus particulièrement aux militants russes exilés dont Voline et Makhno. Il hébergea ce dernier plusieurs mois à son domicile et effectua plusieurs démarches auprès des pouvoirs publics pour lui permettre d’obtenir des papiers. Ami de P. Kropotkine, il se chargeait d’accueillir puis de guider sa femme lors de ses voyages à Paris.


Pendant l’occupation allemande, il cacha dans son atelier de Fontenay-sous-Bois plusieurs amis juifs et anarchistes traqués par la Gestapo et pour lesquels il falsifiera à plusieurs reprises les papiers d’identité. De l'avantage d'être graphiste ! Le bouquiniste des quais de Seine Louis Lanoizelée qui l’avait rencontré au début des années 1950 écrivait de lui : " Jean Lébédeff a toujours été un bohème dans le bon sens du mot. L’argent lui fondait dans les doigts. Quand je l’ai connu, il avait des vêtements usagés qu’il portait jusqu’à l’extrême limite. Pour lui, seul comptait le travail bien fait. Il était content, presque fier, quand il venait me montrer le tirage d’un bois finement gravé ". En 1972 il se retirait avec sa compagne Marie Claire Blanc Maguelone et leur fils François près de Nîmes mais malade depuis une dizaine d’années, il décédait rapidement. Jean Lébédeff a été enterré au cimetière de Saint Gilles, tout prêt de Tarascon. On parle bien évidemment d'une jeune fille russe, dans ce roman de Claude Anet... Pierre


ANET (Claude). Ariane. Jeune fille russe. Roman. Décoré de bois graves par Jean Lebedeff. Paris, Les Éditons G. Cres & Cie, 1924. Un volume In-4. Broché à couverture rempliée illustrée. Avec 55 bois graves et 2 hors texte tirés en 2 couleurs. XIII, 174 p. Un des exemplaires tirés sur vélin du Marais. Non coupé. Bel état. 65 € + port

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