mercredi 1 avril 2015

La vie en fleur d'Anatole France. Autobiographie d'un jeune mortel...


Mon intérêt pour Anatole France m’a longtemps posé problème parce qu’il n’était guère partagé, c’est le moins qu’on puisse dire. Les amateurs de l'écrivain se sont fait rares bien avant que je n’en devienne un… Dans ce roman, Anatole France revient sur sa jeunesse et son enfance. Nous sommes en 1922. Il était tout juste temps d'écrire cette autobiographie avant que son œuvre ne devienne, à l'occasion de ses obsèques nationales, une curée propice à nourrir le mépris de ses confrères ingrats.


Plutôt que de vous livrer une notice wikipédienne barbante, voici simplement quelques extraits qui vous donneront peut-être l'envie de le découvrir, vous aussi : " J'ai déjà dit que j'étais tenté de défier comme Jean-Jacques tout homme de se dire meilleur que moi. Je me hâte d'ajouter que je ne m'estime pas beaucoup pour cela. Je crois les hommes en général plus méchants qu'ils ne paraissent... Tout ce que je peux dire c'est que j'ai été de bonne foi. Je le répète : j'aime la vérité. Je crois que l'humanité en a besoin ; mais certes elle a bien plus grand besoin encore du mensonge qui la flatte, la console, lui donne des espérances infinies. Sans le mensonge, elle périrait de désespoir et d'ennui.


Je n’ai jamais pu m’accoutumer au système abêtissant des récompenses et des punitions qui abaisse les caractères et fausse les jugements. J’ai toujours considéré que créer l’émulation, c’est exciter les enfants les uns contre les autres. Je n’étais pas moins intelligent que mes condisciples, j’étais peut-être plus intelligent que quelques-uns d’entre eux, mais mon intelligence était d’un tout autre ordre. Je comprenais certaines choses avec une force et une profondeur singulières pour mon âge tandis que d’autres choses, qui passaient pour faciles, ne pouvaient m’entrer dans l’esprit.


Ces inégalités ne se compensaient pas. Enfin, j’ai toujours été doux, mais d’une douceur farouche, et, dès l’enfance, avide de solitude. La pensée d’une allée dans un bois, d’un ruisseau dans un pré me jetait sur mon banc dans des transports de désirs, d’amour et de regrets qui allaient jusqu’au désespoir. Faut-il être bien avancé en âge pour rêver d'un jardin défendu qui laisse apercevoir par une petite porte entrebâillée quelques branches et des fleurs ? Faut-il être sorti de l'enfance pour s'émouvoir à la vue d'un vieux mur ? L'amour du passé est inné chez l'homme. Le passé émeut à l'envi le petit enfant et l'aïeule ; il n'en faut pour preuve que les contes de ma mère l'oie, les contes du temps que Berthe filait, les fables du temps que les bêtes parlaient… Et si l'on cherche pourquoi toutes les imaginations humaines, fraîches ou flétries, tristes ou joyeuses, se tournent vers le passé, curieuses d'y pénétrer, on trouvera sans doute que le passé c'est notre seule promenade et le seul lieu où nous puissions échapper à nos ennuis quotidiens, à nos misères, à nous-mêmes. "


L'ouvrage que je propose aujourd'hui est une édition de luxe particulièrement bien illustrée par Pierre Brissaud. Fondée en 1826, la maison Devambez a la particularité d’avoir réuni les activités de graveur héraldique des familles royales, d’éditeur et de galeriste. Renommée, la galerie dévoile les dessins sulfureux de Rodin et porte aux cimaises la nouvelle garde artistique : Braque, Dufy, Matisse, Picasso, Modigliani et Foujita… La maison publiera une trentaine de livres d’art en édition limitée, illustrés par les plus grands artistes de la galerie. Les auteurs sont entre autres Joris-Karl Huysmans, Gustave Flaubert, Anatole France, Pierre Loti, Alphonse de Châteaubriant, Oscar Wilde ou Paul Verlaine.


Protégée dans un emboitage très original la faisant passer pour un ouvrage relié, cette publication comblera les lecteurs de ce jeune garçon qui fut gauche, timide, mal habillé, affublé d’une élocution hésitante et que le temps fit devenir immortel !  Pierre


FRANCE, Anatole. La vie en fleur. Illustrée par Pierre Brissaud. Paris, Devambez, 1934. 1 volume grand in-8° broché, couverture bleu clair illustrée et imprimée en noir, emboitage façon reliure demi-basane rouge. 3ff.nch.,295pp.,1f.nch. Première édition illustrée, par Pierre Brissaud, d'une eau-forte en noir pour la couverture (la même que l'on retrouve en couleurs au frontispice) et de 10 eaux-fortes en couleurs hors texte, chacune protégée d'une serpente imprimée. Tirage total à 585 exemplaires, ici un des 450 exemplaires sur vélin de Rives sur papier filigrané. Mors de l'emboitage ouverts. Ouvrage parfait. 290 € + port

2 commentaires:

calamar a dit…

il reste encore des amateurs d'Anatole France, trop nombreux à mon goût ; la cote est encore élevée..

Pierre a dit…

Cela ne durera pas, vous pouvez me croire. Je suis d'ailleurs prêt à vous reprendre votre exemplaire illustré par Freida pour une bouchée de pain avant qu'il ne vaille plus une croute... ;-)) Pierre