vendredi 14 décembre 2012

L'envers du décor au théâtre par M.J.Moynet...


Je vous propose, aujourd'hui, dans ce petit ouvrage à la vente, de découvrir le théâtre, du feu de la rampe qui le sépare du public jusqu'au mur terminant la scène, depuis le sol du dernier dessous jusqu'au sommet de l'édifice. Il n'est pas traité, ici, de l'art du comédien, de la littérature ou de la musique mais de l'art combiné du régisseur, du peintre, du décorateur, du machiniste, du luministe, de l'habilleuse, de la maquilleuse, du pompier de service, du souffleur et de tous les professionnels qui interviennent au théâtre pour que le décor, les effets et la mise en scène vous émerveillent.


C'est Edouard Pailleron qui parlait si bien des rapports instaurés entre le spectateur et la scène :

 










" Et puis, voulez-vous savoir la vraie cause de cette influence énorme du théâtre ? C’est qu’il tient à l’âme même de l’humanité, c’est qu’il est, entre tous les arts, le mensonge charmant de la vie. Ah ! Ceux qui parlent de vérité au théâtre me font sourire. La vérité ! Au théâtre ! Mais tout y est faux, convenu, arrangé ; tout, depuis le ciel en toile jusqu’au soleil en gaz, depuis l’acteur qui interprète l’œuvre avec un costume, une figure, une voix, des gestes qui ne sont pas les siens, jusqu’à l’œuvre elle-même qui exprime en musique, en vers ou en prose comme on n’en parle guère, des sentiments comme on n’en trouve pas ; depuis l’auteur qui a médité ses naïvetés, calculé ses audaces, dosé ses émotions, jusqu’au spectateur qui n’ignore rien de ces habiletés, tant que le rideau est baissé, et qui les oublie, dès que le rideau se lève. Non, non ! pas d’art sans artifice ; et, encore une fois, le public le sait bien. Entre celui qui a fait la pièce et celui qui l’écoute, un contrat est intervenu, un contrat tacite par lequel le spectateur a dicté et l’auteur accepté ces conditions sous-entendues : « Je ne suis pas ici pour juger mais pour sentir, tu n’es pas là pour m’enseigner mais pour m’émouvoir ; je ne viens pas chercher la réalité mais la fuir, je veux voir d’autres hommes, rire d’un autre rire, pleurer d’autres larmes plus douces encore que le rire. Montre-moi la vie moins plate et plus rapide, le malheur plus mérité, le bonheur moins rare. Ennoblis mes passions par leur puissance, grandis mes luttes par leurs complications, égaie mes bassesses et mes hontes par le ridicule, sois exagéré, sois invraisemblable, sois faux, ne crains rien : mon imagination suivra la tienne aussi loin que les enchantements de ton art pourront la conduire. Va ! devine ce que je veux, dis ce que je sens, incarne ce que je rêve, et si, par tes impostures charmantes, tu prolonges l’illusion que je te dois, si tu flattes jusqu’au bout ma chimère, je te récompenserai magnifiquement, plus peut-être que tu ne le mérites. Mais prends garde ! Ne me laisse pas retomber à terre, réfléchir, me reprendre, ou ma raison, ce dragon que tu n’avais qu’endormi, se réveille et te dévore ! "

 








Tout est ici dit et bien dit. Pour la réalisation pratique, je vous renvoie à l'ouvrage de Moynet qui est fort bien expliqué et fort bien illustré ! Pierre


MOYNET (M.J). L'envers du théâtre. Machines et décorations. Paris, Librairie Hachette & cie, 1874. 1 volume In12. Deuxième édition illustrée de 60 vignettes sur bois par l'auteur. Reliure demi basane havane, dos lisse, titre et filets dorés, gardes colorées. 290 pages. Très bel exemplaire. Vendu

10 commentaires:

pascalmarty a dit…

Humph, le théâtre comme "mensonge charmant de la vie" ? Voilà de quoi faire bondir tous ceux – moi le premier, bien sûr – qui regardent plutôt du côté d'Artaud, de Brecht ou de Brook…
Au demeurant, je me souviens bien d'avoir déjà lu ici cette citation mais si ma mémoire ne me joue pas de tours, il me semble qu'elle était attribuée à quelqu'un d'autre (Halévy, peut-être bien). ;-)
Il n'empêche que la question des rapports entre le vrai et le faux au théâtre reste fondamentale (et ce n'est pas quelqu'un qui vient de rééditer le Paradoxe sur le comédien qui pourrait dire le contraire).
Je ne connaissais pas Moynet. Pour la machinerie traditionnelle j'ai l'habitude de me reporter au Sonrel, et au Sabbattini (mais pas en ÉO, quand même…) si, par exemple, je cherche à connaître La façon de couvrir de nuages une partie du ciel en commençant par un petit nuage, lequel devient de plus en plus grand et change continument de couleur
J'avoue aussi que je n'avais jamais entendu le terme de luministe, avantageusement remplacé aujourd'hui par celui d'éclairagiste. Comme quoi il n'est jamais trop tard pour s'instruire…

Pierre a dit…

Vous n'êtes pas loin pour Ludovic Halevy, Pascal, puisque ce texte de Pailleron est la réponse de ce dernier au discours de réception à l'Académie du premier !

C'est une conception très classique du théâtre mais qui, une fois sur les planches (je l'ai beaucoup pratiqué avant d'être rongé par le trac) ne doit pas nous échapper même si la conception post-brechtienne du théâtre a eu son heure de gloire...

Cet ouvrage a facilement sa place dans la bibliothèque d'un passionné eu égard à la modicité de son prix ; il en est de plus somptueux mais pas forcement de plus explicite.

On dit (et personne à ce jour n'a osé m'éclairer) "luministe" : ce n'est pas très beau et pourrait avantageusement être remplacé par "éclairagiste" qui fait moins pompeux ;-)) Pierre

pascalmarty a dit…

Ben, la prochaine fois où je passe par Tarascon il n'y a pas que des livres dont on va pouvoir parler !…
:-D

Mais oui, oui excellent rapport qualité-intérêt-prix pour le Moynet. Comme d'hab.

pascalmarty a dit…

Heu, mais au fait, qui est ce "on" qui dit "luministe" ? J'ai pas mal fréquenté les planches moi-même et je ne l'ai jamais croisé, celui-là…

Pierre a dit…

Ce "on", c'est moi et apparemment personne n'a jamais osé me contrarier...

Le pire, c'est que les autres que "on" me comprenaient très bien, quand même ;-)) Pierre

calamar a dit…

les autres qu'on ? je ne pensais pas que çà s'écrivait comme çà... C'est l'ennui avec l'argot : on ne peut pas vérifier dans le Littré.

Pierre a dit…

On ne fait pas la liaison, Calamar ;-)) Pierre

pascalmarty a dit…

Ma foi, pour avoir regardé de plus près le texte de Moynet sur les photos proposées par Pierre, je constate que l'auteur parle de luminariste, chargé de faire le noir dans la salle "au moyen de clefs tournantes" (des robinets à gaz, sans doute). Mais je n'avais jamais vu ce terme non plus. Pour moi, les gars chargés d'installer et de régler les projos sont des électros, et celui qui est au jeu d'orgue… le mec des lumières (!).
Mais il arrive que les termes techniques changent. Et si dans mes bouquins de typo du XIXe j'ai appris que se prendre la compo sur les pieds se disait "mettre en pâté", le dernier typo que j'ai vu en chair et en os parlait plutôt de "faire un soleil", ce qui est quand même plus poétique.
Pour autant, je ne sais ce qu'il en est effectivement en 2012, mais j'ai connu une époque pas si lointaine où il y avait réellement nécessité de savoir de quoi l'on parlait si l'on voulait se faire accepter par l'équipe. Pas question par exemple, pas plus que sur un bateau, de parler de "corde" dans un théâtre (tournée générale…). Et au machino qui vous faisait sournoisement descendre une perche en biais, il valait mieux pouvoir crier "Appuie à cour" que "Ça penche à droite".
Toujours est-il que tout ça réactive une vieille envie que j'ai, qui serait de construire une grande maquette en bois, entièrement fonctionnelle, d'une scène à l'italienne, avec ses rues, ses contre-rues, ses cintres, ses dessous et tout le tremblement. Mais tu parles d'un taf…

pascalmarty a dit…

Pardon, pas "contre-rues" mais "fausses rues". Il faudrait que je révise un peu…

Pierre a dit…

C'est à l'opéra Garnier que l'on peut admirer une telle merveille, Pascal ! Si vous commencer demain, vous pourriez avoir fini dans dix ans à condition de travailler aussi le soir ;-)) Pierre