lundi 20 août 2012

Causerie du lundi de Philippe Gandillet : De la difficulté d'être un mondain…

Vous venez de rentrer de votre travail quotidien à pied : Vous éprouvez une lassitude du corps entier, de l'appétit, une envie de dormir : c'est une fatigue musculaire saine dont vous ne vous ressentirez plus dans une heure ou demain matin car elle vous assurera une excellente nuit… Quelle chance !

Au contraire, nous, hommes du monde, nous avons passé toute notre journée dans notre bureau à recevoir, à téléphoner, à donner des ordres et à prendre des décisions. Nous avons, comme on dit, " la tête cassée ". De son côté, notre compagne, après un après-midi absorbé par les courses dans les grands magasins, les visites, les essayages et le soin du dîner que nous allons donner le soir, est exténuée. La nuit tombée, elle sera accablée par un horrible mal de tête qui l'empêchera de se plier au devoir conjugal et, comme d'habitude, nous avalerons nos reproches dans un sanglot silencieux… Quelle malchance !

C'est la pertinente réflexion que je me suis faite, ce matin, en ouvrant le rideau de la boutique de Pierre, heureux libraire ;-)) Cette petite trêve tarasconnaise m'a reposé mais je sais que, rapidement, mes obligations parisiennes vont, de nouveau, m'entraîner vers le surmenage. J'éprouverai alors un légitime épuisement dont on s'apercevra à peine mais par lequel je dilapiderai, contrairement aux travailleurs manuels, mon capital mental de la même manière que de jeunes écervelés ruinent leur santé dans les boites de nuit à la mode. Cette fatigue nerveuse qui est le propre de l'homme du monde est, en fait, une maladie en puissance ! Le mondain devient sujet à la mélancolie, au découragement, aux idées noires quand ce n'est pas aux obsessions sexuelles…

Pour s'en préserver, il lui faudrait agir sur les causes de ce mal.

Un homme qui est à table, seul, n'accomplit en prenant son repas, que la fonction de manger : travail élémentaire. Le mondain, au contraire, lorsqu'il est en habit d'apparat doit ajouter à la fonction alimentaire, le travail, à la vérité fort compliqué de causer, de briller, de plaire, de ne point faire de gaffes, de pousser ses affaires et ses amours ; bref, il transforme un acte naturel en un acte social épuisant ! Il est assez usuel de décrier les mondains et l'esprit mondain. Il est possible que ce dédain soit justifié d'un point de vue intellectuel mais psychologiquement, il faut reconnaître que le commerce et la pratique du monde constituent le plus haut degrés de la tension nerveuse auquel soit parvenu l'humanité et l'on ne peut concevoir une plus ruineuse prodigalité que celle du causeur, fut-il du lundi, qui, toute la journée a dû briller et plaire !

Comment donc, avec les ressources d'un cerveau, même exceptionnel, primitivement réservé au service de nos cinq sens, suffire à ces obligations ? Avec difficulté et en considérant que la vie mondaine est un sacerdoce que nous nous imposons pour assurer le bonheur de nos semblables…

Heureusement, une proche retraite est envisageable ! J'ai promis à Pierre de revenir à Noël passer quelques jours dans ma bastide et je lui tiendrai, de nouveau, sa boutique avec plaisir. Comme tous les lundis, je rentrerai de ce travail quotidien à pied : J'éprouverai une lassitude du corps entier, de l'appétit, une envie de dormir : c'est une fatigue musculaire saine dont je ne me ressentirai plus une heure plus tard ou le lendemain matin car elle m'assure toujours une excellente nuit… Quelle chance !

A bientôt. Votre dévoué. Philippe Gandillet

4 commentaires:

pascalmarty a dit…

Ma foi, je travaille actuellement sur le Paradoxe sur le comédien, qui devrait rejoindre bientôt le catalogue en devenir du Visorion. Diderot s'attache beaucoup à différencier l'homme sensible, qui n'arrive à rien faute d'être maître de ses émotions, à l'esprit froid qui se sort de toutes les situations par le fait même qu'il n'éprouve aucune émotion. C'est cet homme froid qui fait le bon comédien.
Mais si Philippe Gandillet sort épuisé de son travail de représentation sociale, cela ne voudrait-il donc pas dire que, contrairement à ce qu'il tente souvent de nous faire croire, il n'aborde pas l'existence avec ce détachement que l'on pourrait qualifier de brechtien, mais bien avec la sensibilité d'un être humain authentique ? Voilà qui ne manquerait sans doute pas de frapper d'étonnement ses immortels confrères.
(;-D)

Anonyme a dit…

Pascal vient de percer, à mon grand soulagement, la carapace qui me servait de façade. Oui ! Je suis un être humain et sensible. Oui ! Je brille pour ne pas me perdre dans l’obscurité de mes contradictions ! On me croit indifférent, détaché de tout, comme ce capitaine qui va sombrer avec son navire mais qui reste à son poste, imperturbable, une chesterfield au coin de la lèvre et un sourire moqueur au coin de l’autre…

On peut compter sur le manque de notoriété du blog pour que l’affaire reste néanmoins secrète ;-)) Ph. Gandillet

Anonyme a dit…

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Pierre a dit…

Pour. J'ai vraiment trop eu froid au mois de février pour m'en plaindre ;-)) Pierre