mercredi 24 octobre 2012

Germinie Lacerteux des frères Goncourt : Le roman réalité...


Deux ans, il aura fallu deux ans aux Goncourt pour écrire un livre inspiré par ce qui est presque un fait divers. Mme de Goncourt avait à son service, depuis 1837, une bonne, Rose Malingre ; Rose faisait, à sa place et dans son rôle, partie de la famille. Après la mort de leur mère, en 1848, les deux frères prennent un appartement 43 rue Saint-Georges, où Rose les suit. Elle meurt en 1862, et ses maîtres, qui l'avaient prise en charge à la fin de sa vie, pleurent sa disparition.


Peu après, Maria M., la sage-femme, maîtresse des deux frères, leur apprend ce qu'était la vie privée de leur regrettée servante. Rose, fille du peuple, avait eu un jeune amant, Alexandre dont elle avait eu un enfant ; elle avait accouché en secret à l'hôpital ; elle avait ensuite abandonné cet enfant ; elle buvait ; elle se prostituait et en plus... elle volait ses maîtres !


Les Goncourt décident d'en faire une héroïne de roman : Rose Malingre devint Germinie Lacerteux et eux se transformèrent en une Mlle de Varandeuil…


Lorsque Germinie Lacerteux est publiée chez Quantin, dans l'édition 1886 que je propose aujourd'hui à la vente, Edmond de Goncourt ajoute une préface à celle de la première édition en donnant les passages du Journal écrits, à chaud, avec son frère, concernant Rose et met l'accent sur le lien entre Rose et Germinie, entre le réel et la fiction.


La première préface nous trace les bases de ce qu'on appellera le roman naturaliste trop souvent exclusivement attribué à Zola :


" Il nous faut demander pardon au public de lui donner ce livre, et l'avertir de ce qu'il y trouvera. Le public aime les romans faux : ce roman est un roman vrai. Il aime les livres qui font semblant d'aller dans le monde : ce livre vient de la rue. Il aime les petites œuvres polissonnes, les mémoires de filles, les confessions d'alcôves, les saletés érotiques, le scandale qui se retrousse dans une image aux devantures des libraires : ce qu'il va lire est sévère et pur. Qu'il ne s'attende point à la photographie décolletée du Plaisir : l'étude qui suit est la clinique de l'Amour. Le public aime encore les lectures anodines et consolantes, les aventures qui finissent bien, les imaginations qui ne dérangent ni sa digestion ni sa sérénité : ce livre, avec sa triste et violente distraction, est fait pour contrarier ses habitudes et nuire à son hygiène. Pourquoi donc l'avons-nous écrit ? Est-ce simplement pour choquer le public et scandaliser ses goûts ? Non. "


Les frères Goncourt sont bien connus du public pour le prix littéraire qu'ils ont mis en place et des biographes pour leur journal. Je propose aux lecteurs de découvrir leur style dans ce roman poignant. Pierre


GONCOURT (Edmond et Jules de). Germinie Lacerteux. Paris, Maison Quantin, 1886. Un volume grand in-8. Reliure demi-maroquin cerise à coins, filet doré de compartimentage. Dos à cinq nerfs et caissons. Les nerfs sont soulignés d'un pointillé doré. Les caissons sont ornés d'un petit fer floral, roulette aux coiffes, gardes colorées, couverture conservée.  XIX–294pp-[3ff]. Orné de 10 belles compositions hors texte par Jeanniot gravées à l'eau forte par Muller. Édition de luxe et 1re édition illustrée de ce roman paru dans la collection "Les chefs d'oeuvre du roman contemporain". Très bel état. Pas de rousseurs. Vendu

1 commentaire:

Pierre a dit…

Georges Jeanniot, né à Genève en 1848, mort à Paris en 1934, fut l'élève de son père le peintre P.A. Jeanniot, directeur de l'école des Beaux-Arts de Dijon. Jusqu'en 1881 Georges Jeanniot exerça parallèlement une carrière militaire et le métier d'artiste. En 1881 il balança définitivement sabre et képi, s'installa à Paris, collabora à La Vie moderne et dirigea le Journal amusant. Pierre