Hier, un client helléniste m'expliquait qu'il était enchanté de reprendre des cours de grec car il redécouvrait, à cette occasion, certaines subtilités de la langue française qui lui avaient échappées. Le grec, comme le latin, comme la philosophie, comme de lire les notices des appareils ménagers, ça n'est peut-être pas utile mais ça nous fait découvrir un tas de choses auxquelles nous sommes malheureusement étrangers…
En 1809, dans le Journal de l’Empire, on pouvait lire
sous la plume même de Boissonade, le grand helléniste, une forte critique
contre le Dictionnaire Étymologique de Morin que je propose aujourd'hui à la
vente. Beaucoup d'hellénistes pensent maintenant que Boissonade, dans son
compte rendu, fut injuste à l’égard de Jean-Baptiste Morin car il avait négligé certaines
positions de l’auteur, qui s’esquissent pourtant au fil des dix pages de son Avertissement.
Voici d'ailleurs la critique de l'ouvrage à la sortie de
la seconde édition présentée ici : " Ce livre vraiment classique enrichi
des notes de M d Ansse de Viiloison est d'une utilité générale pour tous ceux
qui ne savent pas le grec et pour ceux même qui possédant cette langue ne se
sont pas familiarisés avec tous les termes de sciences d'arts et de métiers
dont on trouve l'étymologie et l'explication dans cet ouvrage C est un manuel
qu'il faut consulter à chaque instant et dont les personnes qui cultivent les
sciences ne peuvent pas se passer. L'accueil favorable qu'a reçu la première
édition la rapidité avec laquelle elle s'est épuisée sont de sûrs garants du
succès de celle-ci. L auteur a profité des observations que lui ont faites
plusieurs savants pour étendre et perfectionner son travail afin de le rendre
d'une utilité plus générale. Cette édition contient à peu près une fois autant
d'articles que la première.
Le Dictionnaire Étymologique de Morin est le seul ouvrage
lexicographique de ce temps à proposer sous le titre unique de Lettres
Grecques, les deux usages : celui de l’Université de Paris d’une part,
c’est-à-dire l’adaptation française de l’archétype érasmien, et de l’autre
celui des Grecs modernes, la prononciation de la langue byzantine. Morin, en
faisant co-figurer ces différences, accrédite l’histoire des deux traditions,
« la prononciation des Français et celle des Grecs modernes, qui servent toutes
deux à faire connaître l’étymologie de plusieurs termes de notre langue.
Son travail sur « l’analogie entre les deux
langues » est fortement inspiré dit-il, du Traité de la conformité du
langage françois avec le grec, paru en 1566 et dont l’auteur n’est autre
qu’Henri Estienne. Pour préciser sa filiation théorique, Morin se réfère aussi
à Ménage, ce grand savant qui a pratiqué la prononciation moderne du grec. Mais
« paradoxalement » cette référence à Ménage est supprimée dans la
deuxième édition du Dictionnaire." Le Dictionnaire Étymologique est défini dans sa page de
titre comme « ouvrage utile aux personnes qui ne sont point versées dans
les langues anciennes », s’adressant à un public à qui « la langue
grecque est étrangère ». Ce n’est donc point aux hellénistes mais aux
hellénisants que ce très utile dictionnaire de Morin est effectivement destiné.
Ce dictionnaire a un intérêt pour nous, pauvres ignares,
car il nous permet de déjouer les pièges de l’orthographe étymologique en
français en ce qui concerne les mots dérivés du grec. La raison en serait, je
le rappelle, à chercher dans la conception de la Première Édition du Dictionnaire
de l’Académie Française (1694). En effet, elle est en partie faite sur le plan
du Thesaurus linguae Graecae d’Henri Estienne (1572) : les mots y étant
rangés, non pas encore par ordre alphabétique, mais par souche notionnelle, par
ordre de racine, l’attention portée à leur étymologie était bien entendu
centrale ! Pierre
Dictionnaire étymologique des mots françois dérivés du Grec. Ouvrage
utile à tous ceux qui se livrent à l'étude des sciences, des lettres et des
arts, et qui ne sont point versés dans les langues anciennes; Auquel on a joint
les noms des nouvelles mesures, et les autres mots nouveaux tirés du Grec.
Enrichi de notes par M. d'Ansse de Villoison. Seconde édition, corrigée,
augmentée de tous les mots usuels de la langue française. Paris. Imprimerie
Nationale. 1809. 2 volumes in-8 (130 x 205mm). Reliure romantique
plein veau bleu nuit, plats estampés avec arabesques et motifs, filet doré
d'encadrement, dos lisse orné d'arabesques et de
filets dorés, roulette sur les coupes, tranches marbrées coquilles, gardes
colorées .xxxij, 478 et 2ff.n.ch., 456 pages. Vendu
2 commentaires:
Passioning !
Textor
Un ouvrage apparemment fort recherché, en tout cas. Il sera feuilleté par de jeunes mains. La relève est là ! Pierre
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