vendredi 7 mai 2010

Paul Gavarni, mis en scéne par Michel de L'Ormeraie...


Un ami vient de me faire remarquer qu'il est injuste d'avoir oublié, sur le blogue, à l'occasion de l'évocation des grands graveurs de la fin du 19eme siècle, le nom de Gavarni. Voilà qui sera maintenant réparé ! Sulpice-Guillaume Chevalier dit Paul Gavarni (1804-1866), aquarelliste et dessinateur de renom, est à considérer comme le peintre des mœurs de son époque. Il s’est révélé relativement tard, passé trente ans. Il commence à travailler, tout enfant, chez un architecte, puis chez un fabricant d’instruments de précision, se passionne en 1818 pour les mathématiques et entre ensuite à l’école du Conservatoire afin d'apprendre le dessin des machines. De cette éducation, il lui restera toujours le goût des mathématiques qui, sur la fin de sa vie, tournera à l’obsession. C'est assez rare, rassurez-vous !


Il entre, chez le graveur Adam qui, en 1824, lui propose d’aller dessiner le pont de Bordeaux. Le jeune homme accepte la mission mais avec une imprévoyance d’enfant, se lance dans un voyage de touriste, le bâton à la main, ayant pour tout bagage quelques dessins, un peu de linge, une pipe et des crayons. Ainsi s’explique comment Chevallier, frappé de la beauté du cirque de Gavarnie, se souvint de ce nom quand il lui fallut trouver pour lui-même ce joli nom de plume (burin) qu’il a rendu célèbre. Revenu à Paris en 1828, Gavarni, se met à dessiner le modèle humain. L’employé de cadastre, dont l’occupation a été de tracer des coupes de pierres, des piles de pont ou des plans, entreprend de dessiner des êtres. Sans professeur, sans conseil, il se jure de ne le faire que d’après nature…


De 1830 à 1838, Gavarni devient un dessinateur de modes, de costumes et de personnages très apprécié fournissant des lithographies à vingt publications diverses, à L’Artiste, à La Mode, au Journal des Femmes, à La Psyché, à La Romance et publiant quelques séries, entre autres des Physionomies de la Population de Paris et de ravissantes études d’enfants. Chaque matin le Charivari publie ses dessins qui font la mode. A cette époque, Gavarni est aussi très occupé à des travaux pour la librairie, illustrant Les Français peints par eux-mêmes, Le Juif errant, les petites Physiologies, Le Diable à Paris, la Physionomies de chanteurs ou La Correctionnelle.


« C’était un vrai miracle que de voir Gavarni couvrir une pierre » racontent les Goncourt qui sont restés bien des heures à le regarder travailler « On avait devant soi comme le génie du dessin en action. La main, soutenue par un appui-main et suspendue sur la pierre posée debout sur la barre transversale du chevalet, le lithographe jetait d’abord comme au hasard et d’un crayon qui semblait s’amuser, des rayures, des zigzags, des espèces de zébrures sous lesquels il éteignait le blanc et le glacé de la pierre : il appelait cela faire du marbre. Puis ces carrés, ces ronds, ces cubes se dégrossissant perdaient leurs masses indécises et leurs lignes inertes, se rapprochaient des formes humaines, devenaient des silhouettes d’hommes et de femmes dans un brouillard, sortant peu à peu du vague et du flottant, et prenant à chaque coup de crayon du relief, de la lumière, du contour, de la netteté ». Une simple dalle de granit recouvre sa tombe à Auteuil. Une inscription brève est marquée sur la pierre : " Gavarni ". Le graveur aurait pu mieux faire…L'éditeur Michel de l'Ormeraie se spécialisa dans les années 1980 dans la réédition, sur beau papier (un peu trop épais, peut-être), de beaux textes classiques ou d'ouvrages de référence de la littérature française. On peut dire qu'il était (ou qu'il est car je ne peux assurer s'il est toujours vivant) un vrai bibliophile désirant faire partager sa passion. Dans un entretien avec Jacques Chancel, il expliquait d'ailleurs son credo avec beaucoup de flamme. Il existe un site qui vend encore ses ouvrages aujourd'hui mais la société qui éditait ses ouvrages, à l'époque, avait périclité. Si vous avez des précisions là dessus, je suis preneur… Je ne pense pas que les M.D.O soient des ouvrages de bibliophilie, ce qui n'empêche pas qu'ils puissent satisfaire des lecteurs désirant posséder des fac-similés de qualité.

GAVARNI (Paul). Masques et visages. Notice par Sainte Beuve. Paris chez Michel de L'Ormeraie, 1974, in-4, 145 pages, 70 reproductions en noir, l'un des 999 exemplaires numérotés (335), reproduit intégralement l'édition originale parue au 19e siècle. reliure plein chagrin bleu, plats ornés de dorures en encadrement, dos lisse orné du nom de l'auteur et d'entrelacs dorés, tranches dorées. Vendu

18 commentaires:

calamar a dit…

Jean de Bonnot, le Michel de l'Ormeraie du pauvre ?
c'est vrai que à voir les deux l'un à côté de l'autre, c'est frappant. Mais MDO a également publié des ouvrages moins luxueux.

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Je suis un amateur de ce Monsieur. Gavarni mérite de grands égards que Daumier lui a en partie volés.

Je viens justement de recevoir 11 lithographies coloriées et gommées à l'époque de cet artiste.

Si j'ai le temps je les mettrai sous forme de billet-écho sur le Bibliomane moderne.

B.

Pierre a dit…

Ce sont les MDO "luxueux" (ce qui ne veut pas forcement dire "chers") qui m'ont intéressé à une époque. J'avais, par exemple, un recueil poétique où une perle était gravée sur le plat de l'ouvrage, fort bien doré par ailleurs. Un peu "nouveau riche" mais c'était surement le but recherché ! Il me reste encore quelques ouvrages qui ne sont pas relégués au fond de la bibliothèque.

Et puis, le personnage m'intéresse aussi car sa passion pour les livres l'a ruiné. Compassion ! Pierre

Pierre a dit…

Merci Bertrand,

C'est exactement ce qu'il me fallait pour compléter ce billet. Pierre

calamar a dit…

quand j'étais tout petit nenfant, j'avais accès à une bibliothèque dans laquelle je puisais à volonté. Elle était constituée d'achats neufs, JDB, MDO, Rombaldi. Mais je ne pouvais pas toucher les MDO, trop précieux... ils étaient conservés dos au mur, pour éviter les dégâts de la lumière. Il y avait bien une hiérarchie.

Pierre a dit…

A votre avis : Encore vivant, Michel de L'Ormeraie ? Si un lecteur connait la réponse... Pierre

calamar a dit…

j'ai l'impression, oui, c'est du moins ce que je comprends d'après le site qui vend ses livres, et ses oeuvres (http://www.micheldelormeraie.fr/index.php)

Jeanmichel a dit…

En allant regarder quelques dessins de Gavarni dans "Les humoristes de 1830 à 1930" aux éditions de l'Amateur je tombe sur cette gravure de Daumier intitulée "Bouquinistes dans l'ivresse", qui pourrait bien paraître comme vignette dans un blog de bibliophile :
Deux hommes, un, la poche remplie de bouquins, feuillette un minuscule livre, l'autre le regarde, l'oeil empli d'envie, avec cette légende " - Rien n'égale ma joie... Je viens de trouver pour cinquante écus un Horace imprimé à Amsterdam en 1780... Cette édition est excessivement précieuse : chaque page est criblée de fautes !..."

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

http://le-bibliomane.blogspot.com/2009/09/portrait-charge-par-daumier-un-vieux.html (11 septembre 2009)

B.

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

http://www.micheldelormeraie.fr/photo.php?photo=presse.gif

Sur le site on a un peu l'impression que tout est à vendre ! (sauf sa grand-mère !...)

Les livres Michel de l'Ormeraie me font l'impression d'un plus vaste détournement encore de la bibliophilie que JDB...

Franchement, les prix étant bien supérieurs à la vente aux JDB, c'est un peu comme ce moquer du monde que de vendre 150 ou 200 euros une série pastiche d'un ouvrage du XIXe qu'on peut trouver pour le même prix ou presque "en vrai" !

Mais visiblement, dans notre monde moderne, la notion "en vrai" ne veut plus dire grand chose, ni pour les gens qui nous dirigent (qui confondent la macédoine de légumes avec les champignons fiscaux à la grec).

Je resterai jusqu'à ma mort un âpre défenseur du VRAI contre le FAUX, et ce en tout ! (livres, femmes, gastronomie, etc).

Imaginez en 2030 vos enfants assis à la table d'un restaurant en train de respirer une écume polycarbonatée mégachimique d'asperges à la sauce E122 imitation ragoût de boeuf !?

Je vous laisse, je vais respirer une impression de 1666 marquée "Pierre Marteau" conservée dans son vélin hollandais d'époque !

B.

calamar a dit…

Les réimpressions, ça s'est toujours fait. Celle des Baisers par Lemonnier est relativement estimée, par exemple. Tout dépend de la qualité du travail...

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Je suis d'accord, mais à aucun moment les éditeurs de la fin du XIXe siècle pour ne citer qu'eux n'ont relié leurs volumes avec du faux mouton scié et de l'or 18 caca !

Vouloir refaire c'est bien, imiter jusque dans l'outrance, beurk !

La sélection du Reader Digest ou De l'Ormeraie, en forçant un peu le trait, de loin dans une bibliothèque c'est du pareil au même.

B.

Pierre a dit…

Ce que j'aime en vous, Bertrand, c'est votre mesure ;-))

Michel de l'Ormeraie faisait du fac similé, je le concède, mais de là à le comparer à la Sélection du Reader-digest, c'est injuste ! On aime ou on aime pas, mais le papier est de qualité et la reliure est conforme aux standards de l'époque.

Il est évident que ce qui différencie cet éditeur de ses prédécesseurs du 19eme siècle, c'est l'absence totale de création puisque c'est souvent l'édition originale qui était copiée. D'ailleurs, j'ai bien précisé que les MDO ne pouvaient être considérés comme des ouvrages de bibliophilie mais comme de beaux ouvrages de lecture.

Parlons maintenant prix ! 55 € pour un fac similé et combien pour une édition ancienne équivalente ? On fait quoi en attendant d'économiser la différence ? (un point d'exclamation et deux points d'interrogation de suite ; on dirait du Céline !) Pierre

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

La mesure... ah oui, c'est vrai. A vrai dire, je n'y avais jamais pensé. Être mesuré dans la vie c'est un peu comme s'asseoir à la terrasse d'un café et commander un verre d'eau du robinet... c'est fade !

Je redis que MDO ou JDB, même combat (d'accord pour vous faire plaisir je retire de la liste la Sélection du Reader Digest qui, il est vrai, n'a même pas l'intérieur à défendre).

JDB et MDO c'est du faux ! Je veux dire par là qu'ils ne font que du costume de théâtre pour livre ancien. Cela me fait penser à ces pièces de Molière qu'on joue actuellement en costumes fait à la va-vite et dont les couleurs et la coupe n'aurait pas du tout convenu au bon Poquelin. Je veux dire par là que copier de bons textes sur de beaux papiers ne dispensent nullement de passer outre des considérations sur la reliure qui font qu'un pastiche à outrance, clinquant, en faux cuir de je ne sais quel animal chimiquement reconstitué avec de l'or dont même les pires vendeurs à la sauvette du marché de Vanves ne voudraient pas, ... prennent les acheteurs pour des ignorants.

Je veux dire aussi par là que nous avons bien évidemment des éditeurs dignes de figurer parmi les éditeurs bibliophiles du moment (comme les éditions des cendres ou les éditions Plein Chant de Bassac, mais que eux, conscients (heureusement pour nous), que donner aux bibliophiles des livres de qualité sans les affubler d'une reliure de pacotille. Évidemment s'ils voulaient leur en donner une, le prix de vente n'aurait rien de comparable.

Avec JDB et MDO nous sommes dans la pseudo-bibliophilie fast food pour pseudo-bibliophile.

Et ne me parlez pas de prix quand je vois qu'on peut acheter aujourd'hui pour moins de 50 euros de très nombreux beaux livres anciens de collection, brochés ou reliés.

Mais l'homme va là où on lui dit d'aller...

Devinez pourquoi ces éditeurs font de la publicité (ou faisaient) dans les programmes TV ? N'est-ce pas déjà un demi-aveu.

Bien sur vous dites Pierre que ce n'est pas de la bibliophilie et vous avez raison de le souligner, mais qu'est-ce que c'est alors ? Qu'est-ce que c'est que d'acheter un livre moderne qui ressemble de loin à un livre ancien tout en sachant que cela n'en n'est qu'une mauvaise imitation et au prix commercial attractif et ce avec des tirages dignes du Grand livre du Mois ? Qu'est-ce donc ?

Personnellement et j'assume ce que je dis, je pense que ce n'est ni plus ni moins que tu marketing publicitaire pseudo-bibliophile.

B.

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Encore une belle imitation : http://cgi.ebay.fr/VARENNE-VRAY-CUISINIER-FRANCOIS-fin-XVIIe-Mortier-/300425686811?cmd=ViewItem&pt=FR_GW_Livres_BD_Revues_LivresAnciens&hash=item45f2c42f1b

B.

Pierre a dit…

L'imitation reproduit la page de titre et l'ensemble à l'identique à la différence des éditeurs que nous venons de citer qui reproduisent en leur nom et avec des paginations différentes. L'imitation est donc encore autre chose !

J'ai eu une belle reproduction de DUDIN
(L'art du relieur, doreur de livres. De la Description des Arts et Métiers. Paris, 1980, (réimpression de l'édition de 1761) petit in-folio br. (112 pp. + 16 planches) qui me convenait à défaut de l'édition originale à un prix légitimement élevé.

Il est évident que si vous me trouver le "vrai" Dudin à moins de 100 € !

Bonne journée. Ici pluie et ciel bas ! Un temps à faire du bricolage... Pierre

Anonyme a dit…

Je tombe là, dessus par hasard...MDO
Rajoutez un a, comme Ane, et un c, comme couillon( pardonnez moi cet ecart de langage...) et vous avez Macdo, le fast food qui a su s'adapter aux habitudes francaises, nous dit-on... ouais, mais bon, tout ça ne vaut pas un bon plat mijoté bien de chez nous ou un bon plat exotique lointain... C'est un peu pareil en livre, non? Quoique, reponse de normand... ça depend quel livre introuvable et disparu...Sic.
Bien à vous
sandrine

Anonyme a dit…

Bonjour
J'ai une gravure original signé Paul gavarni
Une gravure sur marbre
Je veux savoir combien je peux la vendre?