Révolution oblige, sous la Constituante, le parti royaliste devint le parti de l'opposition… Et comme pour toute opposition qui se respecte, le but de ses représentants fut de critiquer les idées nouvelles de la majorité. La tâche était facile : les idées nouvelles produisant des mœurs nouvelles et originales, il est certain que ceux qui personnifiaient ces idées ne furent pas difficiles à ridiculiser aux yeux de leurs ennemis et même aux yeux des indifférents qui prennent l'originalité pour de la fantaisie…
Les Actes des
Apôtres firent donc rire aux dépens des révolutionnaires mais ils donnèrent une
preuve éclatante de la fausseté du proverbe qui veut que le ridicule tue. La
vérité est que l'épigramme ne tue que les agonisants. Ce sont les troupes
légères qui achèvent une déroute commencée mais c'est en vain qu'elles
tenteraient d'arrêter ces irrésistibles masses d hommes marchant résolument à
la conquête d'un avenir longtemps rêvé ! Tel est en tout cas l'avis d'Eugene
Hatin dans son Histoire du journalisme dont j'ai tiré les informations pour
présenter l'ouvrage à la vente, aujourd'hui..
Les Actes des Apôtres, espèce de satire Ménippée de
l'époque, étaient en fait des parodies plus promptes à provoquer la colère des révolutionnaires qu'à les faire rougir de leurs égarements. Ce journal cynique était
le support sur lequel quelques jeunes gens spirituels raillaient toutes les incohérences
de la Révolution. Il est vrai, qu'à son début, les défenseurs de la monarchie
étaient loin de comprendre la gravité du péril qui les menaçait. Ils s
imaginaient que l'on aurait raison des "mutins"… c'est ainsi qu'ils nommaient les
tenants de la Révolution. Ils eurent le tort d'irriter leurs adversaires par le
dédain et d'employer contre eux l'ironie et le persifflage. La moquerie
haineuse et méprisante ne fit qu'envenimer les querelles et transformer de
simples dissidences en violente et irréconciliable animosité !
Ces Actes des Apôtres (sous-entendu de la liberté royale)
fut donc assurément la feuille la plus spirituelle et la plus piquante de l'époque.
Ils commencèrent à paraître le jour des morts de l'an de la liberté 0, c est à
dire le 2 novembre 1789 et se vendirent au numéro chez Gattey, libraire au
Palais Royal. Ce n'est qu'après avoir publié cinquante six numéros que les
quarante cinq apôtres résolurent de suivre la loi commune et de recevoir des
souscriptions. Ils y furent déterminés par les nombreuses contrefaçons qui
furent faites, l'exemplaire que je présente semblant en être une des plus
belles et des plus complètes…
Les Actes des Apôtres parurent donc d'une façon
irrégulière mais cependant à peu près tous les deux jours puisque dans l'espace
d environ deux années qu'ils vécurent, il en fut publié trois cent onze numéros.
Les livraisons étaient aussi très inégales entre elles. Elles étaient le plus
ordinairement de huit à vingt quatre pages. Gattey est arrêté et interrogé
suite à une perquisition dans sa librairie le 13 mars 1794. Il sera condamné à
mort par le Tribunal révolutionnaire pour avoir mis en vente et même expédié
aux colonies des écrits contre-révolutionnaires tendant au rétablissement de la
royauté
Les Apôtres n'étaient pas évidemment quarante cinq comme
ils le disaient par plaisanterie. On en connaît une douzaine parmi lesquels
Peltier, le général comte de Langeron, le comte de Lauraguais, le comte de
Rivarol, Regnier, de Mesnil-Durand, d'Aubonne, Georges Beville, Langlois,
Artaud, Bergasse, l'abbé de La Bintaille, et le chanoine Turménie, etc… En
fait, les Actes étaient bientôt devenus le refuge de tous les beaux esprits
mécontents, l'asile des faiseurs de vers badins et de chansonniers sans emploi
qui s y embusquèrent pour moquer la Révolution. Des Apôtres, le plus spirituel
et le plus brillant était sans conteste Rivarol. Mais la cheville ouvrière de
l'entreprise, c'était Peltier ! Cet écrivain qui devait faire une si
persévérante et si rude guerre aux pouvoirs qui se succédèrent de 1789 à 1814
était fils d un riche négociant de Nantes et il aurait très probablement suivi
la carrière paternelle si la Révolution n'était venue l'en détourner. Je vous propose aujourd'hui un excellent exemplaire en
bel état de ces Actes des apôtres. De l'esprit, de l'analyse…, mais un vrai
manque de discernement chez ces apôtres de la liberté de penser. Ce n'est pas
avec l'esprit qu'on terrorise les terroristes… Pierre
COLLECTIF. Les Actes des apôtres, commencés le jour des
morts, et finis le jour de la purification... Version première. A Paris, sans
nom d'éditeur [F.-C. Gattey], L'an de la liberté 0, [1789-1791]. 18 volumes
in-12. Reliure uniforme, demi-basane brune, dos lisse, filets dorés,
gardes colorées. Se termine au chapitre CCLIII de l'an des jurés et des
jureurs. Très bel état, grande fraicheur. Vendu
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